25 avril 2024
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Algérie : drogue, corruption et prières de rue

Lu dans la Libre Belgique

Algérie : drogue, corruption et prières de rue

Sur fond de scandales gigognes et d’agitation islamiste, les clientèles du régime tentent de faire diversion en appelant le président Bouteflika à briguer un 5e mandat.

Au pouvoir depuis 1999, le président Bouteflika, 81 ans, cloué par un AVC sur un fauteuil roulant depuis 2013, pourrait rempiler pour un 5e mandat ! Depuis quelques jours, ses partisans multiplient les appels au  » grand résistant »  prié de « consentir d’autres sacrifices pour poursuivre son œuvre ! » Derniers flagorneurs en date, Djamel Ould Abbès, secrétaire général du Front de libération nationale (ex parti unique, majoritaire) et Ahmed Ouyahia, premier ministre et patron du Rassemblement national démocratique qui se regardaient jusque-là en chiens de faïence, font désormais cause commune. Au delà des  » réalisations du Grand timonier »  déclinées comme une liste à la Prévert, leur argument sonne comme une menace :  » la stabilité avec Bouteflika ou le chaos! » Et comme pour appuyer cette prémonitoire mise en garde, sept militaires ont été tués le 30 juillet, à Skikda (470 km à l’est d’Alger) dans une embuscade terroriste.

Prières salafistes contre musique raï

Au même moment, et dans plusieurs villes, des groupes de salafistes ont relancé leur offensive de moralisation de la société. Pour empêcher les concerts de musique raï, ils occupent les terrains ou les salles prévus pour les spectacles par des prières collectives, que les autorités suivent avec une étrange bienveillance. Une stratégie de la tension qui rappelle par bien des aspects, les prémices de la terreur des années 1990.

Comme les pathétiques suppliques au président Bouteflika, cette brusque fièvre islamiste survient au cœur d’un scandale gigogne, qui a secoué les plus hautes sphères du sérail. Le 29 mai dernier, les garde-côtes, alertés par les autorités espagnoles, ont arraisonné un navire en provenance du Brésil qui transportait de la viande surgelée et qui devait accoster au port d’Oran (500 km à l’ouest d’Alger) ; à son bord, 700 kg de cocaïne !

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Sitôt arrêté, Kamel Chikhi, l’Escobar présumé, passe à table. Ce boucher de 40 ans qui a fait fortune dans le négoce de viande, a étendu ses tentacules dans l’immobilier de luxe ; ses constructions dans les quartiers chics de la capitale obtiennent les autorisations avec une étrange facilité.

Corruption en caméras cachées !

En perquisitionnant ses bureaux, le juge d’instruction tombe sur une mine de pièces à conviction, qui vont donner au dossier une dimension d’affaire d’Etat. Le très pieux Kamel « Le Boucher » qui arrosait confortablement ses « bienfaiteurs », avait pris la précaution de les filmer au moment de leur remettre de confortables enveloppes, accompagnées d’un Coran, d’un tapis de prière et d’une bouteille d’eau bénite de la Mecque ! Preuves providentielles, ces caméras cachées vont confondre fils de ministres, élus locaux, officiers supérieurs, magistrats et hauts fonctionnaires, qui ont mis le doigt dans le pot de confiture. Mis en examen, la plupart des suspects ont été placés en détention provisoire ; les chef de la police et de la gendarmerie, et plusieurs de leurs subordonnés de province ont été limogés.

Ce séisme, qui révèle les liaisons glauques entre argent sale et pouvoir, est d’autant plus violent que les techniques habituelles pour étouffer le scandale sont inopérantes ; car, Interpol et les agences internationales de lutte contre la drogue suivent l’affaire de très près. Tout juste si les manipulateurs de l’ombre ont réussi jusque-là à limiter les dégâts, en fixant un plafond de verre au-dessus duquel l’enquête ne peut s’aventurer.

Autorité supérieure

Devant le juge d’instruction, Kamel « Le Boucher » reconnaît volontiers ses méthodes peu orthodoxes pour bâtir son empire immobilier, et révèle force détails sur ses influents complices. Mais, selon des sources proches du dossier, il refuse de porter le chapeau dans le trafic de cocaïne. Difficile en effet de voir dans le personnage,  » timide, réservé et bigot «  décrit par ses relations, le cerveau de la pieuvre. Car, la filière a maillé le trajet par d’influentes protections qui ne peuvent obéir qu’à une autorité supérieure ; le port d’Oran était « sécurisé » pour accueillir les stupéfiantes cargaisons sans attirer la curiosité des douaniers ou de la Police aux frontières. Tout au plus si Kamel « Le Boucher » a joué « la mule », consentante ou involontaire, pour le compte d’un intouchable parrain.

A 9 mois du scrutin présidentiel, la guerre de succession, confinée jusque-là dans les coulisses feutrées du sérail, a débordé sur la place publique. Sauf improbable consensus entre les clans les plus influents, ces débordements risquent de prendre une tournure tragique.

Auteur
Arezki Aït Larbi/La Libre Belgique

 




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