26 avril 2024
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Algérie-Kabylie et Ferhat Mehenni

Débat

Algérie-Kabylie et Ferhat Mehenni

A la lumière de ce que vient de lancer Mas Ferhat Mehenni de Londres, nombreux sont des amis, réels ou virtuels sur les réseaux sociaux, qui m’ont dit ou écrit en privé pour m’inviter à donner mon avis. D’après eux j’ai tardé à le faire alors que dans le passé je me suis toujours prononcé sur les questions de l’heure qui engagent la Kabylie et Tamazgha.

C’est le manque de temps pour donner une bonne réflexion qui explique un tel retard. Cependant c’est un post particulier, émanant d’un jeune, qui m’a supplié de le faire car mon avis compte pour les jeunes d’après lui. Ce qui m’a forcé à voler le temps nécessaire pour  finaliser mon avis, que voici et sans aucun détour. D’abord je tiens à préciser que j’écris ce post à titre personnel, et donc au nom d’aucune organisation parmi celles dont je fais partie (Association, Fondation, TV, …).

Ensuite, je vais être clair dès le début pour dire que je ne cautionne aucun recours à la violence pour arriver au bout de notre noble et saine cause. Celle de se réapproprier notre destin commun en tant que Kabyles, et par voie de conséquence et ultérieurement tous les autres peuples amazighs par la suite.

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Par rapport à la sortie londonienne du président du MAK-Anavad, j’ai pu lire, relire et analyser la plupart des réactions émanant de nos intellectuels, politiciens, journalistes ou tout simplement les citoyens kabyles à travers surtout les réseaux sociaux. 

J’ai noté quelques réactions émanant de ceux qui n’ont jamais soufflé un seul mot sur Ferhat Mehenni ou son mouvement depuis sa création en 2001. Je veux citer comme exemple le fameux chroniqueur du Soir d’Algérie, Hakim Laalam.

Tout comme il convient de constater que les Naima Salhi, les Oulémas musulmans, et l’Organisation des anciens moudjahidines, … n’ont émis aucun avis ou commentaire. A savoir pourquoi ? 

Est-ce que leur silence cache quelque chose ou plutôt la rue kabyle les amuse en la voyant définitivement divisée, presque à part égale, entre ceux et celles qui ont donné un sens ou un autre au concept de « Forces de contrainte ». C’est-à-dire recours à la violence ou la nécessité et l’urgence de s’autodéfendre face aux multiples provocations dont:

– L’interdiction de nombreux cafés littéraires en Kabylie. Pour rappel, moi-même  j’étais le premier à être interdit à Bouzeguène pour le café littéraire que je m’apprêtais à animer en décembre 2015 sur la menace de l’audiovisuel algérien en Kabylie. Il a été annulé sur décision du chef de daïra de Bouzeguene. Le lendemain, le chef de daïra d’Ighil Ali a ordonné la même chose en interdisant la conférence que j’étais supposé animer sur le même thème. Les membres de l’association culturelle d’Ighil Ali qui m’ont invité ont brisé le mur de la peur, en me déplaçant du lieu initial, la salle Taous Amrouche, que la police a scellée vers la salle Mouloud Kassem Nait Belkacem.

– Le kidnapping des entrepreneurs kabyles ou leurs enfants pour les inciter à investir hors Kabylie, ainsi que le sabotage économique en Kabylie (Cevital au port de Bgayet, usine Samsung, …) pour empêcher le développement économique. En contre partie, d’importants budgets ont été investis par l’Etat algérien dans la construction des prisons, brigades de gendarmerie, casernes militaires, mosquées et centres islamiques.

– Le financement douteux d’associations pseudo-éducatives comme Iqraa pour donner à nos vieux et vieilles  des cours d’alphabétisation pour apprendre comment lire et écrire en langue arabe mais pas dans leur langue kabyle. En parallèle, plusieurs écoles coraniques (zaouïas) et crèches islamiques, sous tutelle du ministère de l’éducation ont été implantées en Kabylie, pour salafiser nos petits enfants. Arabiser et islamiser nos aînés et nos enfants répond à un agenda :  l’acculturation à plus ou moins long terme. L’école publique algérienne achève le reste pour ainsi couvrir toutes les tranches d’âges en terme d’assimilation linguistique. 

– La confiscation des commerçant(e)s kabyles notamment les militant(e)s comme Massa Kamira Nait Cid, présidente du CMA (Congrès Mondial Amazigh).

– Nos forêts qui brûlent d’une façon récurrente depuis seulement 2001 et à chaque été sous le faux prétexte de la chaleur alors qu’avant cette inoubliable et malheureuse année (qui rappel le printemps noir) c’est rare d’entendre une forêt kabyle qui brûlait. Il ne fait aucun doute que par ces actes préprogrammés, c’est l’asphyxie économique de la Kabylie qui est visée en brûlant nos oliviers et figuiers millénaires.

La sortie subite de quelques hommes politiques et acteurs culturels kabyles, dont certains du MCB, souvent absents de la scène kabyle, est considérée par certains comme pour rajouter de l’huile sur le feu. Ce qui a fait dire à un écrivain kabyle, que je respecte, que le régime algérien peut dormir sur ses deux oreilles : une bonne partie de « l’élite » algérienne, » se situant dans l’opposition, en Algérie ou à l’étranger, possède l’art de massacrer les rares personnes qui osent défier ce régime. 

Personnellement je pense que Mas Ferhat Mehenni, lauréat du prix international Gusi de la Paix en 2013, en prononçant l’autorité kabyle, il entend celle que nos ancêtres, de par leurs assemblées de villages ont, de tout temps, exercée sans violence et sans même recourir à la prison. 

En effet pourquoi ne pas revenir à cet ordre villageois pour trouver des solutions à tous ces intrus et virus idéologiques (arabistes et salafistes) qui inondent vos villages. Lesquels nous sont imposés avec la complicité, pour ne pas dire la volonté de l’Etat central d’Alger, via ses écoles, mosquées, tribunaux (code de la famille oriental), radios, journaux et enfin ses dizaines de TVs.   

Encore une fois il m’est difficile de croire que les propos tenus par l’un des principaux fondateurs de la première Ligue algérienne de la défense des droits de l’homme en 1986, aient un rapport direct avec la violence.  

Pour moi Ferhat Mehenni, avec l’ensemble des actions pacifiques entamées jusque-là, fait partie de ces nombreux hommes et femmes qui ont suivi le chemin de Mahatma Gandhi, le précurseur et le théoricien du concept de la «non-violence». 

Pour les besoins de rappel historique que je trouve utiles pour nos jeunes Kabyles,  Mahatma Gandhi,  né 1869, est un dirigeant politique, un guide spirituel et un leader du mouvement pour l’indépendance de l’Inde. Il a préconisé la désobéissance passive et collective pour lutter contre les ségrégations en remportant de prodigieuses victoires face au puissant colon britannique.

Étant donné sa diversité confessionnelle, Mahatma Gandhi a prôné un Inde laïque et multiconfessionnelle. De ce fait, il est assassiné par les siens à Delhi le 30 janvier 1948. Exactement par un extrémiste qui souhaitait plutôt la création d’un État hindou religieux, l’Hindoustan.

Il est important aussi de rappeler l’impressionnant parcours d’une autre  personnalité historique, qui a fait que 40 années après sa mort, les USA ont eu leur premier président noir. Résultat direct d’une longue mais pacifique lutte qu’a mené Martin Luther King Jr. Ce dernier, né en 1929, est un pasteur protestant afro-américain, un apôtre de la non-violence et l’une des figures les plus célèbres du mouvement afro-américain des droits civiques pour l’abolition de la ségrégation raciale aux États-Unis. 

Martin Luther King Jr. a organisé et dirigé des actions non violentes qui ont porté leurs fruits. Il convient de citer juste une: Le boycott des bus de Montgomery pour défendre le droit de vote. C’était une campagne politique et sociale entamée en 1955 à Montgomery (Alabama) pour s’opposer à la politique municipale de ségrégation raciale dans les transports publics. 

Ce boycott qui a duré une année entière (1956) a abouti à une décision de la Cour suprême déclarant anticonstitutionnelles les lois de l’État d’Alabama imposant la ségrégation raciale dans les bus. 

D’ailleurs cette action non-violente me rappelle le boycott scolaire en Kabylie en 1994, initié par Ferhat Mehenni et ses amis en vue de faire reconnaître tamazight comme langue nationale et officielle. Ce boycott qui a duré aussi une année entière a abouti à une décision historique de l’Etat algérien. Celle d’intégrer l’enseignement de tamazight dans les écoles ainsi que la création du Haut commissariat a l’amazighité. . 

Depuis Ferhat Mehenni a mené pédagogiquement énormément d’actions pacifiques qui blessent, dérangent et perturbent l’ennemi sans tirer aucune balle. Je cite quelques-unes:

1. Mis en place, avec d’autres acteurs, d’un mouvement autonome kabyle en 2001.

2. Une décennie plus tard, transformation de ce mouvement en autodétermination de la Kabylie. Suite directe de l’autisme du régime d’Alger face à la revendication de l’autonomie, telle que souhaitée aujourd’hui par la plupart des Kabyles.

3. Création d’un Gouvernement Provisoire Kabyle (Anavad), une façon de montrer à l’opinion internationale que les kabyles sont très mal à l’aise avec le Gouvernement Permanent Algérien, d’essence arabo-islamiste. Lequel gouvernement, depuis 1962 et de façon plus accentuée depuis 1999, ne cesse d’enterrer l’âme kabyle, chacun année un peu plus. 

4. Mettre en place, après un long processus électif et de concertation, d’un drapeau kabyle pour le dissocier du drapeau fédéral amazigh, tolérée depuis par les autorités algériennes. Une façon de dire que les Kabyles ne sont pas à l’aise avec le drapeau algérien, vicieusement conçu en 1933 par le fondateur de l’antikabylisme Messali El Hadj et sa femme française, selon l’idéologie de ses ancêtres ottoman-turcs.

5. Création d’une carte d’identité kabyle, entièrement écrite en taqvaylit. Une façon de dire que les Kabyles ne sont pas à l’aise avec la carte d’identité algérienne entièrement écrite en arabe, y compris la version informatisée de 2018 (tout comme le passeport biométrique). Soit deux ans après la semi-officialisation de tamazight, fruit de la pression constante et pacifique du MAK, selon les observateurs les plus avertis. 

6. Composition d’un hymne national kabyle. Façon de dire que les Kabyles ne sont pas à l’aise avec celui d’Algérie exclusivement pensé et composé en langue arabe. 

7. Création d’une structure humanitaire kabyle qui est l’Aza rouge pour répondre au besoin de solidarité sociale et d’aide humanitaires. Laquelle structure est d’essence identitaire (kabylo-amazigh) contrairement à celles d’essence religieuse (monothéiste) comme la Croix-Rouge (chrétienne), le Croissant-Rouge (musulman) et l’Étoile-Rouge de David (juive).

8. Mise en place d’une équipe nationale de football kabyle et sa participation à la coupe du monde CONIFA 2018. Façon de dire que les Kabyles sont très mal à l’aise avec les onetwotristes algériens qui, à chaque fois ils scandent leur fierté d’être les seuls représentants du monde arabe et faisant des prières avec des Imams et des Raqis dans les vestiaires à chacun des matchs de l’EN algérienne lors des coupes du monde FIFA 2010 et FIFA 2014.  

9. Mise en place d’une agence d’information Siwel, 100 fois plus visitée que l’agence algérienne APS qui a enfin décidé d’informer en tamazight mais anarchiquement en trois caractères (arabe, latins et tifinagh) comme les livres scolaires de Tamazight et la TV4.

J’ai pris mon temps pour ne citer que ces 9 actions pacifiques qui dérangent plus que si la violence aurait pris place au grand bonheur de ceux qui ont les clefs de l’armée, après la confiscation de l’indépendance en 1962, ne laissant aux kabyles que leurs fusils de chasse et encore. Laquelle violence risquerait d’emporter des dizaines ou centaines de milliers d’âmes kabyle et du coup finir avec le peuple kabyle. 

Ceci pour dire que Ferhat Mehenni est loin d’être inconscient pour ne pas continuer sur sa voie. Celle de la résistance à l’oppression. Tout comme Mahatma Gandhi qui a inspiré de nombreux mouvements de libération et de défense des droits civiques dans le monde. 

L’histoire retiendra que Ferhat Mehenni, avec tout ce qu’il a déjà enduré et entamé jusque-là et jusqu’à sa mort (j’en suis certain) comme actions pacifiques, figurera parmi ces  autres grandes personnalités (autres que Martin Luther King cité plus haut) qui ont suivi l’exemple de Mahatma Gandhi. Je cite à titres d’exemples:

– Le Dalaï Lama, moine bouddhiste et prix Nobel de la paix en 1989 pour avoir constamment œuvré à la résolution du conflit sino-tibétain par la non-violence, 

– Aung San Suu Kyi, femme d’État birmane, figure de l’opposition non-violente à la dictature militaire de son pays.

– Nelson Mandela (1918 – 2013) dont la longue lutte qu’il a entamé depuis son entrée au Congrès national africain en 1943, a donné ses fruits au point de devenir, presque un demi-siècle plus tard président d’Afrique du sud de 1994 à 1999. C’était 4 ans après sa sortie de la prison où il a été incarcéré pendant 27 ans. 

A rappeler que sa lutte non-violente contre les lois de l’Apartheid, mises en place par le gouvernement du Parti national dès 1948, a valu à Nelson Mandela le prix Nobel de la paix en 1993 pour avoir pacifiquement mis fin au régime de l’apartheid et jeté les bases d’une nouvelle Afrique du Sud démocratique, prospère et la plus développée de l’Afrique.

Bouteflika après ses 4 mandats, court toujours derrière ce prix Nobel, mais il ne l’aura jamais. Tout simplement parce qu’il est très violent envers les Mozabites, les Kabyles (128 jeunes assassinés entre 2001 et 2003), les chrétiens (dont Slimane Bouhafs), des blogueurs (dont Touati Merzoug), … bref envers tous ses sujets algériens qu’il a affamés et privés de toutes les libertés et les joies.

Auteur
Racid At Ali uQasi

 




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