26 avril 2024
spot_img
AccueilChroniqueClimat, Iran, Syrie, Palestine, ou la politique gribouille de Trump

Climat, Iran, Syrie, Palestine, ou la politique gribouille de Trump

Grand Angle

Climat, Iran, Syrie, Palestine, ou la politique gribouille de Trump

Quand il prêta serment en devenant président des Etats-Unis, Donald Trump a déclaré ‘’avec moi le peuple américain va entrer à la Maison Blanche’’. Ces propos prononcés par un homme milliardaire au pluriel ont étonné et même stupéfait plus d’un dans le monde. Quand on se penche aujourd’hui sur ses décisions et prises de position, on voit qu’il tourne le dos aux peuples du monde entier, y compris une partie du peuple américain. Les peuples vont trinquer à cause d’un chef d’Etat dont l’ivresse de la puissance risque d’entraîner le monde vers des catastrophes. Le climat ? Les forêts deviennent squelettiques, les glaciers fondent et les mers avalent le littoral, le gaz de schiste assèche les fleuves, bref comme a dit un autre chef d’Etat, la maison brûle et … le roi de l’immobilier regarde ailleurs.

Quant aux problèmes politiques de la planète, Iran, Syrie, Palestine, les accords internationaux et l’ONU, le même roi de l’immobilier à l’aide d’un simple tweet, se permet de déchirer lesdits accords comme si c’était un vulgaire papier d’un vulgaire marchand des quatre saisons. Arrêtons-nous sur sa dernière décision relative à El Qods (Jérusalem) qui est le parfait exemple de ce qu’on appelle une politique gribouille. Son geste sent bon l’arrogance et le mépris dont l’histoire est certes coutumière mais que l’époque d’aujourd’hui n’apprécie guère. L’ONU vient de le lui signifier en dépit de ses menaces en dollars faute de pouvoir pratiquer à tout va la politique de la canonnière de la belle époque.

Le président américain commet une grave faute politique en voulant contourner à la fois le peuple palestinien spolié de sa terre et le droit international qui légitime sa résistance. Il a oublié qu’un peuple est une entité historique et non pas une colline, une rivière, une forteresse que l’on peut contourner par une manœuvre tactique mené par un corps d’une armée (1). Le président américain avance comme argument la nécessité de débloquer les négociations entre Palestiniens et Israéliens. En tant que président d’une grande puissance et qui plus est se veut être un ‘’facilitateur neutre’’ entre les belligérants, il était de son devoir de déblayer le terrain pour une éventuelle reprise des négociations en raisonnant politiquement pour démêler les fils d’un tissu complexe d’une guerre qui dure depuis 100 ans (déclaration de Balfour novembre 1917).

- Advertisement -

Les analyses et commentaires faits dans la presse se sont contentés en général de critiquer la maladresse et le timing de la décision de Trump. Il est plus intéressant de cerner les ressorts idéologiques et politiques qui sont à l’origine de ce genre de décisions. Les mêmes ressorts idéologiques, on les retrouve dans la politique d’Israël.

Commençons par Trump qui semble vouloir marcher sur les traces de Patton, ce général baroudeur fonçant sur l’Allemagne en balayant tout sur son chemin pour prendre Berlin et ravir la victoire à ‘’l’allié’’ de l’époque mais potentiel adversaire de demain, à savoir l’URSS. Le général Patton a certes bousculé les Allemands dans les Ardennes mais n’a pas réussi à entrer en vainqueur à Berlin, donc échec dans ses prévisions. Au lieu de vouloir imiter Patton, Trump devrait plutôt étudier le scénario catastrophe appliqué par l’armée américaine au Viêt-Nam. Incapables de briser la résistance du Nord-Viet-Nam qui alimentait en armement le sud Viêt-Nam par la fameuse piste de Ho Chi Min, les Américains décidèrent de contourner l’obstacle vietnamien en envahissant le Cambodge, pays d’un roi pacifique et pacifiste, Norodom Sihanouk. Ils paieront doublement cher leur geste. Sur le plan politique, le prince Sihanouk rejoint le mouvement révolutionnaire, lui offrant ainsi une légitimité internationale. Sur le plan militaire les USA vont s’embourber et ils quitteront la capitale du Cambodge en fuyant comme une petite armée en déroute.

Voyons le cas des Israéliens qui ont appliqué le même scénario au Liban en 1982. Incapable d’arrêter la résistance palestinienne, Sharon veut foncer directement sur Beyrouth pour liquider la tête de l’OLP quitte à mentir à son gouvernement. Officiellement, la guerre a été déclenchée pour faire reculer l’OLP de 40 km de la frontière pour stopper les attaques de la résistance palestinienne. En réalité, dès le début, l’armée israélienne contourna les poches de la résistance palestinienne pour foncer sur Beyrouth où se trouve le siège de l’OLP. Ce mensonge heurta l’opinion internationale et les gouvernements étrangers s’inquiétèrent des conséquences de cette grossière manipulation.

Les Américains eux-mêmes évaluèrent les dangers et envoyèrent un diplomate Philippe Habib pour faire accepter à Arafat son départ de Beyrouth et forcer Sharon à évacuer la capitale libanaise. Le président français, François Mitterrand envoya un bateau pour que Arafat puisse quitter Beyrouth sous la protection de la Marine française. Furieux de ne pas atteindre leur objectif politique devant la résistance acharnée des Palestiniens quand bien même ils avaient rasé des quartiers entier de Beyrouth, les Israéliens se vengèrent sur les camps de refugiés dans la banlieue de Sabra et Chatilla sans défense, les fidayines ayant évacués les camps selon l’accord signé entre l’OLP et le diplomate américain Philippe Habib.

Ainsi, fidèles à leur politique de contournement des obstacles, les Israéliens avec l’appui des USA, tentent une nouvelle fois de contourner un obstacle politique (ici Jérusalem). Aujourd’hui en 2017 pour Jérusalem, quel paradoxe ! c’est le président des Etats-Unis qui leur ouvre le chemin contrairement au diplomate Philippe Habib qui leur barra la route de Beyrouth en 1982. Mais aujourd’hui comme hier, le contournement du droit international, enclenche la dialectique d’un futur échec. Hier Israël voulait liquider l’OLP, il a fini par la reconnaître comme représentant du peuple palestinien. Aujourd’hui, les manifestations quotidiennes en Palestine, la solidarité des peuples, isolement diplomatique des USA au conseil de sécurité et de l’assemblée générale de l’ONU, annulation du déplacement du vice-président américain au Moyen-Orient, les USA détrônés de leur statut ‘’d’honnête’’ intermédiaire entre les deux parties, le tableau est sombre pour un geste diplomatique censé ‘’éclairer’’ le champ des négociations. En ignorant les leçons de l’histoire et en confondant les tactiques militaires et celles du champ politique, (le Politique art suprême selon Aristote), Trump et ses amis israéliens ont récolté un isolement diplomatique dont ils connaitront les effets douloureux plus tard

Fascinés et aveuglés par la puissance de leurs armées, ils ont oublié que celles-ci ne peuvent atteindre des objectifs politiques par leur seule brutalité. En méprisant tous les paramètres de l’histoire et des réalités politiques du présent, ils se fracasseront devant les murailles de l’histoire qui réserve des surprises aux mauvais élèves. Comme nous sommes au Moyen-Orient, les conséquences dans cette région baignant dans les tumultes et les fureurs des guerres, vont se manifester en raison des retombées stratégiques des guerres en Irak et en Syrie. Israël et les USA ne sont plus les seuls maîtres des lieux. D’autres puissances, l’Iran et la Russie leur dament les pions, deux pays, le premier a inventé le jeu d’échec, le second gagne tous les ans la palme d’or des championnats du monde des échecs. Entre un jeu millénaire aux combinaisons illimitées et le jeu de Dames pour ceux qui savent compter jusqu’à 10, les gagnants sont connus. On le voit déjà à Astana où se déroulent les vraies négociations sur le dénouement de la guerre en Syrie. Astana où siègent la Russie et l’Iran a enterré Genève où l’ONU méprisée par les USA et Israël a perdu toute crédibilité.

A. A.

Notes

(1) Le contournement est une notion de la tactique militaire. Ça consiste à contourner des obstacles de la nature (montagnes et fleuves) ou bien des défenses dressées par l’ennemi. Cette manœuvre vise à atteindre le plus rapidement possible un important but militaire pour réaliser un objectif politique. Cette course contre la montre peut coûter cher en vie humaine mais le gain politique escompté vaut tous les sacrifices pour ceux qui glorifient le militaire et méprisent le politique. Mais appliquer cette notion (art de la guerre) à l’arène politico-diplomatique est plus qu’une erreur, c’est une faute. Le politico-diplomatique qui obéit à des rapports de force découlant de l’histoire, des alliances entre Etats et du droit international nécessite une réflexion approfondie car une mauvaise évaluation des dits rapports de force se paie très cher.

Auteur
Ali Akika, cinéaste

 




LAISSEZ UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

ARTICLES SIMILAIRES

Les plus lus

Les derniers articles

Commentaires récents