23 avril 2024
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Jean-Pierre Adams, 36 ans de coma. Et Bouteflika ? 

FOOTAISES de Meziane Ourad

Jean-Pierre Adams, 36 ans de coma. Et Bouteflika ? 

L’équipe de France 1998, la « black-blanc-beur » qui a remporté la coupe du monde un 12 juillet, il y a 20 ans revient ce soir défier l’UARENA de Nanterre, le reste du monde de l’époque. Ce collectif était beau. Bon. Vrai. Il y avait Zidane, bien sûr mais il y avait surtout à l’ombre de Jacquet, le montagnard, un état d’esprit jamais retrouvé à ce jour. Ces Bleus, c’était l’équipe de toute la France. Celle des voix multiples. De toutes les couleurs. La France qui gagne.

Je reproche, pourtant, à cette France d’être quelquefois oublieuse…

Cette fois, pour aller en Russie et avant leur premier match à Kazan le samedi 16 juin à 11h50, les troupes françaises transportées dans un palace volant, n’ont pas traversé la Berezina, ce cours d’eau où l’armée napoléonienne a perdu 20 000 hommes entre le 26 et le 29 novembre 1812. La bataille a eu lieu aux confins de Borisov, une ville de Biélorussie ( bête noire de la France, au foot ).

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La Russie ne réussit pas trop à la France, en général. Je touche du bois. La France où je vis est une équipe derrière laquelle je me tiendrai. Là où je ne tiens plus en place, c ‘est quand, à la veille du mondial, je revisite l’histoire de Jean-Pierre Adams, ancien arrière central des Bleus, mort-vivant depuis 36 ans.

Le 17 mars 1982, à deux ou trois mois de la victoire de l’Algérie contre l’Allemagne à Gijón et la défaite de la France aux tirs au buts contre la même équipe, ce joueur tombe dans le coma lors d’une opération banale du genou.

Né le 10 mars 1948 à Dakar, il avait débarqué avec sa grand-mère à Montargis, à l’âge de huit ans. Après plusieurs années vécues dans les divisions amateurs, il finit par rejoindre le Nîmes olympique, club de division 1, à l’époque. C’était en 1970. Il passera par la suite par l’ OGC Nice et le PSG. Entretemps, il sera sélectionné 22 fois , en équipe de France.

Il dort, chez lui, aux côtés de Bernadette, sa fidèle épouse depuis 36 ans !

Elle le regarde vivre ( survivre ? ) depuis qu’elle l’a sorti du centre de rééducation où il a séjourné de 82 à 83. C’était au siècle dernier, elle le couve, le réchauffe, lui donne à manger, le lave… Elle lui parle. Elle sait qu’il l’entend. Qu’il la sent. Quelle femme !

De Cassaignes, dans le Gard, où il vit toujours, où il respire à l’ombre de ses cyprès, je suis sûr qu’il va être à l’écoute des vibrations qui parcourront les travées des matchs des Bleus. Et ceux du Sénégal. Il est né au bord du Lac rose, tout de même !

Jean-Pierre Adams a aujourd’hui 70 ans. Il n’est pas mort. Comme un soldat, de Rimbaud, il est juste endormi.

C’est son souffle qui donne l’envie d’être là, à sa femme Bernadette , qui refuse de céder devant l’inéluctable.

C’est une erreur d’un stagiaire anesthésiste de l’hôpital Edouard Herriot de Lyon, qui a plongé son homme dans un sommeil profond.

Laurent et Frédéric, ses enfants, aujourd’hui parents eux-mêmes, ses trois petits enfants, ne connaissent de lui que quelques images en noir et blanc, qui retracent les gestes accomplis au temps de sa superbe.

Ils n’ont jamais entendu sa voix. Ou si une fois, dans un film. Un petit a crié : « il parle papy ! « .

Et oui, papy parlait. Papy riait. Papy vivait.

L’histoire de Jean-Pierre Adams, fils du Lac rose, au Sénégal et de Nîmes, nous rappelle combien l’ingratitude peut faire des dégâts.

Les jeunes joueurs, internationaux y compris, préoccupés par les jeux de la FIFA et les vains égosillements des rappeurs, par les couleurs des berlines et les rondeurs des pin-up, ne connaissent pas son histoire. Ne lui rendent pas visitent.

Ses anciens copains, eux, préfèrent garder de lui l’image du beau garçon qu’il fût. Bernadette dit qu’il a toujours gardé son beau visage. A peine a t-elle remarqué quelques épars cheveux blancs. Pas une plissure. Pas une ride. « Il vieillit moins vite que moi » dit-elle.

Sa femme, cette sainte comme l’appellent ses enfants, a une seule hantise, mourir avant lui.

Qui s’occuperait de lui ? 

Jean-Pierre n’est branché à rien. Pas un fil ! Il respire tout seul. Il mange des aliments mixés. Il peut s’asseoir sur un fauteuil. Il ouvre les yeux au réveil, il les ferme quand il dort. Il doit certainement rêver.

Adams est né en 1948, dix-huit ans après la première coupe du monde remportée en 1930, par l’Uruguay, chez elle. Jean Rimet venait de créer cette compétition, deux années auparavant.

J’aurais aimé, qu’à l’occasion de la grosse bamboula qui s’ouvre ce 14 juin, à Moscou, on ait un mot pour ce bon vivant qui refuse une mauvaise mort depuis si longtemps.

Il est là depuis 36 ans, il a vécu plus mort que vivant. Bouteflika pourrait-il rester avec nous aussi longtemps ?

Image retirée.

Auteur
Meziane Ourad

 




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