25 avril 2024
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Jeunes universitaires en mal d’employabilité: au-delà du diagnostic

Tribune

Jeunes universitaires en mal d’employabilité: au-delà du diagnostic

Depuis trois ans, ce sont pas moins de 400 000 nouveaux bacheliers qui s’inscrivent à l’Université. Il en sort entre 250 000 et 300 000 diplômés, avec le niveau de licence ou de master. La population universitaire se rapproche aujourd’hui de deux millions d’étudiants. C’est là une population qui, lorsqu’elle tape aux portes des organismes employeurs- secteur économique (public ou privé) et fonction publique- arrive rarement à se faire recruter. Une partie marginale se « débrouille » pour exécuter des boulots qui n’ont rien à voir avec la formation reçue sur les bans de l’Université. Résultat des courses, le gouvernement reconnaît- avec les limites et les précautions avec lesquelles il faudra prendre les chiffres  officiels-, que près de 18 % de ces diplômés universitaires sont en situation de chômage. Cela, sans prendre en considération la frange de ceux qui sont postés en pré-emploi depuis plusieurs années, avec un salaire qui n’atteint pas le Smig, sans qu’une perspective de recrutement s’affiche nettement pour eux.

Le ministre du Travail, Mohamed Zemali, croit s’en tirer à bon compte en faisant le constat que cette situation est due à « l’insuffisance de l’adéquation entre le cursus de formation et les besoins des entreprises. Les jeunes optent souvent pour des filières universitaires académiques et rarement professionnelles, avec des perspectives d’emploi limitées ». Cette orientation, précise-t-il, réduit les chances d’insertion de ces universitaires dans le monde du travail. En d’autres termes, on reproduit ici un constat fait il y a près de deux décennies par des analystes et des experts nationaux. Entre-temps, on a laissé la rente pétrolière gérer l’entreprise, l’économie, l’Université et les œuvres universitaires. Signe des temps, ces dernières, dans le segment de la restauration et du transport, ont, à plusieurs reprises, défrayé la chronique des « affaires ». L’ancien ministre de l’Enseignement supérieur, Harroubia, « pavoisait » publiquement que l’Algérie ait consacré 6000 bus au transport des étudiants, sans piper mot des esclandres ayant émaillé la gestion d’un certain nombre de directions des œuvres sociales à travers le pays.

Une problématique encore mal appréhendée

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Même si l’étudiant a besoin de certaines conditions et de commodités pour bien mener ses études (intendance et logistique), il n’en demeure pas moins que les œuvres universitaires sont loin de suffire à former des universitaires et des cadres compétents.

En se limitant aux débats portant sur les conditions matérielles- lesquelles souffrent d’inefficacité malgré les sommes colossales que le gouvernement y a injectées au cours de ces quinze dernières années-, la problématique de l’insertion des universitaires dans le monde du travail risque d’être mise de côté, sous-estimée ou mal appréhendée.

Aussi bien pour l’école, avec ses trois paliers, que pour l’Université, l’Algérie semble avoir investi dans le quantitatif au détriment de ce qui justifie même l’existence du système d’enseignement scolaire et universitaire. En effet, l’Algérie dispose d’une population en formation (école, collège, lycée, université et centres de formation professionnelle) d’environ  11 millions de personnes, soit presque le quart de la population totale du pays. Les infrastructures (nouveaux pôles universitaires, résidences estudiantines, lycées, collèges, écoles primaires, instituts de formation professionnelle,…) ont consommé plusieurs milliards de dollars depuis le lancement des plans quinquennaux. Les villes universitaires se multiplient au point de toucher de petites villes chefs-lieux de daïra (exemples de Khemis Miliana, El Affroun,…), voire d’anciennes bourgades (Tamda, dans la wilaya de Tizi Ouzou).

Au pays du chômage paradoxal

Néanmoins, les produits de la formation, toutes catégories confondues, sont loin de répondre aux besoins pressants du pays, particulièrement pendant cette phase cruciale dont ont dit  qu’elle constitue une « transition » vers une économie de production. Les notes des examens, les diplômes servis et les titres obtenus peuvent, un moment, faire illusion. L’on continue à « festoyer » dans les quartiers et les villages dès l’annonce de la réussite au bac d’un voisin ou d’un proche. C’est légitime. Cependant, cette légitimité est plutôt nourrie par un souvenir et non une actualité. Autrement dit, le prestige d’antan de l’examen du baccalauréat continue à nourrir la mémoire, tout en indiquant les limites objectives de la valeur d’un tel diplôme. Les gens ne sont pas dupes. Ils s’en rendent compte rapidement. Les diplômés chômeurs emplissent les rues et les coins de toute l’Algérie. Le nombre d’emplois d’attente-payés modestement sur le budget de l’Etat avoisine le million, toutes formules confondues. Certains d’entre eux, y sont depuis cinq à six ans, sans perspective d’intégration. C’est une sorte de « piège » par lequel on instille un espoir ténu et une mensualité moins que le Smig, et qui se prolonge indéfiniment dans le temps. Le comble est que, pour accéder à ce dispositif social qui offre un mince horizon d’espoir, des parents ont dû recourir à du « piston », voire à des pots-de-vin!

Comme l’on constaté des experts algériens, le paradoxe de la relation entre les offres d’emploi et les profils (plus le niveau) de formation a atteint le sommet de l’absurdité. Il faut reconnaitre que les quelques capitaines d’industrie, qui « guerroient » dans le climat d’adversité d’une économie rentière, ont crée des emplois. Mieux, ils cherchent à recruter. Certaines offres sont répétées dans les journaux des dizaines de fois, sans que l’entreprise puisse mettre la main sur le profil recherché. Lorsque cela arrive, les premiers tests de terrain ou de bureau s’avèrent malheureusement non concluants. C’est que le niveau demandé est rarement offert par l’Université ou le centre de formation.

Des papiers-diplômes sans portée réelle

D’où le retour sur la manière dont sont obtenus les diplômes. Entre le copiage, la « parcoeurisme » et la complaisance de certains enseignants, il ne reste qu’une étroite marge pour l’effort personnel, l’apprentissage efficace et la formation des compétences.  D’où, également, la relativisation de la notion de chômage dans notre pays. Contrairement à certains pays industrialisés, le chômage en Algérie ne résulte pas de la saturation des métiers, mais plutôt par un déficit de qualification. Une meilleure qualification, sur les plans technique et managériale, aurait pu réduire une forte proportion de chômage; non seulement par une insertion salariale dans des entreprises, mais également par la création de petites et moyennes entreprises par les détenteurs de diplômes. L’expérience menée depuis quelques années dans ce domaine dans le cadre de la micro-entreprise (Ansej, Angem et Cnac) est trop engluée dans la démagogie et l’approximation pour être prise comme exemple à généraliser. La mentalité rentière qui règne au sein même de certains bénéficiaires de crédits- tentés par le non-remboursement et considérant que c’est là leur « part de pétrole »-, ainsi que les procédures judiciaires engagées par les banques à l’encontre de promoteurs insolvables, montrent, en quelque sorte, les limites objectives de ce dispositif.

Dans le contexte des nouveaux défis qui se posent à l’économie algérienne, à l’ombre d’une crise financière inscrite dans la durée, malgré les rebonds du baril de ces derniers mois, la formation- sous toutes ses déclinaisons- est appelée, voire sommée, de « convoler en justes noces » avec les impératifs de la diversification des activités, de l’innovation technologique et de compétitivité. Toute option qui ferait l’impasse sur la qualification et la compétence- comme on a eu à le vivre jusqu’ici- condamnerait l’économie du pays à la stagnation, voire à la déchéance, et exposerait la jeunesse du pays à toutes formes de dérives dont on commence à subodorer déjà les prémices. 

 

Auteur
Amar Naït Messaoud

 




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