18 avril 2024
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La mutation algérienne peut-elle rester pacifique ?

Du «Non au 5e mandat » au «non au système»

La mutation algérienne peut-elle rester pacifique ?

La mutation de la revendication du « Non au 5e mandat » au « Non au système » mérite d’être un tant soit peu observée à la lumière de quelques faits majeurs survenus ces tout derniers jours. Bouteflika, dans sa lettre aux Algériens, n’a pas, officiellement cédé à la pression de la rue, mais il a pris de court tous les observateurs en affirmant qu’il n’a jamais été question pour lui d’un 5e mandat, invoquant son âge et son état de santé dégradé.

Mais, pourquoi alors a-t-il attendu que la protestation se cristallise contre sa « mystérieuse » candidature » pour un 5e mandat du reste hypothétique, pour faire cet aveu ? Lui qui depuis longtemps n’a pas tenu de discours arrogant et menaçant, lui dont le nom n’a jamais été crié à sa gloire, avait-il alors besoin de jouissance pathologique, sur le trépas, d’entendre clamer son nom sans être conspué pour lui signifier son départ.

Ce « non au 5e mandat » n’était-il alors qu’une manoeuvre de diversion, une fausse cible permettant au clan de Bouteflika de fourbir le stratagème non d’une simple  prolongation mais d’une « prorogation » de son 4e mandat en restant maître des horloges : le report des présidentielles, la tenue d’une conférence nationale inclusive, la nomination d’un nouveau gouvernement. Ce qu’il a commencé à faire en appelant à la rescousse  quelques vieilles figures encore crédibles du sérail qui, tout en reconnaissant la légitimité du bien fondé des revendications des Algériens, appellent au dialogue constructif, euphémisme de l’extinction de la rébellion.

Ainsi, la revendication « Non au 5e mandat » est désormais dépassée. Le pouvoir, toujours en place, applique à la lettre les « six commandements » de Bouteflika dont le vœu le plus cher n’est pas d’aller vers un 5e mandat mais de mourir sur le trône, Président de la République. Sa hantise : mourir sous les quolibets, exilé, emporté, comme ses homologues, comme il le dit lui-même sous « la déferlante des printemps arabes ».

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Mais, le vif du sujet est d’interroger comment ce « Non au 5e mandat » a-t-il muté en revendication au « Non au système » qui contient pourtant les logiques tacites et avérées de 5e mandat.  Lors d’une vague de flottement, un moment d’hésitation, voire de naïveté, des manifestants sont sortis crier leur victoire dès le fameux et fumeux message de Bouteflika qui, plus grave encore que s’il avait annoncé maintenir sa candidature à ce 5e mandat, travestit les revendications de la rue algérienne, la piège, se déclare au-dessus de la mêlée, maître d’œuvre de la crise  non par une « prolongation » mais par cette «prorogation » de son 4e mandat ; une prorogation qui était d’ailleurs dans  les tablettes secrètes des cercles du pouvoir et de ses satellites plusieurs mois avant l’annonce officielle de l’ouverture de la campagne des élections présidentielles.

Cette mutation de « Non au 5e mandat » en « Dégagement du système » politique dans sa totalité porte un profond paradoxe.  D’une part, elle n’a été enclenchée que grâce ou à cause de la supercherie du bouteflikisme, un « système » en soi rompu à de telles pratiques ayant par un passé récent fait leurs preuves. Pouvait-on, naïvement, dire « non à un 5e mandat de Bouteflika dans la logique du système qui l’a porté, nourri, réélu en toute quiétude, impunité.

D’autre part, et c’est le paradoxe nodal de cette mutation qui semble factice : si, pour le refus véhément du «Non au 5e mandat », qui ne porte aucune atteinte aux rouages du « système » et au moyen qui le reproduit, le suffrage universel ( les élections), les manifestations populaires peuvent se suffire  et s’enorgueillir de leur caractère pacifique, elles peuvent rester dans cet angélisme dès lors qu’elles s’attaquent et disent non au «système » qui enfante tant de mandats.

Ainsi, dès lors qu’elles disent « Non au système », elles se verront contraintes  de quitter l’illusion, l’utopie de la démarche pacifiste car le système, lui, de nature prédatrice, rentière, est de nature, violente.

Doit-on parler de « système «ou de «Systèmes » (avec un « s » majuscule et au pluriel). Dire non au « Système » ce n’est pas nourrir cette condescendance telle qu’elle a été observée  chez les manifestants se gargariser, s’émerveiller de l’innocence des policiers, des gendarmes et des autres corps des forces de l’ordre pactiser, la fleur au fusil avec eux, saluer l’armée algérienne qui ne cesse de « materner » le peuple algérien alors même qu’elle est au service du Système que l’armée peut, certes, renverser, ce qu’elle ne fait pas pour le moment bien qu’elle l’ait fait à des moments beaucoup plus névralgiques de l’histoire de l’Algérie de la post-indépendance.

Le Système également, ce n’est pas seulement la fratrie Bouteflika, ses clans, ses satellites maffieux, ses pratiques fantoches, de la gestapo, mais aussi la corruption verticale et horizontale érigée en moyen de gouvernance ayant des ramifications insoupçonnées et insoupçonnables hors du Système matriciel.

Cette mutation soudaine et factice de « Non au 5e mandat » au « Non au système » est condamnée, si elle veut durer et porter un projet de société de longue portée, d’abandonner  qu’elle le veuille ou non, l’utopie « pacifique » de ses revendications et de passer à une autre étape aussi soudaine qu’urgente, la rupture systémique radicale avec le « noyau » du pouvoir ». Le Système, lui, ne pourra continuer de se complaire, dans l’expectative, le replâtrage, les grimages tactiques et stratégiques du Veilleur de la paix du peuple dont il salue les «marches pacifiques», pour le simple fait qu’elles ne lui portent pas préjudice.

N’étant pas un Etat politique, moderne, redistributeur de richesse, agrégat de Systèmes bâtis, mus par un noyau central qui est la rente autour duquel gravitent toutes les forces claniques, politiques en fonction des enjeux, des intérêts de la prédation et de l’accumulation primitive  des richesses nationales soudoyant, pervertissant les moyens modernes des démocraties avancées, entre autres le suffrage universel.

Le processus électoral est la voie royale pour la redistribution de la rente même si après Bouteflika, dans le même contexte matriciel qui l’a élu, il portait un candidat démocrate. S’attaquer à une telle citadelle, c’est la prendre d’assaut, ce n’est certainement pas tourner autour de ses remparts, comme les pèlerins autour de la Kaaba.

« Non au système » devait précéder en forme et en fond la revendication « Non au 5e mandat » par laquelle Bouteflika a fourbi son stratagème de prorogation d’un 4e mandat. Il est déjà aux manœuvres dans un système dans lequel plaide déjà au dialogue responsable ceux qui, au début au début du mouvement de protestation, se posaient comme ses irréductibles opposants.

Auteur
Rachid Mokhtari, écrivain journaliste

 




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