20 avril 2024
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La pétaudière de la communication algérienne

De l’Aps aux réseaux sociaux:

La pétaudière de la communication algérienne

L’Algérien est-il bien informé ? La gamme des moyens d’information de masse qui ont fait leur apparition au cours de ces dernières années, contribuent-ils à la liberté de communication ou, au contraire, la diluent-elle dans des flux trop diversifiés, d’autant plus que le public algérien, de par sa formation scolaire et universitaire, et en raison aussi d’un certain un déficit culturel, ne dispose pas d’assez de repères pour se faire une idée exacte de l’importance des événements rapportés ou des analyses déclinées.

De même, la diversité des canaux d’information (presse écrite, sites internet, réseaux sociaux, télévisions satellitaires d’Orient et d’Occident) comporte beaucoup de risque d’atomisation de l’information et de son contenu.

Il arrive que des voisins de palier, habitant Alger, Oran ou une région rurale, n’aient pas beaucoup de choses en commun en matière d’information; ils sont branchés, les uns sur Nilesat, les autres sur Astra, d’autres encore sur Facebook, et le reste sur les chaînes TV algériennes.

Pour se reconnaître quelque peu dans son algérianité et satisfaire au besoin de partager le même environnement culturel et informationnel que les autres, l’on est toujours tenté, ne serait-ce que pour quelques minutes, par le retour aux chaînes publiques algériennes.

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Quant à l’agence de presse officielle, APS, elle n’est consultée que par les professionnels des médias pour rapporter ce qui est appelé la « communication institutionnelle » laquelle n’est pas au-dessus de toute critique. Mais, ce thème relève d’une autre problématique sur laquelle nous aurons l’occasion de revenir.

Une ambition communicationnelle érodée

Avec la multiplication des chaînes de télévisions privées, dont un grand nombre diffusent « offshore », la curiosité et le besoin d’une information crédible ont amené un grand nombre d’Algérien à y voir, au départ, une nouvelle fenêtre par où l’on peut jouir du tant désiré droit à l’information. Sans que cela soit complètement une chimère, le temps a fait que cet espoir est aujourd’hui relativisé.

Les ambitions politiques (peut-être politiciennes?), le long et laborieux apprentissage du professionnalisme, l’excès de cupidité et de business précipité, tous ces facteurs ont quelque peu érodé cette ambition d’installer un paysage audiovisuel de qualité.

Trois faits, sans doute anecdotiques, mais assez instructifs, nous ont amenés à nous poser la question de savoir quel est le progrès réalisés par les Algériens en matière de communication depuis l’entrée du pays dans le pluralisme médiatique, soit en 1990, à la faveur du décret signé alors par l’ancien Premier ministre, Mouloud Hamrouche. Ces trois faits ont un nom: la nostalgie. Il reste à savoir est-ce qu’elle est fondée ou justifiée.

Une nostalgie symptomatique

Le talentueux journaliste Abdelkrim Djâad, disparu en 2015, avait écrit, au début des années 2000 une chronique dans le journal La Dépêche de Kabylie où il regrettait l’hebdomadaire public Algérie-Actualités dans lequel il travaillait avec une équipe de journalistes qui étaient en même temps de véritables hommes de culture. Nous ne citerons ici que trois noms qui ne sont plus de ce monde: Tahar Djaout, Abdou Benziane et Abderrahmane Mahmoudi. Djaâd sublima sa nostalgie en allant créer, en 2003, un titre évocateur: Le Nouvel Algérie-Actualités, journal quotidien qui n’aura vécu que le temps de publication de 10 numéros.

Un autre phénomène remarqué depuis quelque temps dans les foyers algériens, c’est le retour vers les chaînes TV publiques, malgré l’extension du nombre de chaînes privées. Une forme de désenchantement face à ce qui n’a pas encore acquis maturité et consistance.

Le cynisme de l’une de ces chaînes, ayant fait ces derniers jours, dans le « voyeurisme » sauvage en montrant des journalistes menottés et conduits manu militari dans des fourgons cellulaires de la gendarmerie, renseigne sur le mésusage que l’on peut faire du noble métier de l’information.

Le troisième exemple nous est fourni par le journaliste Maâmar Farah, c’était en 2015 dans un numéro du Soir d’Algérie sous le titre: « 28 ans de presse sous le parti unique et 25 ans de presse indépendante« , thème d’une conférence qu’il avait faite au village Iguersafen, dans la wilaya de Tizi Ouzou, à l’occasion du festival Raconte-Arts. Paradoxalement, ce praticien du journalisme, à califourchon sur deux périodes, celles citées dans le titre de la conférence, fait l’éloge de la presse telle qu’elle existait sous le parti unique.

Il en relativise les limites qu’on a tendance à monter facilement en épingle. En résumé, on comprend, à travers ses propos, que la période des années 60 et 70 du siècle dernier n’était pas totalement de la dictature, et que la période actuelle est loin d’être un modèle de démocratie, malgré justement la centaine de quotidiens imprimés, de dizaines de sites internet et de plusieurs chaînes de télévision.

En d’autres termes, le nombre ne fait pas nécessairement la qualité, particulièrement lorsqu’on sait qu’avec un personnel fort réduit, un appartement loué, une ligne téléphonique pour accéder à l’internet et de solides connaissance à…l’ANEP, ont peut fonder tout de suite un quotidien.

Hormis certains titres qui font honneur à la corporation, le reste constitue des machines à sous qui durent parfois quelques mois.

Atomisation et logique mercantile

Incontestablement, le propos n’est pas ici de glorifier une époque révolue et de « cracher » sur un processus en pleine évolution. Il s’agit surtout de développer un certain esprit de lucidité face à un pluralisme médiatique sans grands repères. « Une presse qui, sous des dehors faussement pluralistes, est en perte de repères, d’idéal et de son âme altérée et dénaturée par les forces de l’argent« , écrit Farrah.

Sans pouvoir ni vouloir ressusciter un ordre politique régi par le contexte mondial de l’époque (socialisme, tiers-mondisme, positions par rapport aux deux blocs qui régentaient le monde), la configuration de l’ordre actuel, principalement dans son versant de communication, peine visiblement à obtenir l’adhésion des populations et des citoyens.

La réconciliation entre les deux parties ne saurait se réaliser que lorsque le lecteur, le téléspectateur et l’auditeur se reconnaîtront en tant que partie essentielle de cette grosse mécanique, source d’atomisation de l’information, et qui, plus est, est assise sur une logique quasi exclusivement mercantile. En attendant, facebook, radio trottoir, El Maghrabia et d’autres bifurcations communicationnelles (du genre Yann Barthès), font office d' »agences » officielles d’information.

Auteur
Amar Naït Messaoud

 




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