18 avril 2024
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L’augmentation de l’allocation pour demandeurs d’asile : une mesure symbolique ?

Par décret du 31 mai 2018

L’augmentation de l’allocation pour demandeurs d’asile : une mesure symbolique ?

Le 1er juin 2018 est paru au Journal Officiel le décret n° 2018-426 du 31 mai 2018 « portant diverses dispositions relatives à l’allocation pour demandeur d’asile ».

Ce qu’on appelle l’allocation pour demandeur d’asile (ADA) consiste en fait en le versement d’une somme à l’intéressé destinée à compenser le manque résultant de son impossibilité de travailler pendant la durée d’instruction de son dossier. Cette somme est versée à plusieurs conditions comme la majorité ou la possession d’une attestation de demande d’asile, et elle est également conditionnée par la situation familiale.

Cette allocation est composée d’un montant forfaitaire, qui dépend du nombre de personnes composant le foyer du demandeur, ainsi que d’un montant additionnel dans le cas où le demandeur est hébergé. Le décret du 31 mai a apporté des précisions en ce sens : « Le montant additionnel n’est pas versé au demandeur qui n’a pas manifesté de besoin d’hébergement ou qui a accès gratuitement à un hébergement ou un logement à quelque titre que ce soit. Lorsqu’il n’est pas hébergé dans un des lieux mentionnés à l’article L. 744-3, le demandeur d’asile informe l’Office français de l’immigration et de l’intégration de son lieu d’hébergement ou de logement ainsi que des modalités s’y rapportant. Le demandeur d’asile communique ces informations à l’Office français de l’immigration et de l’intégration deux mois après l’enregistrement de sa demande d’asile et ensuite tous les six mois. »

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Pour déterminer ce montant journalier additionnel, on se réfère à l’annexe 7-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Avant le décret du 31 mai 2018, c’était celui du 21 octobre 2015 qui fixait ce montant à 4,20 €. Mais le Conseil d’Etat, dans une décision de décembre 2016 (CE, décision n°394819 du 23 décembre 2016), a jugé que ces 4,20 € ne suffisaient pas à permettre à ces demandeurs d’asile, privés de place d’hébergement, de disposer d’un logement sur le marché privé de la location. Ainsi, la plus Haute juridiction administrative avait annulé le décret du 21 octobre 2015. Aussi, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) avait jugé « lorsqu’un État membre a opté pour la fourniture des conditions matérielles d’accueil sous la forme d’allocations financières, ces allocations doivent être suffisantes pour garantir un niveau de vie digne et adéquat pour la santé ainsi que pour assurer la subsistance des demandeurs d’asile en leur permettant de disposer notamment d’un logement, le cas échéant, sur le marché privé de la location » (CJUE 27 févr. 2014, C-79/13, Agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile c. Selver Saciri et autres).

Le décret du 31 mai 2018 modifie cette somme et la fixe à 7,40 €. Une augmentation donc de moins de 3€ par jour. Il n’apparaît d’abord pas évident que cette augmentation est significative et qu’elle permettrait réellement de disposer d’un logement sur le marché privé de la location. En fait, au-delà de ça, le problème principal reste celui du presque impossible accès aux demandeurs à une location, du fait de l’exigence par les bailleurs d’une garantie financière et de stabilité. La situation restera ainsi très problématique pour les personnes auxquels l’OFII ne peut pas proposer d’hébergement. Il en résulte que la priorité serait plus à la mise à disposition d’hébergements qu’à l’augmentation de ce montant.

Cette augmentation suffira-t-elle alors à « garantir un niveau de vie digne et adéquat pour la santé ainsi que pour assurer la subsistance » ? La France adoptera-t-elle des « normes pour l’accueil des demandeurs qui suffisent à leur garantir un niveau de vie digne et des conditions de vie comparables dans tous les États membres » comme exigées par la directive européenne du 26 juin 2013 (directive 2013/33/UE du Parlement Européen et du Conseil) ?

Une autre question importante subsiste, qui a été délaissée par de nombreux arrêts du Conseil d’Etat et reste écartée du décret du 31 mai, celle de la réservation de ladite allocation aux demandeurs d’asile majeurs. En effet, le Conseil d’Etat avait jugé que les mineurs isolés étaient susceptibles d’être pris en charge par l’aide sociale à l’enfance et qu’ils n’étaient ainsi pas concernés par l’ADA, et que cela n’est contraire ni à la Convention internationale des droits de l’enfant, ni à la directive européenne de 2013.

Auteur
Mme Charlotte Henry, juriste et Me Fayçal Megherbi, avocat

 




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