20 avril 2024
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Les labyrinthes du pouvoir algérien

DECRYPTAGE

Les labyrinthes du pouvoir algérien

« Le pouvoir sert souvent à nous montrer combien sont médiocres ceux qui y sont », Anne Barratin.

À l’approche des élections présidentielles de 2019, qui arrivent à grandes enjambées, le décor se met en place doucement et sûrement. La pièce est bien connue qui consiste, entre partis politiques de coalitions, des pseudo-opposants, des médias à la solde du pouvoir, à dérouler le tapis rouge devant l’ex-futur président. La vie politique nationale est scandée par cette scène du temps El-Mouradien où les horloges ne tournent que pour acclamer Bouteflika.

Au demeurant, beaucoup sont les citoyens qui s’interrogent encore sur l’utilité des élections, la nécessité d’aller voter, se demandant « à quoi servent les élections dont les résultats sont connus d’avance ? » En Algérie, tout dans la vie politique s’écrase et se résume à assurer, voire, s’adjuger un 5e mandat pour un Président absent depuis plus de six ans. Dans les labyrinthes de la sainte-présidence, le ridicule ne tue pas, le chao ne dérange guère, ce qui compte à leurs yeux est la pérennité du système quitte à mener le pays à la dérive, s’il ne l’est pas déjà. Une république digne de ce nom devrait fonctionner selon le principe des élections transparentes où tous les candidats sont mis sur le même pied d’égalité.

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La fonction première des élections est de permettre aux citoyens de choisir leurs gouvernants, qui doivent conduire leur destinée et leurs représentants, qui rédigeront et voteront la loi en leur nom au Parlement. Ainsi, l’élection est une délégation de Souveraineté. Elle constitue, au sein d’une société organisée, une « soupape de sécurité ». En effet, la possibilité pour les citoyens de pouvoir régulièrement exprimer une alternance ou, au contraire, de donner un nouveau mandat au pouvoir sortant évite que les désaccords politiques majeurs ne trouvent un autre terrain d’expression (la rue) et d’autres modalités (la violence). Sauf qu’en Algérie, on a opté pour le maintien d’une même équipe depuis deux décennies.

Plus de 1000 milliards de dollars engloutis, une orgie dépensière qui s’est soldée par une crise tous azimuts, des jeunes qui, au péril de leurs vies, bravent la mer dans l’espoir de fuir ce pays, devenu mouroir. L’Algérie de 2018 s’enlise dans le bourbier sans trouver preneur, sans connaitre de jours meilleurs.

L’Algérie de la « gloire et de la dignité » promise et promue par l’homme aux quatre mandats n’est qu’une affabulation et une pure supercherie. Les citoyens meurent encore du choléra, se noient dans les crues d’eau, crèvent des morsures de scorpion, se bousculent pour un l’achat d’un sachet de lait…et tutti quanti. En effet, le pays est en lambeaux et continue de subir des années de gâchis, de dysfonctionnement de ses institutions, de dilapidation des deniers publics, fuite des cerveaux. 56 ans après l’indépendance, la population souffre le martyre. Les hôpitaux sont devenus des mouroirs et les écoles une pépinière pour de futurs chômeurs.

Les meilleurs d’entre les Algériens, qui peuvent apporter des solutions aux difficultés rencontrées par la population, fuient eux aussi le pays pour des cieux meilleurs.

L’élite chouchoutée ailleurs est marginalisée, ridiculisée, dans leur pays d’origine. Le pays est pris en otage par ceux qui n’ont jamais brillé dans leurs études, qui ont refait plusieurs fois leurs examens ou qui ont carrément fraudé leurs diplômes. Avec leurs « grandes gueules », leurs cynismes, leurs incompétences, leurs esbroufes, ils tirent le pays vers le bas. Le pays ne favorise plus malheureusement l’excellence dans les nominations aux postes stratégiques de prise de décision, dans le recrutement dans la fonction publique, dans les établissements publics et les sociétés d’État. Ces nominations sont partisanes, régionalistes et ne font pas recours à des critères de compétence, de probité d’intégrité et d’honnêteté. C’est celui qui fait preuve de soumission, de flagornerie, de violences verbales, d’insolence… qui a toutes les chances d’intégrer ces fonctions.

Pendant que sous d’autres cieux, le rapport entre candidat et électeur a pour objet un cahier de charges à remplir par celui qui vient solliciter le suffrage et sensé conduire au bien-être du plus grand nombre, en Algérie, les jeux sont joués d’avance. Les dés sont pipés ! Le parti au pouvoir, depuis 1999 s’arrange toujours pour faire évoluer les choses en faveur de l’élection de son favori. L’organisation des élections est devenue quasiment un jeu d’enfants, de la poudre aux yeux. D’ailleurs, une provision de 50 milliards de dinars est retenue dans le projet de la loi de finances 2019 pour « la couverture des dépenses » de l’organisation de l’élection présidentielle prévue l’année prochaine. Les jeux sont joués d’avance, à quoi servent alors réellement ces simulacres d’élections ?

Rien n’est fait pour que, dans une démocratie mûre et une société aux problématiques de plus en plus complexes, les débats puissent prendre place et se décliner selon une temporalité et des modalités adaptées. Le temps politique vit dans la préparation de ce spasme présidentiel autour duquel tout se contracte et lors duquel tous les moyens humains, financiers et matériels sont déployés dans l’unique objectif de duper la plèbe par la nécessité de maintenir Bouteflika sur le trône.

Mais la question, dès lors, se pose : qu’attend-on encore du politique et que peut-on en attendre ? Nada ! Ils ne peuvent voiler la dure réalité du bas people, ils ne peuvent travestir la vérité, ni déguiser le mensonge, ni farder la corruption. Un pays unijambiste s’arcboutant sur les seules recettes des hydrocarbures ne peut aspirer à se défaire de l’ornière du sous-développement.

En Algérie, il est question pour les tenants du pouvoir de renouveler derechef le même scénario des élections précédentes quitte à présenter le même candidat ayant perdu toutes ses facultés mentales et physiques. Cela s’apparente au syndrome de Spartacus : la victime qui en réchappe finit par agir comme son bourreau. Spartacus adopta les méthodes barbares de Rome.

Lui au moins, qui tua d’abord pour amuser la galerie, combattait Rome avec la même barbarie que Rome. Hélas, le régime en place depuis 1962 agissait et agit, aujourd’hui, exactement comme à l’époque coloniale.

L’autorité de l’État se veut absolue et indéterminée dans la durée comme l’autorité coloniale dont nos dictateurs ont copié les méthodes de gouvernance par la terreur. Dans les colonies, seule la volonté de la puissance coloniale comptait ; en Algérie, seule la volonté du Président compte. Toute rébellion, revendication, opposition, tout soulèvement conduisent à des représailles spartiates.

Auteur
Bachir Djaider (journaliste et écrivain)

 




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