24 avril 2024
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 Qui établira le solde de tout compte de la légitimité historique ?

DECRYPTAGE

 Qui établira le solde de tout compte de la légitimité historique ?

L’option Mouloud Hamrouche est toujours viable.

En faisant de la Constitution algérienne un thésaurus aux ajustements flottants, une nomenclature à géométrie variable, modulable à volonté selon ses désidératas, agréments ou lubies, Bouteflika a régné une décennie sous le sceau de la double illégalité.

À la place de l’habituel tour de visse, les gardiens assermentés de ce corps « desgradés » ont concocté le dernier coup de vice censé lui permettre d’enquiller des mois supplémentaires, de repousser aux calendes grecques la véritable mutation, celle à même de garantir le passage de la légitimité historique à la légitimité démocratique. İl y a une année et demie, notre texte « Mouloud Hamrouche, l’Homme du consensus acceptable » présentait l’ex-chef de l’Exécutif (1989-1991) comme la personne idoine susceptible de concrétiser ce nécessaire tournant, cela en vertu d’une part de l’application de l’article 102 de la Constitution (vacation du Président après constat par le Conseil constitutionnel d’une maladie durable) et d’autre part de ses décantations passées (libéralisation des médias, réformes économiques).

Le 25 octobre 2018, Omar Belhouchet, le directeur du quotidien El Watan, reconnaissait d’ailleurs sur « Radio M » que lors de sa courte gouvernance les collectifs naissants de la presse acquerront dès 1989 des moyens substantiels leur assurant de s’affranchir de la pensée unique. Celle-ci est revenue en force après l’arrêt brutal du processus législatif (janvier 1992) et l’assassinat de Mohamed Boudiaf (juin 1992), première incarnation providentielle que les ordonnateurs trônant au sommet de l’échelle décisionnelle remplaceront (après Ali Kafi et Liamine Zeroual) par le supposé dauphin de Houari Boumediène (A. Bouteflika) devenu la clef de voûte du système de la prébende.

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Faute d’une figure substituable, les maîtres des horloges ne parviendront pas à remettre les compteurs à zéro, homologueront le statu quo de la crise institutionnelle, créeront malgré eux les conditions de la révolte, dénoueront ainsi les ficelles de la boîte de Pandore de laquelle émergeront, à contrario de tous les maux de l’humanité (guerre, mort, misère, etc…), les espérances du renversement salvateur.

Depuis quelques jours, d’autres patronymes de potentiels sauveurs jaillissent sur Facebook ou germent de diverses contributions. Parue le 14 mars 2019 au sein du webzine Lematindalgerie, celle du sociologue Lahouari Addi préconise le trio Mustapha Bouchachi, Zoubida Assoul et Karim Tabou.

Or, et sans dénier les facultés intellectuelles des plébiscités, il nous semble qu’un individu rompu aux manœuvres scabreuses de la « maffia-politico-financière » serait plus capable de brouiller la prochaine distribution des cartes, de chambouler la donne, de tenir la dragée haute à des interlocuteurs au centre des réseaux corrupteurs (il s’agit de discuter directement avec des militaires identifiés et d’écarter les subalternes diplomates), d’asseoir les principes de cette seconde République qu’entrevoie tout autant le professeur à Science-Po Lyon.

Plutôt que l’oxymore « régression féconde », sa participation épistolaire examinait cette fois les avancées de la conscientisation révolutionnaire, phase « (…) durant laquelle s’exprime un changement de légitimité », insistait toutefois toujours sur l’idée d’un DRS (Département du renseignement et de la sécurité) qui « (…) façonne le champ politique en noyautant les partis d’opposition, les syndicats ou la presse pour les soumettre à la règle non écrite du système », d’un haut commandement militaire, « (…) source du pouvoir et instance de légitimation » car à l’origine de la cooptation des élites civiles, de chefs d’État dont l’autorité proviendrait d’une armée vis-à-vis de laquelle chacun des adoubés reste redevable. Mouloud Hamrouche corroborera ce schéma implicite le mardi 22 janvier 2019 (dans le périodique arabophone El Khabar), soulignant alors que les suffrages « (…) ont perdu l’essentiel de leur contenu, leur influence et leurs objectifs depuis longtemps (…), ne donnent ni légitimité, ni pouvoir aux élus (…), y compris au président de la République (…) parce que les mécanismes de fonctionnement du système, (…) empêchent ses exercices ».

Dès lors, il nous faut ici cerner un point essentiel. Puisque Abdelaziz Bouteflika ne bénéficie pas des prérogatives que lui soumet la Constitution, qu’il « (…) ne fait qu’entériner les orientations décidées par la hiérarchie militaire », alors pourquoi celle-ci ne se débarrasse pas de lui maintenant que les interlopes tractations ou transmissions financières sont sous les feux de la rampe ? Elle retiendrait un héritier « (…) docile et obséquieux qui accepte ce schéma (soit), la suprématie du militaire sur les institutions », sans pouvoir, au moment pressant de la survie de ses intérêts militaro-industriels, s’en acquitter.

L’universitaire lyonnais émet une analyse difficilement recevable, surtout lorsqu’il argue qu’une propagande fomentée du côté du DRS laissera faussement croire que Bouteflika s’est imposé devant la vindicte des hauts gradés. Très discutable, sa thèse appelle à élargir la réflexion, donc le questionnement.

À notre avis, le Président a su pousser ses pions sur les cases majeures de l’échiquier politique, de sorte que le proche entourage garde en poche des indices compromettant susceptibles de mettre sur la paille (notamment celle de la prison) les « 14 généraux contrôlant le commerce extérieur » (que les autoproclamés spécialistes de l’Algérie devraient enfin nommés), connait les auteurs de la mise en scène aboutissant à l’élimination physique de Mohamed Boudiaf, peut impliquer, preuves à l’appui, les récipiendaires des fonds spéciaux, communiquer la liste des biens mal acquis, mettre ainsi le souk au cœur de la « Famille révolutionnaire ». Ces atouts expliquent en partie pourquoi les soutiens subsidiaires de l’assigné à la résidence médicalisée de Zeralda continuent à le maintenir au poste suprême, à marchander les modalités de son sursis compensatoire ou pseudo-renoncement.

Choisir au plus vite les interlocuteurs en mesure de précipiter l’ultime vacance, de négocier l’appropriation de la légitimité démocratique face aux membres d’un commandement militaire à l’intersection des entrelacs clandestins du commerce extérieur et pour cela opposé au Grand chamboulement, à l’abandon du 51/49 (clause conservatoire et restrictive régulant le cadre juridique des investissements étrangers), de l’article 63 (ex-51) de la Constitution prescrit à l’instar d’une hypothétique défense des frontières, d’un ostracisme similaire aux enfermements idéologiques inhibant les mécanismes de la modernité économique.

L’option Mouloud Hamrouche demeure à notre sens encore de mise, tant elle engagerait la perspicacité, compétence et intégrité d’un individu enclin à s’entourer d’une équipe de choc (composée des meilleurs experts connus), à neutraliser les ruses claniques et stratégies dilatoires du collège prétorien, les manigances et contorsions des porte-flingues d’un énième comité théodule (expression fétiche de Charles de Gaulle, lequel parodiait en 1963 l’inutilité des commissions consultatives devenues inefficaces lors de pourparlers débutés durant la Guerre d’Algérie).

Aujourd’hui, les dispositions favorables à l’essor démocratique ne sont toujours pas réunies, comme le démontrent les récurrentes mobilisations d’avocats, magistrats et journalistes, tous conscients du besoin de livrer des sondages d’opinion, d’identifier le profil des partis en compétition selon la réalité de leur réel poids électoral, de ranger le FLN dans les réserves patrimoniales de l’Histoire, d’en finir de la sorte avec la rente mémorielle, la martyrologie culpabilisante, l’ordre moral postrévolutionnaire et autres subordinations affiliées à la domination symbolique.

Le vieillissement de la forme empêche le rajeunissement du fond, et, étouffée sous le carcan des conservatismes politicoreligieux, une jeunesse demande un droit au chapitre, ce que la radio française « France Culture » a parfaitement su synthétiser en diffusant (entre 13H30 et 14 heures, via l’émission Les pieds sur terre) « One, tow, three, viva l’Algérie », soit le 14 mars « Maintenant on de dit plus vendredi mais jour de manifestation » et le 15 mars, « L’hymne de la révolte ». Cette population aspire à trouver les adjuvants d’une identité émancipée du capital de l’obéissance orchestré du côté d’un régime sans foi ni loi, occupé à réguler les vases communicants de la monoproduction gazière et pétrolière, obnubilé par la rente et sa bonne répartition consanguine ou réticulaire, atteint en cela du syndrome hollandais (thésaurisation obtenue grâce à l’exploitation des seules ressources naturelles, un mode de production menant à la décrépitude de l’industrie manufacturière des autochtones). Synonymes d’empêchements et d’exils (100 à 150.000 mille départs entre 1992 et 2000, plus de 2 millions pendant les 20 ans de Bouteflika, nombre qui contredit les assertions phobiques d’un prochain flux migratoire vers la France ou l’Europe), les circuits opaques et monopolistiques de la prédation tous azimuts justifient la conjuration du silence. Renouer avec les transparences du débat cathodique, c’est clarifier les intentions des futurs impétrants, candidats à un perchoir présidentiel que le jusqu’au-boutiste corps « desgradés » (Bouteflika) ne souhaite, en apparence, pas quitter.

Acclimatée temporellement (2 à 3 semestres), l’alternative Mouloud Hamrouche contraindra certains (particulièrement ceux qui pensent sauver à temps leurs privilèges) à le pousser vers la sortie, à dissoudre l’Assemblée nationale (à fortiori les deux chambres), à installer une instance de transition, à fédérer un nouveau modèle de société fondé sur la séparation des pouvoirs (justice autonome), l’équité fiscale, une participation active aux défis du monde (transition énergétique, intelligence artificielle) afin que l’Algérie corrige son image de République bananière.

Auteur
Saâdi-Leray Farid, sociologue de l’art

 




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