24 avril 2024
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Trafic de devises et sphère informelle en Algérie : urgence d’une nouvelle régulation 

Analyse

Trafic de devises et sphère informelle en Algérie : urgence d’une nouvelle régulation 

L’objet de cette présente contribution est de poser la véritable problématique à la fois des sorties illégales de devises et la cotation du dinar et de la différence entre sa cotation officielle et celle du marché parallèle. Il ne faut pas se tromper de cibles, devant différencier stratégie et tactiques pour paraphraser le langage des stratèges militaires.

Par ailleurs existent une confusion de certains soi disant experts entre les sorties de devises résultant des importations de biens et services environ 600 milliards de dollars entre 2000/2017 avec le total des dépenses d’environ 1100 milliards de dollars, budget équipement et fonctionnement (constitué en grande partie de salaires). Or seul les 600 milliards de dollars peuvent faire éventuellement l’objet de surfacturation en devises Ces transferts illégaux de devises ne datent pas d’aujourd’hui devant ramener pour des comparaisons sérieuses la valeur du dinar qui est coté en septembre 2018 à 118 dinars un dollar et en 1974 nous avions 5 dinars pour un dollar. Ayant eu à diriger le dossier des surestaries en 1983 en tant que directeur général es études économiques et haut magistrat comme premier conseiller à la Cour des comptes, au moment du programme anti-pénurie , au vu des importants montants illégaux détectées à travers des échantillons, j’avais conseillé à la présidence de l’époque d’établir un tableau de la valeur en temps réel, reliant toutes les institutions concernées aux réseaux internationaux (prix, poids, qualité) , tableau qui malheureusement n’a jamais vu le jour du fait que la transparence des comptes s’attaquait à de puissants intérêts occultes.

1.- Les services de sécurité et la douane ont saisi d’importantes sommes de sorties de devises aux frontières. Il s ‘agit d’établir la connexion entre ceux qui opèrent dans le commerce extérieur à travers les surfacturations et les montants provenant essentiellement d’agents possédant des sommes en dinars au niveau local, non connectés aux réseaux internationaux. Comme il s’agit d’éviter cette confusion dans le calcul du montant de la sphère informelle en différenciant différents ratios qui donnent des montants différents soit par rapport au produit intérieur brut( PIB) , par rapport à la masse monétaire en circulation et le montant des devises échangé sur le marché parallèle. Les montants saisies au niveau des ports et aéroports sont relativement très faibles.

Le grand trafic auquel le gouvernement doit porter toute l’attention essentiel provient des surfacturations dont une partie reste à l’étranger et une autre partie rentre par différentes voies alimentant les marchés de devises sur le marché parallèle constituant une atteinte à la sécurité nationale et dont la responsabilité est interministérielle : finances à travers ses démembrements- douanes-fiscalité, banques)-ministère du transport, ministère du commerce, et bon nombre d’autres départements ministériels.

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C’est en réalité une dilapidation de la rente des hydrocarbures principale richesse du pays. Bien que cette pratique ait existé entre 1963/1999, ayant eu à le constater puisque j’ai eu à diriger le bilan de l’industrialisation 1965/1978 et le dossier des surestaries en tant que haut magistrat premier conseiller et directeur général des études économiques à la Cour des comptes entre 1980/1983, pour le compte des gouvernements de l’époque, prenons l’hypothèse d’un taux de 10% de surfacturation, étant plus facile pour les services où certaines surfacturations peuvent atteindre plus de 15%.

Les sortie de devises de biens et services entre 2000/2017, étant estimées à environ 600 milliards de dollars, cela donnerait un montant total de sorties de devises de 60 milliards de dollars soit 7080 milliards de dinars, certes montant important mais loin de certains montants donnés par la propagande sans analyses objectives.

Que représente ces quelques millions de dollars par rapport à ce montant colossal, 12 fois plus que le déficit cumulé sur plusieurs années de la caisse des retraites dont le montant vient d’être estimé officiellement à 580 milliards de dinars?

Devant s’attaquer à l’essentiel, une nouvelle régulation de l’économie algérienne existant un théorème en sciences politiques : 80% d’actions mal ciblées ont un impact seulement de 20% sur le fonctionnement de la société avec un gaspillage financier et des énergies que l’on voile par de l’activisme, mais 20% d’actions bien ciblées ont un impact de 80%,favorisant le développement , renvoyant à une vision stratégique qui fait cruellement défaut. Cela n’est qu’une hypothèse devant différencier acte de gestion pratiques normales de la corruption, les services de sécurité et les différents organisâmes de contrôle devant vérifier l’origine de ces montants de transferts illicites de devises qui ont été saisies ( voir notre interview au quotidien le Soir d’Algérie le 06 septembre 2018).Comme il s’agira par une analyse objective, d’expliquer l’écart d’environ 50% qui favorise ces pratiques occultes, ainsi que le trafic des marchandises aux frontières ( renvoyant également à la politique des subventions généralisées et sans ciblage) entre le cours du dinar sur le marché parallèle et la cotation officielle .

2.- Tout cela renvoie aux raisons de la différence marché parallèle-marché officiel de la devise et donc au fonctionnement du marché informel au niveau international et national, produit de dysfonctionnements des institutions. Car lorsqu’ un Etat émet des lois ou décrets qui ne correspondent pas à l’Etat de la société, cette dernière enfante ses propres codes qui lui permettent de fonctionner de manière bien plus crédible que celle obligée par l’Etat sans recourir à un contrat de confiance. A ne pas confondre essence et apparence, je recense sept raisons

Premièrement, l’écart s’explique par la faiblesse de la production et la productivité, l’injection de monnaie sans contreparties productives augmente le niveau de l’inflation. Selon un rapport de l’OCDE, la productivité du travail de l’Algérie est l’une des plus faibles au niveau du bassin méditerranéen. A cela s’ajoute la disproportion qui existe entre la dépense publique et le faible impact sur le taux de croissance.

Deuxièmement, l’écart s’explique par la diminution de l’offre du fait que la crise mondiale, combinée avec le décès de nombreux retraités algériens, a largement épongé l’épargne de l’émigration. Cette baisse de l’offre de devises a été contrebalancée par les fortunes acquises régulièrement ou irrégulièrement par la communauté algérienne localement et à l’étranger qui font transiter irrégulièrement ou régulièrement des devises en Algérie montrant clairement que le marché parallèle de devises est bien plus important que l’épargne de l’émigration. Ces montants fonctionnant comme des vases communicants entre l’étranger et l’Algérie renforcent ainsi l’offre. Il existe donc un lien dialectique entre ces sorties de devises dues à des surfacturations et l’offre, sinon cette dernière serait fortement réduite et le cours sur le marché parallèle de devises serait plus élevé, jouant donc, comme amortisseur à la chute du dinar sur le marché parallèle.

Troisièmement, la demande provient de simples citoyens qui voyagent : touristes, ceux qui se soignent à l’étranger et les hadjis du fait de la faiblesse de l’allocation de devises qui demeure très dérisoire. Mais ce sont les agences de voyages qui à défaut de bénéficier du droit au change recourent elles aussi aux devises du marché noir étant importateurs de services. Majoritairement, elles exportent des devises au lieu d’en importer comme le voudrait la logique touristique comme en Turquie, au Maroc ou en Tunisie.

Quatrièmement, la forte demande provient de la sphère informelle existant une intermédiation financière informelle loin des circuits étatiques, expliquant le résultat mitigé de la mesure d’intégrer ce capital argent au sein de la sphère réelle.

Cinquièmement, l’écart s’explique par le passage du Remdoc au Credoc, instauré en 2009, qui a pénalisé les petites et moyennes entreprises et n’a pas permis de juguler comme cela était prévu la hausse des importations qui ont doublé depuis 2009, tout en renforçant les tendances des monopoleurs importateurs. Nombreux sont les PME/PMI pour éviter les ruptures d’approvisionnement ont dû recourir au marché parallèle de devises. A cela s’ajoute les risques du financement non conventionnel, ( le Ministre des finances annonce 17 milliards de dollars pour 2018) en cas de non-maîtrise , alimentant les segments non productifs, il peut engendrer une inflation qui risque de conduire à la dépréciation du dinar tant sur le marché officiel que parallèle.

Sixièmement, beaucoup d’Algériens et d’étrangers utilisent le marché parallèle pour le transfert de devises, puisque chaque algérien a droit à 7200 euros par voyage transféré, utilisant leurs employés algériens pour augmenter le montant, assistant certainement, du fait de la méfiance, à une importante fuite de capitaux de ceux qui possèdent de grosses fortunes.

Septièmement, pour se prémunir contre l’inflation, et donc la détérioration du dinar algérien, l’Algérien ne place pas seulement ses actifs dans le foncier, l’immobilier ou l’or, mais une partie de l’épargne est placée dans les devises. En effet, beaucoup de ménages se mettent dans la perspective d’une chute des revenus pétroliers, et des réserves de change qui tiennent la cotation du dinar à plus de 70% achètent les devises sur le marché informel. Aussi la cotation du dinar sur le marché parallèle et les transferts illicites de capitaux seront fonction du niveau des réserves de change fonction de l’évolution des recettes de Sonatrach qui procurent directement et indirectement 97/98% des recettes en devises, des importations de biens et des services (ces derniers fluctuant entre 9/11 milliards de dollars/an ).Selon les statistiques officielles, sauf miracle d’un cours à 100 dollars le baril, les réserves de change iront en diminuant : -2012 :190,6 milliards de dollars, -2013 :194,0 milliard de dollars, -2014 :178,9 milliards de dollars, -2015 :144,1 milliards de dollars, -2016 : 114,1 milliards de dollars, -2017 : 97,3 milliards. -2018 entre 82/83 milliards de dollars tenant compte de la valeur des importations de biens et 2019 : 62 milliards de dollars (source avant projet de loi de finances)2020 : 48 milliards de dollars (source avant projet de loi de finances)2021 : 34 milliards de dollars (source avant projet de loi de finances)2022. 12 milliards de dollars (source rapport FMI juillet 2018). Evitons toutefois la sinistrose, comme je l’ai démontré dans une interview à l’American Herald Tribune (USA) le 11 aouût 2018, par une bonne gouvernance s’adaptant au nouveau monde, l’Algérie a toutes les potentialités pour fonctionner sur la base de 70 dollars le baril, évitant ce scenario catastrophe qui aurait un impact à la fois interne, politique et social, mais également géostratégique sur toute la région méditerranéenne et africaine.

En résumé, il s’agit d’éviter la dérive vénézuélienne. Doté de la première réserve mondiale de pétrole (environ 302,25 Mds de barils contre 10/12 pour l’Algérie), le Venezuela actuellement en faillite, excessivement dépendant des fluctuations du prix du pétrole (qui constitue 96% des exportations. Leçon à tirer les matières premières n’ont jamais constitué le facteur décisif du développement, l’exemple le plus frappant étant l’Afrique. La bonne gouvernance et la valorisation du savoir, constituent le pivot d’un développement en ce XXIème siècle. Le grand défi pour le gouvernement est mettre en place une économie diversifiée loin des aléas de la rente, renouer avec une croissance durable, freiner la détérioration du pouvoir d’achat des couches les plus vulnérables et le nivellement par le bas des couches moyennes non-connectées à la sphère rentière.

Auteur
Dr Abderrahmane Mebtoul

 




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