19 avril 2024
spot_img
AccueilPolitiqueAhmed Gaïd Salah : victime du système et toréador du peuple !

Ahmed Gaïd Salah : victime du système et toréador du peuple !

DECRYPTAGE

Ahmed Gaïd Salah : victime du système et toréador du peuple !

C’est dans un discours de failles et de fêlures dans ses propos ambivalents  que Ahmed Gaïd Salah le vice-ministre de la Défense nationale, désavoué par la rue exigeant son départ,  s’est adressé aux Algériens dans une posture de victime au double sens du terme : celle qui pâtit de situations néfastes ( de son propre clan qui plus est) et celle qui consent d’énormes sacrifices, au détriment de sa vie pour « protéger son peuple ».

Il tente donc d’apitoyer les Algériens en leur avouant qu’il est la cible désignée de son propre camp, le système, qui a cherché à entraver sa solution constitutionnelle à la crise,  et, de clans de ce même système qui l’empêchent à sévir les corrupteurs et les corrompus et qui tentent de mettre le feu dans les marches du mouvement de la contestation du 22 février.

Ahmed Gaïd Salah use donc de cette attitude victimaire non pour se plaindre mais pour tenter de se rapprocher, de trouver écoute auprès du mouvement contestataire du 22 février en lui révélant toutes les graves menaces et dangers dont il le prémunit avec la force de son armée, de ses technologies sophistiquées et, que, ce faisant, bouclier du peuple de ces forces malfaisantes dont il rappelle les luttes claniques qui ont fait rage avant la démission de Bouteflika.

Ce peuple  a besoin de lui, sans lui, il sera la proie désignée de ses ennemis et donc des ennemis du Peuple, tant, les prétendues victimes du système, comme lui, sont du peuple.

- Advertisement -

C’est ce syllogisme tactique que construit dans son discours d’une victimisation tactique  Ahmed Gaïd Salah : s’il est la cible de choix désignée des clans de Bouteflika que le mouvement de la contestation du 22 février a poussé vers la sortie, c’est parce que sa proposition de sortie de crise par la légalité constitutionnelle est crédible et qu’ainsi, les menaces visant son Institution mettent, du même coup, en danger, le peuple, les Algériens, le mouvement contestataire du 22 février.

Donc, Lui, en tant que victime de  clans anti-« article 102 », pourtant rejeté par les Algériens, est la voie du peuple. Ce n’est donc pas une victime lance un SOS . Loin de là. Elle cherche à plaire par ses fragilités politiques et transforme celles-ci en opérations de charme pour donner le coup de grâce au mouvement contestataire du 22 février en cherchant à gagner en crédibilité auprès de ses rangs qui demande son départ avec tout le système. Comment ?

Dès l’amorce de son discours, le chef d’Etat major de l’ANP dresse un état des lieux maintes fois décrit jusqu’à l’usure dans ses précédents discours ; un passage marqué par une contradiction  saillante et flagrante. Il exhorte les Algériens à faire preuve de « sagesse et de patience » alors qu’il considère que « la crise ne peut perdurer davantage, vu que le temps nous est compté », faisant référence à l’échéance des élections présidentielles.  Dans ce même passage préliminaire du discours, Ahmed Gaïd Salah redit avec insistance « l’engagement de l’Armée Nationale Populaire d’accompagner les institutions de l’Etat durant cette transition, tout en soulignant que toutes les perspectives possibles restent ouvertes… », laissant entendre qu’il peut, en contiguïté à la solution constitutionnaliste, pivot de la phase de transition qu’il ne renie pas, ouvrir des pistes « complémentaires, additives au « 102 » qui n’en seraient que des « perspectives » (!), soucieux surtout de préserver non pas la stabilité des institutions du pays mais les conditions claniques des rapports de force qui lui permettraient d’aller vers les élections présidentielles débarrassés de ceux qui veulent le mettre au pilori dans les luttes claniques du système à couteaux tirés à mesure que se rapprochent les urnes présidentielles.

Assumant ainsi le rôle dévolu au ministère de l’intérieur qu’il accuse de toutes les dérives dans ce même discours, le vice-ministre de la Défense nationale considère ainsi son Institution comme la seule garante de la crédibilité des élections présidentielles, si Présidentielles il y a, d’autant que, quelques heures après son discours, l’un des 3B, le Président du conseil constitutionnel, Tayeb Belaïz, a présenté sa démission sous la pression de la rue.  

C’est là, pour Gaïd Salah, un des aspects de la brave victime qui endosse l’une des grosses responsabilités pour pour garantir un scrutin propre et transparent. Et, c’est à ce titre de « victime sacrificielle » qu’il tente d’attirer la rébellion citoyenne dans la dans la gueule du loup. Mais, pour ce faire, il se pose en justicier impuissant à châtier corrupteurs et corrompus en appelant les Algériens à lui prêter mains fortes pour « poursuive les individus impliqués dans des affaires de corruption » car, leur avoue-t-il, il a toujours les mains liés, impuissant, pris en tenaille par les clans de son propre système,  pour pouvoir engager cette pseudo campagne d’assainissement, de « décharges publiques » : «Nous attendons à ce que les instances judiciaires concernées accélèrent la cadence du traitement des différents dossiers concernant certaines personnes ayant bénéficié indûment de crédits estimés à des milliers de milliards, causant préjudice au Trésor public et dilapidant l’argent du peuple».

Or, Ahmed Gaïd Salah le sait mieux que quiconque peut-être par sa longue et fidèle « bravitude » à Bouteflika. Les Algériens ne veulent pas nettoyer le système, le laver, le passer à la machine à laver ; ils veulent en finir, le jeter à la fosse aux lions  !

Toutes ces  incapacités évoquées, énumérées par le Général de corps d’armée trouvent leur pierre d’achoppement non dans les revendications du mouvement de la contestation du 22 février qui exige chaque vendredi son éviction  mais dans son propre système corrompu jusqu’à l’os ; une habile stratégie discursive pour tromper la vigilance de la rébellion citoyenne. Mais l’argumentation qu’il apporte pour se poser encore en victime des maneouvres conspiratrices de clans du système, visant, du même coup, les revendications du peuple, et les propositions de sortie de crise émanant de lui, cette argumentation-là, ne convainc pas et n’intéresse pas les Algériens ni l’avenir de l’Algérie.

Le linge sale se lave en famille, dit le dicton et, après tout, c’est une querelle de chiffonnier indigne de la hauteur et de la stature attendue d’un Chef d’Etat major de l’ANP qui prétend haut et fort être protecteur du peuple qui, insiste-t-il, est « entre de  bonnes mains » quand il se rabaisse à de telles anecdotes de souricières, de basses manœuvres, de « petits meurtres » d’Agatha Christie : «J’ai déjà évoqué, lors de mon intervention du 30 mars 2019, les réunions suspectes qui se tiennent dans l’ombre pour conspirer autour des revendications du peuple et afin d’entraver les solutions de l’Armée Nationale Populaire et les propositions de sortie de crise. Toutefois, ces parties, à leur tête l’ex-Chef du Département du Renseignement et de la Sécurité (dont il a absorbé les services depuis la mise à la retraite de son ex-patron), ont tenté, en vain, de nier leur présence dans ces réunions, et d’induire en erreur l’opinion publique, et ce, en dépit de l’existence de preuves irréfutables sur ces faits abjects. Nous avons affirmé, ce jour là, que nous allions dévoiler la vérité, et les voici continuer à s’agiter contre la volonté du peuple et œuvrer à attiser la situation, en approchant des parties suspectes, et inciter à entraver les solutions de sortie de crise. A cet effet, je lance à cette personne un dernier avertissement, et dans le cas où il persiste dans ses agissements, des mesures légales fermes seront prises à son encontre».

La victime de ces complots dans la logique d’un système qui les fabrique pour se reproduire, prend à témoin les Algériens qui ne sont pas dupes en avouant tout de même que sur cette affaire il manque de « preuves irréfutables » qu’ils qualifient pourtant de « faits abjects ».

Un autre visage de la victime, l’un des plus visibles et sans doute le plus effrayant est celui par lequel il reconnaît, de manière indirecte, son incapacité, à garantir la sécurité aux marches du mouvement de la contestation du 22 février. Ce n’est pas le rôle de son Institution. Il est dévolu au ministère de l’intérieur.

Mais, dans son discours d’Oran, au début du mois d’Avril, mettant en garde le mouvement contestataire contre des individus étrangers destructeurs et négateurs de leurs revendications du dégagement du système, il n’a pas exclu de recourir à l’état d’exception avec, comme conséquence inéluctable, l’annulation des Présidentielles, la poule aux œufs d’or du Système.

Et, dans cet habit d’Arlequin,  il fixe un ferme et menaçant ultimatum aux Algériens : ou ils reconnaissent en lui le sauveur, le bouclier, le messie salvateur de leur protection, l’ordonnateur d’ordres fermes afin d’en assurer les marches ( alors qu’il en avouait son impuissance) ou son Institution ne se portera plus garante des violences au sein des manifestations comme si celles-ci étaient inhérentes au mouvement contestataire du 22 février dont l’identité révolutionnaire est sa conduite pacifique.

Ahmed Gaïd Salah veut donc se faire le chevalier protecteur du mouvement de la contestation au moment où la police commet de graves actes de répressions et d’humiliations contre des manifestantes. Il ne lui dénie pas son identité pacifique mais  la positive et l’anoblit par son statut de victime sacrificielle qui protège le peuple pacifique contre les violences « d’où qu’elles viennent ».

Or, le chantage de Gaïd Salah ne vise pas le corps de la police ni celui de la gendarmerie mais clairement la rébellion citoyenne désormais confondue aux casseurs : « La décision de protéger le peuple, avec ses différentes composantes, est une décision irréversible et dont nous ne dévierons point. Partant de la solidité des liens de confiance liant le peuple à son Armée, nous avons donné des instructions claires et sans équivoques pour la protection des citoyens, notamment lors des marches. Cependant, nous attendons, en contrepartie, de la part de notre peuple d’éviter le recours à la violence, de préserver les biens publics et privés et d’éviter d’entraver les intérêts des citoyens… »

Or, ces violences sont l’œuvre manifeste du système et sont allées crescendo à mesure que le mouvement contestataire de toutes les régions d’Algérie maintient et durcit ses revendications du dégagement du système au pouvoir.  De ces violences, Gaïd Salah, ce n’est pas ce scandale de jeunes marcheuses et militantes de la démocratie humiliées, dénudées dans un commissariat de police, non, c’est la présence du drapeau amazigh flottant au côté de celui conçu et cousu par l’épouse de Messali Hadj, devenu emblème national :

« Je tiens à souligner dans ce cadre la nécessité du respect total des symboles de l’Etat, à leur tête l’emblème national, en ce qu’il représente comme une symbolique sacrée de l’unité de la nation et du peuple et des sacrifices des générations à travers l’histoire. Et nous sommes fermement convaincus que notre peuple sera à la hauteur de l’image civilisée et prestigieuse que lui a réservé l’histoire et que les différents médias ont relayé à travers le monde».

Telle une menace qui se profile mais maintenue en prévision de temps cruciaux, il est étrange et surprenant qu’une Armée qui recourt à la légalité constitutionnelle et donc, dans l’absolu, aux droits de l’homme et du citoyen, pense déjà à l’hécatombe, à Guernica, et n’écarte pas cette éventualité puisqu’elle le dit à qui est concerné : « Une armée qui ne prend aucune décision au désavantage du peuple et de la patrie et qui veille à ce qu’aucune goutte de sang algérien ne soit versée, n’en déplaise aux parties hostiles, qui sont dérangées par le caractère pacifique des marches. L’Algérie est entre des mains sûres grâce à des hommes dévoués prêts à défendre leur pays quel qu’en soit le prix ». Qui sont ces « parties hostiles » et qui sont « ces hommes dévoués » ?

Pour le mouvement de la contestation du 22 février ce discours  est obsolète. Il émane d’abord d’un « Général d’une armée impuissante » ligotée par le système qu’elle protège pour en garantir la pérennité et, partant, ses intérêts  de caste.

Quand bien même Ahmed Gaïd Salah renierait l’article 102, sa solution constitutionnelle décriée et rejetée par les Algériens, il n’est pas crédible pour appeler au dialogue. Il est doublement victime : isolé, comme il l’avoue, victime de son propre clan, et déjà victime menaçante, sentant sa fin de règne  face au mouvement contestataire qui refuse énergiquement ses garde-à-vous !

Auteur
Rachid Mokhtari, écrivain et journaliste

 




LAISSEZ UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

ARTICLES SIMILAIRES

Les plus lus

Les derniers articles

Commentaires récents