29 mars 2024
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« Allah Ghaleb » : 98 % de pétrole, 02 % d’intelligence !

REGARD

« Allah Ghaleb » : 98 % de pétrole, 02 % d’intelligence !

Ceux qui refusent de comprendre le passé sont condamnés à le revivre. L’Algérie a été conquise par les armes, elle a été libérée par les armes. 

D’une économie pastorale à une économie rentière, le pas est vite franchi, Hier, avec les moutons et les abeilles ; aujourd’hui avec le pétrole et le gaz, l’argent vient en dormant. « Regda out manger ». C’est la nature des ressources qui détermine le régime politique d’un pays. Dans le cas de l’Algérie contemporaine, ce sont les hydrocarbures. Ce n’est pas un hasard si la nationalisation des hydrocarbures a coïncidé avec la commémoration de l’anniversaire de la création de l’UGTA un certain 24 février 1971.

La longévité politique exceptionnelle des régimes arabes est une réalité incontestable. Clanisme et monarchie concourent au même résultat : stabilité politique et stagnation économique. Les premières constitutions datent des indépendances. Et depuis, on ne les compte plus. On peut dire qu’il y a eu autant de constitutions que de présidents régnants, autant de période sans constitutions que de constitutions sans application Cela se traduit soit par une présidence à vie soit une constitution sans vie.

Pour le gouvernement, après le pétrole, c’est toujours du pétrole. Sa survie dépend de l’étranger, du blé de la France et des armes de la Russie. Le pétrole et le gaz sont à l’économie mondiale ce que l’eau et l’oxygène sont au corps humain. Ils sont les fondements de la civilisation moderne.  L’argent du pétrole a détaché la société du travail, de l’effort et de l’investissement. Le sort de l’Algérie est indexé au cours du baril de pétrole sur le marché.

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En période de vaches maigres, les élections conduisent à une guerre civile avec ses milliers de morts et de disparus et en période de vaches grasses à une présidence à vie au prix de mille milliards de pétrodollars.

L’Algérie se distingue par l’importance des ressources soumises à une distribution publique (marchés, subventions, licences d’importation, fonds de commerce, logements etc…) Un autre gisement s’offre aux élus et fonctionnaires c’est l’emploi public représentant un poids non négligeable dans l’électorat (La république à travers la fonction publique et parapublique est le premier employeur avec une armée de fonctionnaires dociles et redevables). De l’indépendance à nos jours, c’est la ruée vers le politique.

Cela se traduit par une mainmise de l’Etat et donc d’une caste d’élus et de fonctionnaires sur la quasi-totalité des ressources du pays. Les fonctions électives sont un ascenseur social, un tremplin à l’enrichissement personnel. Les distributions d’emplois publics façonnent les clientèles autant qu’elles les révèlent.

Toutes les fortunes privées sont constituées à partir du politique. L’exercice des fonctions étatiques permet de se ménager une place dans l’échelle de redistribution des biens et des services. La rémunération des clientèles cède parfois le pas à l’enrichissement personnel. L’appétit des patrons et des clients allant en s’aiguisant. L’enjeu des élections en Algérie est évidemment l’accès à la rente que confère l’autorité.

En effet, l’élite au pouvoir, bien que vivant de l’Etat n’a pas le sens de l’Etat mais seulement de ses propres intérêts. Une fois, au pouvoir et à proximité de la rente, les élus se transforment en « harkis du système » ; hors du pouvoir et loin de la rente, ils sont ses plus farouches opposants ? Dans ce contexte, toute distribution des ressources par l’Etat et son administration peut difficilement viser l’intérêt général. L’intérêt général est intériorisé dans les démocraties occidentales. Il est ignoré dans les dictatures arabes. Il se confond avec l’intérêt de la caste au pouvoir.

A chaque fois que l’on fait de l’Etat ou d’une petite élite, le principal acteur du développement, on suscite l’apathie générale du corps social et les citoyens se détournent des structures sociales et politiques organisées. On se trouve devant une société éclatée, une classe dominante qui vivant de l’Etat n’a pas le sens de l’Etat mais de celui de ses intérêts.

Cette classe a le goût de l’autorité et du prestige, elle ignore celui de l’austérité et de l’humilité. Contrairement à ce qui s’est passé à partir du moyen âge, la naissance de l’Etat post colonial est beaucoup moins la résultante des changements sociaux qui ont accompagné l’émergence des structures autonomes (division du travail, bureaucratie professionnelle, surplus agricole dégagé etc…) que le produit d’un bricolage institutionnel visant à introduire dans l’espace politique des formes d’organisation parfaitement étrangères aux codes culturels et aux ressources de l’Etat. Il est le résultat de contradictions externe que de changements internes.

L’Algérie indépendance n’est pas née par voie naturelle mais à la suite d’une césarienne. Cela laisse des cicatrices. Ce qui n’est pas le cas de l’histoire des sociétés européennes. En effet, dès la fin du XVIIIe siècle, s’est imposée une idée neuve du bonheur immédiat. Ce bonheur se mesure à l’aune des biens consommés sur terre. En contrepartie de ce bonheur matériel s’est développé simultanément une idéologie productiviste où le travail est une valeur sur laquelle se fonde les économies.

C’est à partir du moment où la société européenne est parvenue à dégager un surplus agricole lui permettant de libérer une partie de la population active pour asseoir une industrie qu’un pouvoir démocratique a pu émerger. Cette démocratie permet à celui qui fournit du travail de mieux saisir les contreparties de ses efforts tout en se libérant du pouvoir en place. Les régimes autoritaires ont été tenu en échec en Angleterre et en France parce qu’une classe sociale a pu entreprendre le développement industriel qui a fourni un surplus économique indépendamment de L’Etat.

L’Algérie a arraché son indépendance par l’emploi de la ruse, elle a raté son développement par manque d’intelligence. Elle n’a pas su coudre la peau du renard avec celle du lion. Elle n’avait pas de fil ni aiguille. Soixante ans après le recouvrement de son indépendance, elle souffre de l’absence d’une bourgeoisie entrepreneuriale et d’une classe ouvrière laborieuse. Pourtant, ce ne sont pas les pétrodollars qui ont fait défaut.

 

Auteur
Dr A. Boumezrag

 




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