16 avril 2024
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Bahia Farah : l’artiste aux duos inoubliables

Impérieuse culture du terroir 

Bahia Farah : l’artiste aux duos inoubliables

Bahia Farah c’est le très célèbre «Yeqssiyi wezrem », ce titre que nous n’écoutions jamais en famille. Je me souviens que dès qu’il passait à la radio dans les années 1960, nous les mâles, petits ou grands, avions tous quelque chose à faire…ailleurs. Même nos mamans s’éloignaient furtivement du transistor qui osait le diffuser en plein « nuba l’xalat » !

Le pape l’aurait certainement interdit d’antenne, comme il avait suggéré l’interdiction de « je t’aime moi non plus » de Serge Gainsbourg et Jane Birkin, à la fin des années 1960. Et certaines chaînes radio avaient suivi le conseil d’El Papa. Après tout, n’est-ce pas le rôle du Vatican de démêler le hallal du haram ? 

Mais Bahia Farah, c’est surtout et avant tout l’interprète qui a le plus prêtée sa voix aux artistes mâles pour des duos magistraux. Parmi les interprétations en duo, le titre « Attas aysevraɣ », avec Slimane Azem, a marqué, au fer rouge, la communauté émigrée des années 1960. À l’écouter j’ai vu des hommes pleurer (*). Titre que nous vous proposons en version remastérisé, ainsi qu’une traduction qui s’essaie à reproduire la mélancolie de l’originale.

Biographie

De son vrai nom Bounouar Fatima-Zohra, Bahia Farah est née à Bouira en 1917. Elle a d’abord été danseuse dans le genre oriental, avant de devenir la grande chanteuse que l’on connaît.

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Orpheline, elle a été prise en charge par son oncle qui l’emmena en Tunisie. 

Après avoir pris des cours de danse dans un centre de formation artistique, elle part à Paris en 1931 alors qu’elle n’avait que 14 ans. Elle perfectionna sa danse et très tôt elle fait le bonheur de la communauté émigrée.

A Paris, la chanteuse se frotte au Tunisien Mohamed El Jamoussi, au Marocain Slaoui Kamal, et aux grosses pointures de la musique algérienne et kabyle, à l’image de Kamel Hamadi, Slimane Azem, Mohamed El Kamel (chanteur de Music-Hall dans les années 1930-40), Allaoua Salah Sadaoui, Akli Yahiatène, Chérif Kheddam, Fatma-Zohra…

Elle fut l’épouse du célèbre miniaturiste algérien Mohamed Temmam, dit Sid-Ali.

En 1949, elle enregistre sur la demande de la maison d’édition Pathé Marconi, six disques 78 tours en arabe, dont « Ya omri lik » (mon âme est à toi), « Rayeh maâdoum » (Le partant est absent), et « Yalli qlaqtou » (Celui que j’ai irrité).

En 1957, elle rencontre Slimane Azem, avec qui elle réalise en duo deux titres en kabyle « Kem akw d’nek » (Toi et moi) et « Atass issevragh » (J’ai trop attendu), une chanson -sous forme d’échanges entre un émigré et sa bien-aimée restée au bled- qui lui assurera un succès foudroyant, tant la vérité qu’elle distille est bouleversante (*). 

Elle a également partagé un titre avec Akli Yahiaten : « Inas imlayoun Taoues ». Sans oublier le très singulier « yugi ad yuɣal » qu’elle interprète avec Allaoua Zerrouki (**).

Elle signe son retour définitif au pays, au lendemain de l’indépendance, en février 1965, et interprète « T’fuk el ɣorba t’fuk » (L’exil est terminé, bien terminé) (1967) avant de faire ses adieux à la Chaine 2 de la Radio nationale où elle animait une émission et participé à « Nuva L’xalat ».

La Radio algérienne n’a, semble-t-il, conservé que 22 chansons (dont certaines interprétées avec Aït-Farida) sur les 50 qu’elle a enregistré en solo : « Yeqsiyi wezrem », (voir la vidéo ci-bas) « Lmektub », « Imessasene », « l’Aïd », « Atir el ɛali », « Mmi ɛzizen », « Si Labḥar Ɣar-din », « Yeǧǧayi »,…

Fatiguée et affaiblie par la maladie, l’artiste tire sa révérence le 24 avril 1985, à Alger, dans l’indifférence la plus totale.

Voilà comment un pouvoir de nains traitait, et traite toujours, les géants du terroir !

Bahia Farah

Aṭṭas ay sevraɣ Aṭas ay sebṛaɣ 

Aṭṭas ay sevraɣ Aṭas ay sebṛaɣ 

Ad ṛuḥeɣ neɣ ad jewǧaɣ

Ay uzyin texdaɛḍ iyi

Tkellxeḍ felli

Xu ḍi mačči akk’ay nehḍer

Tenniḍ’d am d’awi ɣ kullci

Qim kan thenni

Seg’wul im ekes a ḥebbeṛ

Tura t ɛacqed di ṭwasi

Tregwleḍ felli

Waqila tbeddleḍ laɛmer

Aṭṭas ay sevraɣ Aṭas ay sebṛaɣ 

Aṭṭas ay sevraɣ Aṭas ay sebṛaɣ 

Ad ṛuḥeɣ neɣ ad jewǧaɣ

 

Slimane Azzem

A tuzyint ulli’m xedmeɣ

D ẓeher ay xuṣṣeɣ  

Ma č akka ay bni ɣ ad’as

Mačči ţiselbi ay selbeɣ

Neɣ   D’ṛay i xuṣṣaɣ  

Mi ţi bni t’hud ar l’sas

Ulla d nekk aqli N’ ṭaṛṛaɣ

Mačči d iksaneɣ

Akka I grad uɛessas

A tin ḥemmleɣ

Ul’im xedmeɣ

Sbe ṛ kana rd’a naw ḍeɣ

 

Bahia Farah

Ḥeqrent i tezyiwin iw

Briɣ  i wallen iw

Qqarrent i argaz im d’imɣeṛṛeq

Ţ’ruɣ ar mi yejreḥ wul yeẓṛ iw

Iɛugwen yiles iw

Yegguma ad yali l’menṭeq

Ẓṛiɣ  yemmut ẓehṛiw

Ţ’arraɣ kan s ul iw

Yeččuṛ  yebɣa ad ifellaq

Aṭṭas ay sevraɣ Aṭas ay sebṛaɣ 

Aṭṭas ay sevraɣ Aṭas ay sebṛaɣ 

Ad ṛuḥeɣ neɣ ad jewǧaɣ

 

Slimane Azzem

A tuzyint a wi’m yeḥkan

A ţ’ẓeṛḍ ig gellan

Ballak ad yesbar wul im

Di l’ ɣerba ur ǧǧiɣ amkan

Aqli ṛwiɣ lemḥan

Di ẓehṛ iw deg iteqqim

Ḍleb di ssadaţ yeqwan

Ad ṣeggmen wussan

Am ass’a as yezhu wul im

A tin ḥemmleɣ

Ul’im xedmeɣ

Sbe ṛ kana rd’a naw ḍeɣ

 

Bahia Farah

Aṭṭas ay sevraɣ Aṭas ay sebṛaɣ 

Aṭṭas ay sevraɣ Aṭas ay sebṛaɣ 

Ad ṛuḥeɣ neɣ ad jewǧaɣ

 

J’ai trop attendu

J’ai trop attendu, j’ai trop attendu

 Je m’en vais ou je me remarie

Ô mon bel homme, tu m’as trahie

De moi, tu t’es joué

Ce n’est pas ce que nous avions conclu

Tu disais tout m’apporter

Surtout soit tranquille

De ton cœur enlève tout souci

À présent de vices tu es épris

De moi tu t’es éloigné

Peut-être as-tu changé de vie

J’ai trop attendu j’ai trop attendu

Je m’en vais ou je me remarie.

 

Ô ma belle je ne peux rien

C’est ma chance qui m’a quitté

Je ne m’attendais pas à telle destinée

Je ne suis pas atteint de folie

Ni que je manque de projets

Tout ce que je fais se défait

Moi aussi je dépéris

Je ne contrôle rien

C’est ce qu’ont voulu les Saints

Oh ma bien aimée

Pour toi je ne peux rien

Sois patiente je reviendrai.

 

Par mes amies dépréciée

J’ai toujours les yeux baissés

Quand elles disent que tu m’as quitté

Je pleure des larmes de sang

En muette me transformant

Je ne puis prononcer un mot

Je sais bien que mon sort est mort

Chargé mon cœur est épuisé

Il est plein à craquer

J’ai trop attendu j’ai trop attendu

Je m’en vais ou je me remarie.

 

Ô ma belle j’aurais aimé tout te conter

Mes peines tu les saurais

Combien tu compatirais

Je n’ai laissé aucune contrée

J’ai beaucoup peiné

Poursuivi par la calamité

Implore donc de puissants saints

Que nos jours soient meilleurs

Et que gai soit enfin ton cœur

Oh ma bien aimée

Pour toi je ne peux rien

Sois patiente je reviendrai.

 

J’ai trop attendu, j’ai trop attendu

Je m’en vais ou je me remarie.

K.M

(*)https://lematindalgerie.comslimane-azem-bahia-farah-les-ecouter-jai-vu-les-hommes-pleurer

(**)https://lematindalgerie.comzerrouki-allaoua-le-rossignol-de-la-soummam

 

Auteur
Kacem Madani

 




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