18 avril 2024
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Ce Chashnaq de la mémoire qui dérange l’idéologie islamiste!

REGARD

Ce Chashnaq de la mémoire qui dérange l’idéologie islamiste!

Difficile de demander aux autres de glorifier notre histoire,  alors que nous préférons rester les bras croisés et les cerveaux mis en veilleuse.

J’écris cela parce que je suis consterné suite aux levée de boucliers provoquée par l’inauguration, le 12 janvier dernier, en plein centre de la wilaya de Tizi Ouzou, d’une stèle à l’effigie de Chashnaq, l’un des aguellids (rois) berbères, parvenu au pouvoir en Egypte pharaonique, en 950 av. J.C.

Un événement majeur dans l’histoire amazighe, à l’origine de l’établissement du  calendrier agraire que nous connaissons aujourd’hui, dont le départ « le mois de Yennayer » est célébré dans tout le Maghreb. Il est clair que ce genre de réaction vient, bien souvent, du milieu islamiste rompu à des pratiques « négationnistes », si j’ose dire, vis-à-vis des origines berbères de l’Algérie, et partant du tout le Maghreb.

L’islamisme politique assimile, en effet, tout récit identitaire ou historique, en dehors de la sphère musulmane, à une opération d’effacement de l’identité arabo-islamique.

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L’arabité est, d’après la perception de ses promoteurs, au côté de l’islam, la composante exclusive de la personnalité algérienne. Ce qui tue dans l’œuf la pluralité millénaire de la composition historique de l’Algérien à travers les âges, au nom d’une certaine uniformisation identitaire basée sur l’idéologie.

D’ailleurs, depuis les années 1960-70, l’histoire algérienne n’a démarré dans les manuels scolaires que l’on distribuait aux écoliers et aux lycéens qu’à partir des « foutouhat » (les conquêtes musulmanes), de l’Ifriqiyya (le Maghreb de l’époque). Nulle mention, par exemple, de la résistance de la reine Dihiya (la célèbre Kahina) au VII siècle, à l’invasion musulmane ni moins encore de l’arrivée des bédouins arabes de Banu Hillal entre le Xe et le XIIe siècle et le désastre qu’ils ont causé au cheminement historique des dynasties berbères de l’époque (les Zirides et les Hammadites en particulier). Hélas!

L’instrumentalisation de l’histoire et le déni de la berbérité ont souvent été les maîtres mots dans l’Algérie indépendante. Pour preuve, le régime hybride (islamo-nationaliste avec des tendances laïques larvées), de mèche avec les ultras de l’islamisme dit modéré, ayant investi les facultés, aurait osé même dénaturer, en 1976, le projet de la Charte Nationale, rédigé par Mostefa Lacheraf et Mohamed Seddik Benyahia, pour plaire aux conservateurs islamo-bâathistes (une tendance formée par le mariage contre-nature entre l’islamisme supranational de la mouvance des frères musulmans et de l’arabisme identitaire nassérien).

Pour rappel, le colonel Boumediene aurait changé sous la pression de ces derniers une clause emblématique de ladite charte qui édicte clairement que « l’islam est la religion du peuple », pour celle « l’islam est la religion de l’Etat ».

De même aurait-il décrété le week-end islamique (jeudi-vendredi), en remplacement du week-end universel (samedi-dimanche), accablant le trésor public de millions de dollars de pertes ! En réalité, l’islamisme a trouvé, d’une part, dans ce régime hybride, un allié de taille pour remettre en cause le récit identitaire originel de l’Algérie.

D’autre part, il a pu manipuler,  par son biais, l’Algérie profonde pour en faire un terreau fertile aux fins de consolider sa mainmise autoritaire sur la société. Ainsi aurait-il dressé celle-ci (l’Algérie profonde) contre la Kabylie, fief des luttes identitaires, culturelles et démocratiques, à partir des années 1980 en particulier (Le Printemps berbère).

Le jeu politicien entre le régime et les islamistes a été tellement perfide que les Algériens en ont subi les conséquences et les subissent encore jusqu’à aujourd’hui. 

Des dégâts dramatiques sur le plan historique ayant mis en morceaux la mémoire collective, incapable de nos jours, de faire consensus sur des questions relevant pourtant du destin national.

Or, y a-t-il une nation forte sans récit historique fiable ? Y a-t-il une nation sans mythes fondateurs à l’image de Seshnaq pour les Imazighen (les Amazighs) ?

Y a-t-il une nation qui se construit avec une mémoire travestie, et dont le récit authentique de constitution est substitué par un autre, importé de l’Orient musulman ? 

Force est de déduire qu’il n’y a pas d’avenir qui se construit à partir d’un passé clos, dénaturé et manipulé. Le passé devrait être un passage vers le futur. Une sorte d’identité partagée, admise par tous les citoyens, sans exclusive.

Les multiples dimensions de cette identité-là devraient être assumées sereinement, et chaque citoyen se doit de revendiquer ses multiples facettes, non pas à l’état stationnaire d’un ghetto, mais par une acceptation sereine et assumé d’un legs commun. 

C’est pourquoi il est important d’être fier de ce que l’on est, de notre identité et de notre diversité!  La multiplicité identitaire est une donnée inaliénable de l’Algérianité, et par ricochet, de la modernité et du progrès démocratique.

L’écrivain bengali Barkimando Chatterjee, n’a-t-il pas écrit à ce propos ce qui suit : « Qui louera nos nobles qualités, si nous ne les louons pas nous mêmes ?

C’est une loi de la vie qu’un homme qui ne se préoccupe pas de faire savoir qu’il est grand, est considéré par les autres comme quantité négligeable. La gloire d’une nation a-t-elle été jamais chantée par une autre nation? » Tout est résumé, concernant cet état d’Alzheimer identitaire entretenu par nos dirigeants depuis belle lurette.

Auteur
Kamal Guerroua

 




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