23 avril 2024
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Contre le hirak, le retour de l’inquisition

REGARD

Contre le hirak, le retour de l’inquisition

«Souvent ce sont les inquisiteurs qui créent les hérétiques. Non seulement pour les imaginer quand ils n’existent pas, mais parce qu’ils répriment avec une telle véhémence la vérole hérétique que nombreux sont ceux qui l’attrapent par haine des inquisiteurs.» « Le Nom de la rose« , Umberto Eco

Qu’est, notre pays, devenu ? Quand j’étais adolescent, pour rigoler entre nous dans les rues et les cafés de Sétif, nous avions l’habitude de nommer l’Algérie « bled Mickey », le pays de Mickey. Aujourd’hui, même Kafka ne s’y retrouverait pas. Tout va de guingois et tout se retourne contre cette population qui n’en peut mais… Que dire de ce nouveau pouvoir qui ne doit d’être là, aujourd’hui, que grâce au soulèvement pacifique du hirak qui, à partir du 22 février 2019, n’a cessé de faire sortir les jeunes et les vieux, les femmes et les hommes, les handicapés et les valides, pour manifester d’Alger jusqu’à Tamanrasset et d’El Tarf jusqu’à Ghazaouet.

Parce qu’il ne faut jamais l’oublier, sans le hirak, nous aurions eu droit à notre cinquième mandat de Bouteflika, le président zombie, qui, lui a tenu vingt ans quand même ! Et comme me l’a fait remarquer ce midi l’ami Arezki Metref, en vingt ans, et malgré sa mégalomanie, Bouteflika a mis moins de gens en prison que Tebboune en 10 mois.

Tout va de traviole ! La marche blanche organisée, square Port-Saïd à Oran, pour rendre hommage à la jeune Chaïma qui a été violée, tuée et brûlée à Boumerdès, a été chargée par les sbires du pouvoir et les participants arrêtés et embarqués manu-militari. 

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Aujourd’hui, c’est un activiste du hirak, qui habite à Khenchela dans l’extrême-est du pays, qui a été appréhendé le 30 septembre et condamné à une peine de de dix ans de prison ferme en moins d’une semaine d’enquête et de procédure. Dix ans de prison plus 10.000.000 de dinars d’amende soit 66.000 euros, l’équivalent de plus de dix ans de salaire d’un cadre algérien.

Quel en est le motif ? Quelles sont les preuves que détient le pouvoir sur la culpabilité de Yacine Mebarki ? Kafka lui-même ne s’y retrouverait pas. Activiste connu et reconnu du mouvement pacifique qui se poursuit en Algérie depuis le 22 février 2019, cet homme se trouvait dans l’œil du cyclone de par ses activités dans les marches hebdomadaires du hirak. Le pouvoir lui cherchait noise depuis belle lurette. 

Laïque militant, c’est par ce flanc que le pouvoir, infiltré depuis longtemps par les islamistes, voulait le mettre à genoux. Un mandat a été donc délivré par les institutions judiciaires pour cette seule fin pour une perquisition à son domicile. Le 30 septembre, des agents se sont présentés au domicile de l’intéressé. Lors de cette descente, la police est tombée sur un vieil exemplaire du Coran ayant appartenu à son grand-père.

Le livre, déjà très ancien, avait une feuille déchirée. Cela a suffi pour trouver les motifs de cette arrestation qui avait été décidée en amont : « incitation à l’athéisme », « offense ou dénigrement du dogme et des préceptes de l’islam » et « atteinte à l’unité nationale », rien que ça !

Yacine Mebarki a été placé sous mandat de dépôt le jour même et, comme si le pouvoir était pressé d’en finir, a dû réclamer que le procès se tienne très vite. Il s’est déroulé le 6 octobre au tribunal de Khenchela et le parquet a requis 8 ans de prison ferme. Il a été condamné à 10 ans, soit deux ans de plus, alors qu’en Algérie, il est très rare que le juge prononce une peine supérieure aux réquisitions du parquet.

Yacine Mebarki a décidé de faire appel de cette décision. Et pendant ce temps, les islamistes qui ont terrorisé tout un pays dans les années 90, qui ont violé, égorgé, décapité, brûlé, écartelé des dizaines de milliers de personnes, vaquent tranquillement à leurs occupations et que la « justice » n’a pas eu le temps trente ans après les faits, d’enquêter et de boucler les dossiers pour rendre un jugement au nom du peuple algérien.

La stratégie hégémonique de ce gouvernement et de sa justice serpillière est réputée pour être triviale : prendre à témoin Allah et son prophète pour asservir les opposants est d’une bassesse abyssale. Ce genre de procédures va se poursuivre dans le temps, à n’en pas douter. Il ne faut pas mettre genoux à terre. Le combat continue pour la dignité, pour l’honneur, pour la démocratie et pour la liberté.

Nul ne peut museler les rêves ni assujettir un espoir faramineux dans un avenir lumineux ni faire ployer une soif d’affranchissement. 

Auteur
Kamel Bencheikh, écrivain

 




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