20 mai 2024
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De nouveau l’horreur en France !

REGARD

De nouveau l’horreur en France !

L’attaque de Nice a mis les services de sécurité sur les dents. 

La France est une nouvelle fois ciblée par le terrorisme islamiste. Après l’attentat, il y a une semaine, qui a coûté la vie au professeur Samuel Paty, le bilan macabre s’est alourdi cette fois-ci suite à l’attentat au couteau d’avant-hier matin dans la basilique Notre-Dame de l’assomption à Nice avec trois nouvelles victimes : un homme et deux femmes.

Il est frappant de constater que ces crimes sont hautement symboliques par, d’un côté, le modus operandi – la décapitation au couteau – pour marquer l’imaginaire collectif et semer la terreur. Et de l’autre les lieux sont deux symboles forts de la France, l’école qui enseigne le savoir et l’esprit critique, puis l’église, un lieu de prière et de paix, qui a façonné l’identité profonde de ce pays, toutes deux sont l’âme de la France. 

Semer la mort au nom de l’islam suscite un double sentiment de douleur et de colère : de douleur d’abord devant l’horreur des crimes commis au nom de Dieu et qui rouvrent les plaies des souvenirs traumatisants de l’Algérie de la décennie 1990, marquée par une violence aussi cruelle par sa barbarie, mais sans commune mesure par le nombre de victimes.

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De colère, ensuite, de voir certains États en terre d’islam s’ériger en défenseurs des Musulmans, alors que la liberté de culte et l’État de droit dans ces pays sont quasiment inexistants et les droits élémentaires de leurs ressortissants (Musulmans bien sûr) sont tout simplement bafoués. 

Le terrorisme a de nouveau frappé en un laps de temps très court et notre condamnation de principe ne souffre aucune ambiguïté, car aucun principe ni aucune cause ne peut justifier l’assassinat d’une femme ou d’un homme.

En vérité ces attentats ne sont pas surprenants si l’on garde en mémoire que les réformateurs de l’islam de la première moitié du siècle dernier, El Afghani, Abduh, Ridha… avaient conçu la nahdha (la renaissance) dans un sens plus politique que théologique en opposition à l’Occident et cette pensée volontairement belliqueuse est demeurée dans ses grandes lignes inchangée, voire durcie par les courants fondamentalistes. C’est pourquoi l’Occident et ses valeurs sont vilipendés sans relâche dans les mosquées en terre d’islam.

Si les deux jeunes terroristes ont commis ces attentats au nom de l’islam, il faut bien se garder de partir du mauvais pied lorsque l’on parle de cette religion en prenant soin d’éviter de l’essentialiser, c’est-à-dire à voir dans l’islam une religion homogène, fixée ad vitam aeternam depuis le VIIe siècle. Il s’agit là d’une approche en décalage avec la réalité de l’islam qui est loin d’être unique quand bien même le substrat référentiel en partie judéo-chrétien est partagé dans ses grandes lignes par les différentes écoles, rites et pratiques. 

L’on peut aisément constater que dès lors qu’il s’agit d’islam, l’on a plutôt tendance à le conjuguer au singulier, alors que l’islam au singulier est une abstraction tant il est vrai qu’il n’y a en fait que des islams et des islamismes.

L’islam est généralement moins saisi par les textes interprétables à l’envi que par ce qu’en font les musulmans dans leur infini diversité. De même qu’il n’existe que des christianismes et des judaïsmes au pluriel et ces schismes ne sont pas récents, ils ont existé depuis leur révélation. 

Ainsi, l’on peut affirmer sans risque d’être démenti qu’il existe bel et bien un islam sunnite, un islam shî’ite, un islam kharidjite (dissident), un islam asiatique avec des empreintes de bouddhisme et d’hindouisme. Un islam confrérique et soufi au Maghreb et ailleurs en terre d’islam que lesʿulamā’ que l’on qualifie de « réformistes », de Djamel Eddine Al-Afghani à Mohamed Abduh en passant par Rachid Ridha, Sayyid Qutb jusqu’à Ben Badis… ont combattu et que les salafistes continuent de combattre à ce jour.

L’islam confrérique, forgé par des siècles d’adaptation au contexte des pays d’Afrique du Nord par les confréries (Qadirya, Rahmaniya, Sheykhya, Tidjaniya, Alawwiya…), est un islam du for intérieur qui n’ambitionne pas investir l’espace public, il présente ainsi l’avantage d’avoir libéré le politique de l’emprise de l’islam originel. Et il est regrettable de constater que le régime algérien s’applique depuis, notamment le règne de Bouteflika à instrumentaliser nombre de zaouïas. 

De même, il existe un islam ibadhite au sultanat d’Oman, au Mzab, Touggourt, Biskra… (Algérie), à l’île de Djerba (Tunisie), à Nefussa (Libye) et à Zanzibar (Tanzanie)… Un islam africain à Tombouctou au Mali, au Sénégal… chargé de culture et d’histoire locales millénaires. Rappelons que les djihadistes d’Al Qaida ont détruit en 2012 plusieurs mausolées et tombeaux à Tombouctou datant du Moyen Âge. En s’attaquant à ces lieux cultuels, c’est l’identité culturelle et historique du Mali qu’ils ont décidé d’anéantir. Acte qualifié par la Cour pénale internationale (CPI) de crime contre l’humanité et qui a condamné le djihadiste, Ahmad al Faqi al Mahdi, en septembre 2015 à neuf ans de prison.

En outre, au sein même de l’islam sunnite, il existe quatre grandes écoles théologico-juridiques (malikite, hanbalite, chafi’ite, hanifite) qui divergent sur de nombreux sujets. L’islamologue Mohamed Arkoun a soutenu qu’il existe plus de quatre écoles dans l’islam sunnite. L’islam shî’ite est, lui aussi, caractérisé par un pluralisme doctrinal, composé de trois principales doctrines : le shi’isme duodécimain (12 imams dont le premier est Ali Ibn Abi Taleb) est religion d’État en Iran, le zaïdisme implanté essentiellement dans les montagnes du nord du Yémen, et le shi’isme ismaélien que l’on appelle parfois septimain (sept imams), doctrine de la dynastie fatimide (Xe – XIIe siècle).

Un islam asiatique, de loin majoritaire dans le monde avec des pays comme l’Indonésie, le Pakistan, la Malaisie, l’Inde, le Bangladesh…, présente des empreintes hindouistes. Un islam wahhabite marqué par les traditions bédouines de l’Arabie du WIIe siècle… Un islam des Balkans fortement marqué par les derviches, dont le maître éponyme est Hadj Bektachi (1209-1271) fondateur d’un ordre mystique plus proche de l’hétérodoxie que de l’orthodoxie de l’islam…

Ce survol de la diversité des rites, pratiques, interprétations… de l’islam aide à mieux comprendre combien la permanence de son appellation au singulier dissimule en réalité une grande hétérogénéité des contenus. L’unité dans l’aspect et variété dans les conceptions, interprétations et  pratiques. Le risque est grand de se laisser tromper par les mots. Les attentats qui ont ciblé la France et bien d’autres pays ont été commis au nom d’un type d’islam, l’islam salafiste et djihadiste, qui n’engagent que ceux qui se reconnaissent dans ce courant idéologique de l’islam, très loin de représenter les centaines de millions de Musulmans en France et dans le monde qui vivent leur religion comme source de piété, d’éthique et d’élévation spirituelle. 

Quant à l’islamophobie mobilisée par certains, signifiant la crainte irraisonnée ou la peur instinctive de l’islam, elle revient étrangement à associer l’islam à la phobie (un terme relevant du jargon de la psychiatrique), il s’agit d’un attelage baroque qui n’a aucun sens cohérent. La mobilisation de ce concept est tout simplement une mystification, car il dissimule en vérité une volonté de censurer le langage pour contrôler les esprits. Dans le contexte des débats passionnels sur l’islam en France, il vise à disqualifier toute personne s’opposant à la montée de l’islamisme, comme idéologie de conquête, de contrôle et d’asservissement.

L’islamophobie est utilisée comme un moyen d’intimidation, une manière d’empêcher toute critique des interprétations dévoyées et moyenâgeuses de l’islam en cours dans certains pays d’islam, au premier rang l’Arabie saoudite… Et quand des personnes de confession musulmane sont discriminées, et il y en a hélas, à l’instar de toute autre personne en raison de sa couleur de peau, sa religion, ses opinions…il existe bien un arsenal juridique, des avocats et des associations d’accompagnement qui permettent aux victimes de se défendre.

T. Khalfoune

 

Auteur
Tahar Khalfoune, juriste

 




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