29 mars 2024
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Femme et représentation politique : le mouvement populaire fait bouger les lignes

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Femme et représentation politique : le mouvement populaire fait bouger les lignes

Le mouvement populaire, qui bat le pavé depuis près de cinq mois pour réclamer l’instauration d’un Etat de droit que l’on n’a pas pu mettre en place depuis 57 ans, a puissamment mis au devant de la scène la femme algérienne, bariolant les rues de couleurs particulières- à commencer par les couleurs du drapeau national et de l’emblème amazigh-, animant les marches et les sit-in d’une ambiance festive et combative à la fois, par laquelle sont élégamment arborés le sourire, la détermination et l’espoir- et remettant une nouvelle fois sur la table la question de l’égalité des droits entre l’homme et la femme.

Et c’est à ce moment précis qu’une députée, issue de la perversion induite par la politique des quotas, s’en est prise à tout ce qui bouge, à savoir l’emblème amazigh, Djamila Bouhired et d’autres symboles encore de ce qui constitue encore la substantifique moelle de ce pays tant de fois meurtri, mais qui n’abdique pas.

Il est bien déplorable et mille fois dommageable que le débat sur la femme soit encore otage d’idéologies surannées, faisant que l’on plonge à pic dans des discussions byzantines, cela pour un peuple qui a donné Tin Hinan, Kahina, Fadhma n’Soumeur, Djamila Bouhired, Malika Gaïd, Zhor Zerrari, Assia Djebar, Taous Amrouche et tant d’autres filles dignes de l’Algérie. Aujourd’hui, elles sont journalistes, magistrates, avocates, professeures, agricultrices, officiers dans le corps de la police et de l’armée,…etc.

Ces avancées réelles, obtenues au prix de luttes héroïques, y compris pendant la décennie de terrorisme où des dizaines de femmes ont été assassinées, s’exposent au risque d’être voilées par un certain volontarisme de mauvais aloi, celui qui a instauré la politique des quotas dans les assemblées élues, ce qui a nous donne des élues de l’engeance de Naïma Salhi.

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On dit que la règle d’un quota de 33 % de femmes sur les listes électorales des partis qui se présentent aux élections a été réclamée par des associations féminines qui cherchaient à rehausser le niveau de représentation politique des femmes dans les assemblées. La revendication est, en soi, saine, et tous les démocrates et progressistes y adhèrent sans réserve. Mais, le résultat, on le voit, répond très peu à la problématique de la représentation politique de la femme, particulièrement lorsqu’on examine le niveau culturel, politique et professionnel d’un certain nombre de députées. On en est arrivé à ce que des journaux arabophones raillent de façon acerbe le Parlement en entier en le qualifiant de « parlement de coiffeuses » (balmane et haffaffat).

Ce travers et cette dérive du choix aveugle des candidates aux différentes élections- fait généralement à la dernière minute pour remplir la part féminine manquante dans la liste-ne devraient pas, bien entendu, nous amener à généraliser une si hideuse image. Au sein même de l’Apn et du Sénat, tant décriés dans le contexte du mouvement du Hirak, siègent des femmes de valeur, qui ont défendu la cause du peuple et qui ont porté le niveau de combativité à des sommets insoupçonnables.

Un Code la famille ou de l’« infamie » ?

Depuis qu’il a été promulgué- loi n°84-11 du 9 juin 1984, sous le parti unique- le code de la famille n’a pas laissé de nourrir controverses et polémiques, poussant les partis politiques qui allaient naître cinq ans plus tard à se positionner de façon déterminante sur le sujet. Ce dernier constituera même souvent une ligne de démarcation entre ceux qui se proclamaient de la démocratie et des valeurs de la république et ceux qui étaient classés parmi les conservateurs (islamistes et « barbéfélènes »). En réalité, la polémique et les litiges idéologiques ont été déjà traités, avant l’adoption de ce code par l’Assemblée mono-partisane, dans la rue par les organisations politiques clandestines et les organisations de la jeunesse.

La femme « mineure à vie » est, en vérité un statut qui cadre mal avec les avancées faite par la femme en Algérie, aussi bien dans l’accès à la scolarité et au travail que dans d’autres domaines de la vie domestique et professionnelle. Bien que la femme occupe des postes importants dans l’administration, la santé, l’éducation et dans d’autres domaines, le code de la famille renvoie tout cela à des virtualités.

Néanmoins, malgré les progrès réalisés en Algérie sur le plan de la scolarisation et de l’accès à l’Université, l’autre versant de la médaille est toujours là. Les rapports présentés et les débats qui se tiennent de façon régulière à l’occasion de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, le 25 novembre de chaque année, nous ramènent immanquablement à notre situation prosaïque, celle où des femmes continuent à coltiner le poids d’un conservatisme désuet, où la violence contre la femme demeure malheureusement une réalité, particulièrement dans certaines régions rurales et même dans des quartiers urbains.

La femme et le monde de la politique par-delà les quotas

La promotion de la femme- sous les « libellés » de parité hommes/femmes ou de « promotion du genre »- demeure une problématique fondamentale qui conditionne tout le processus de la construction de l’Etat et de la marche vers le progrès politique, culturel, économique et social du pays. C’est un processus global et intégré où interviennent l’école, l’Université, le monde de l’entreprise, les institutions administratives et politiques, les politiques sectorielles et, bien entendu, la volonté politique à travers une législation à la hauteur de l’histoire de l’Algérien, des luttes du peuple algérien pour ses libertés et des défis économiques et culturels majeurs qui se posent aux Algériens et Algériennes sans distinction de sexe.

Le procédé des quotas dans la représentation politique a vite montré ses limites, comme l’appréhendaient plusieurs analystes dès la mise en œuvre de cette mesure. Car, rarement une politique des quotas peut rimer avec compétence. Certains des griefs adressés à la composante féminine de l’APN ne sont pas totalement infondés.

La participation féminine à la vie politique du pays est ainsi appréhendée en termes purement statistiques auxquels devront satisfaire les partis politiques entrant dans la course électorale. Pour n’avoir pas pu « recruter » des femmes dans leur formation, plusieurs partis s’étaient vus exclus de la compétition sur la base du non respect du quota réservé aux femmes.

Signe des temps, l’on a très peu entendu les associations féminines commenter, critiquer ou remettre en cause la politique des quotas féminins Déjà que le classique débat de la participation de la femme à la vie économique du pays et de l’égalité des chances revendiquée pour les deux sexes dans le cadre de la vie institutionnelle et administrative du pays, peine à s’acheminer vers des résultats probants, il est pour le moins aléatoire de pouvoir s’engager dans le débat sur une expérience aux résultats fort mitigés.

Dans l’aire même- dans les pays occidentaux- où des progrès inhérents à la promotion du statut de la femme sont considérés comme les plus avancés, des mouvements féministes, des intellectuels et d’autres forces sociales jugent que la discrimination est toujours de mise et que l’égalité entre l’homme et la femme reste encore à conquérir. Pour cette nouvelle entreprise tendant à mieux faire avancer la cause des femmes, un nouveau concept a été introduit dans la littérature politique depuis les années quatre-vingt-dix du siècle dernier. Il s’agit de la parité hommes-femmes.

Face aux différentes résistances des milieux conservateurs-conservatisme social, politique et culturel-, la nouvelle avant-garde de la lutte des femmes n’hésite pas à faire sienne la conception des quotas bien que celle-ci ne reflète pas un quelconque progrès culturel au sein de la société.

Est-ce là un nouveau «despotisme éclairé » appelé à faire tâche d’huile pour aller investir le mouvement des luttes féminines dans les pays du Sud ? Tout en travaillant sur le front de la sensibilisation de la société à la nécessité de faire porter la femme, par le moyen des élections, aux postes de responsabilité politique, le mouvement féministe dans ces pays tente de faire valoir aussi l’idée de quotas de femmes qui siègeraient dans les partis politiques, les associations, les assemblées élues,…etc.

Et la réponse est venue de la rue

Par-delà ce débat qui a lieu sur les pages de journaux, dans les cénacles universitaires ou d’autres milieux avant-gardistes, une grande partie des femmes de l’arrière-pays, dans la campagne et dans les zones montagneuses, particulièrement dans des pays culturellement sous-développés, demeure singulièrement à la marge. En effet, les discussions et les revendications étaient, jusqu’à un passé récent, limitées à l’environnement urbain avec les thèmes qui lui sont spécifiques : la femme au chômage, la femme à l’usine, dans l’administration ou dans les autres services (école, santé,…), les discriminations salariales basées sur des considérations sexistes, l’accès des jeunes filles à l’école et à l’université, le harcèlement sexuel,…

Le débat a évidemment touché notre pays. Mais, il est quelque peu partiel, voire élitiste. Les populations de l’arrière-pays de la montagne et de la steppe risquent de le prendre pour une « coquetterie intellectuelle » déculpabilisante que l’on convoque cérémonieusement pendant des festivités ou occasions telles la Journée internationale de la femme ou la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Il s’agit de prendre la problématique de la promotion de la femme dans sa globalité : ville/campagne, étudiante-fonctionnaire/femme au foyer,…etc.

Dans le fond, la lutte pour la libération de la femme et la promotion de sa place dans la société participe de la même philosophie de la libération sociale, que cela se passe dans la ville ou à la campagne ; libération sociale que les excès du capitalisme du 19ème siècle ont d’abord permis de cristalliser autour de la condition ouvrière par le moyens de syndicats, d’associations et de partis politiques.

Imparablement, avec le mouvement populaire qui ne perd pas de sa combativité, la question de la participation de la femme à la vie politique a trouvé sa réponse sur la chaussée même qui supporte des millions de manifestants à travers toute l’Algérie : le mardi, pour les étudiants et étudiantes, et le vendredi pour l’ensemble de la population. Dans une communion exceptionnelle, les hommes et les femmes d’Algérie, à travers les différents slogans et mots d’ordre arborés et à travers les cris qui fusent dans le ciel, expriment le même besoin de libération et d’accès à la citoyenneté.

Auteur
Amar Naït Messaoud, journaliste

 




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