19 avril 2024
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France-Algérie : « Les Etats fouillent les tombes, les peuples s’y projettent … »

TRIBUNE

France-Algérie : « Les Etats fouillent les tombes, les peuples s’y projettent … »

Dans les bouleversements qu’a connus la société algérienne colonisée puis décolonisée, on insiste toujours sur les conséquences de la colonisation rarement sur la phase de décolonisation.

Avec la colonisation, l’Algérie s’est trouvée défigurée urbanisée au nord sans industrie créatrice d’emplois, concentrée sur la bande côtière sans agriculture vivrière, centralisée dans la décision, dédaignant la population autochtone, et tournée vers la métropole par l’exportation des hydrocarbures et ouverte à l’importation de produits de subsistance. Ce schéma d’aménagement du territoire initié par de Gaulle dans sa politique de pacification sera poursuivi et amplifié par l’Algérie indépendante dans sa politique d’industrialisation et d’urbanisation à marche forcée. La concentration des populations dans des villes construites sur une fracture sismique dont les conséquences sont dramatiques laissant en abandon les hauts-plateaux plus appropriés à la construction de villes nouvelles y compris la capitale.

La reprise du plan de Constantine en est la preuve évidente. Industrialiser la bande côtière cultivable relativement bien arrosée et se rapprocher de la métropole pour remplir son couffin. Le regroupement des populations dans les villes permettant de mieux les contrôler en est un autre exemple. Le transfert du pouvoir perpétuait indirectement le système de dépendance économique et culturelle vis-à-vis de la métropole. Il s’agissait pour la France d’imposer à l’Algérie indépendante un ordre politique et juridique qui garantisse la prééminence de ses intérêts stratégiques. On peut dire qu’elle a réussi admirablement son pari.

En imposant des institutions dont la logique de fonctionnement était radicalement opposée à celle de la société algérienne, et en refoulant l’islam dans le domaine privé pour en faire une valeur refuge des déshérités, le colonisateur préparait en fait la société postcoloniale à l’échec de la modernisation. Une modernisation menée par l’Etat post colonial sans mobilisation de la nation dans la création de richesses et sans sa participation dans la prise de décision.

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Le nationalisme s’est révélé qu’un acte illusoire de souveraineté. L’indépendance politique n’avait pas suffi à elle seule à briser les liens de dépendance tissés à travers 132 ans de colonisation. L’Etat centraliste et ostentatoire dérivé du modèle colonial a suscité le régionalisme, les dérives de l’intégrisme de ceux qu’il enferme dans un nationalisme formel et dans un rituel religieux sans esprit novateur. Si la recherche de l’indépendance fût un principe légitime, les pouvoirs mis en place n’ont pas toujours respecté les aspirations populaires qu’elles impliquaient. Ce n’est pas propre à l’Algérie.

La décolonisation de l’Afrique du nord a donné naissance à des entités étatiques artificielles dominées par des régimes politiques autocratiques et despotiques sans légitimité historique ou démocratique qu’ils soient monarchiques, militaires, ou policier veillant jalousement sur leurs frontières c’est-à-dire leur espace de domination politique, économique et culturelle. L’Algérie et la France vivent le passé au présent, elles en sont malades, d’une maladie qui semble incurable.

L’Algérie et la France se sont décidés enfin à regarder ce passé ensemble pour exorciser les démons qui les habitent. Il s’agit de sortir de la prison du passé et d’engager les relations sur la route de l’avenir. Un avenir hors de tous réseaux occultes dont les jeunes font les frais. Les algériens au milieu de la méditerranée, les français dans les rangs du terrorisme international produit des oligarchies financières qui avancent masquées dans un monde sans état d’âme où l’argent sale coule à flots’. En fait, il s’agissait pour la France  d’imposer à l’Algérie indépendante un ordre politique et juridique qui garantisse la prééminence de ses intérêts stratégiques.

C’est pourquoi, le rapport entre contestation et répression, domination et émancipation est récurrent en Algérie. Dans la tourmente qui enfante de nouvelles sociétés ou qui les étouffe dans l’œuf, les situations semblables créent des jugements semblables. L’obstination de la France coloniale a produit le FLN, l’intransigeance du FLN au pouvoir a donné naissance au FIS. L’islam est un refuge pour les déshérités, un instrument de mobilisation  des masses pour les révolutionnaires et une menace permanente pour l’hégémonie occidentale. Pour les dirigeants nationalistes algériens, une fois l’indépendance acquise, l’islam devait céder la place au socialisme « matérialiste » tout en décrétant l’islam religion de l’Etat et les frais de fonctionnement des mosquées prises en charge par l’Etat. Hier, le colonisateur proposait aux musulmans la citoyenneté française contre le renoncement à l’islam. Le pouvoir algérien suggère implicitement aux « islamistes » de participer au gouvernement contre une mise en sourdine de la « charia ».

En traitant les « autochtones » de « bougnols », des « moins que rien », (fainéants-nés, des voleurs-nés, des criminels-nés, des menteurs-nés), la France a fait de l’humiliation et de la soumission des techniques de maintien de l’ordre colonial. Le régime politique algérien n’a-t-il pas institué le mépris et l’arrogance comme mode de gouvernance ? Sur un autre plan, la disproportion des moyens de répression mobilisés ne vise telle pas qu’à humilier et à soumettre une population de plus en plus rebelle à l’ordre établi. L’histoire se répète, les mêmes causes produisant toujours les mêmes effets. « L’histoire est terrible avec les hommes et d’abord elle leur bande les yeux en leur faisant croire que le pire n’est pas pour eux ». Le colonialisme a atteint ses objectifs. Il nous a détournés de la voie droite.

On rêve de l’ailleurs. 1830, les Français débarquèrent en Algérie pour l’occuper. 2030, les Algériens embarquèrent pour la retrouver. L’histoire est pleine de surprises. Hier envahisseurs, aujourd’hui envahis, les pays dits «d’accueil » ont essayé toutes les politiques que ce soit de cohabitation, d’assimilation ou d’intégration, aucune n’a réussie.

Alors, ils se retournent vers les Etats post coloniaux pour leur ordonner de constituer une « ceinture de sécurité » de l’Europe menacée par un flux migratoire incontrôlé. Une émigration encouragée par une répression aveugle des autorités et l’absence de perspectives pour une jeunesse désœuvrée. Le mouvement migratoire des peuples est un phénomène marquant de ce XXIème siècle. C’est une revanche de l’histoire des africains dépouillés injustement de leurs richesses naturelles par l’occident triomphant en perte de vitesse vivant de son passé « peu glorieux », d’un présent tumultueux et pour un avenir incertain. Des populations à la recherche d’une liberté illusoire et d’un bonheur hypothétique fuyant les interdits de la religion, de la politique et de la pauvreté. Mais, une fois en contact avec la dure réalité de la société d’accueil et des valeurs qui la sous-tendent, ils deviennent nostalgiques en se chuchotant à l’oreille (pour que les compatriotes restés au bled ne les entendent pas) : « loin de toi je languis, près de toi je meurs ».

La France est incrustée dans notre cerveau sclérosé, l’Algérie est vivante dans leur mémoire agitée. Au débarquement des troupes françaises, les premières à s’habiller à la française sont des prostituées algériennes. Elles seront les premières indigènes à être infectées de la maladie de la syphilis transmise par les soldats français. Ironie de l’histoire, des familles entières envoûtées par l’image et le son, se jettent à corps perdus dans la méditerranée en brûlant au passage leur « nationalité algérienne » pour rejoindre la France que leurs parents ont combattue. Les martyrs n’ont qu’à se retourner dans leurs tombes.

La colonisation française a débuté avec le pillage du Trésor d’Alger (La Régence), l’indépendance a commencé avec la disparition des fonds et des bijoux collectés au titre de la Caisse de solidarité nationale sous prétexte de renflouer le trésor public pour finir par la dilapidation et le détournement de mille milliards de revenus pétroliers et gaziers par les gouvernants condamnant leur propre peuple à une pauvreté certaine. L’ordre colonial français fût une occupation du territoire par « l’épée et la charrue » ; l’ordre étatique algérien serait une appropriation privative du sol et du sous-sol algériens par les  «textes et le fusil». Si la violence exercée par la colonisation était légitimée par la mission « civilisatrice » de la France, la violence légale de l’Etat algérien s’effectue au nom du « développement ».

La révolution algérienne qui a démarré avec la mort d’un instituteur français tué par le FLN dans les Aurès s’est terminée avec l’assassinat d’un instituteur algérien par l’OAS en Kabylie.

C’est là tout un symbole. Les régimes déclinants résistent à la critique verbale. « La force de l’histoire contre la force des armes ». L’enjeu des pouvoirs colonial et post colonial n’est en vérité que la soumission de l’homme à l’ordre établi c’est-à-dire l’acceptation de son statut de sujet par le « bâton » (la répression) et/ou la « carotte » (la corruption). Les dirigeants successifs, dans leurs délires, se déclarant être « l’incarnation du peuple » ; considèrent l’Algérie décolonisée comme un « butin de guerre » à se partager et la population comme un troupeau de moutons à qui on a confié la garde.

Tantôt, le berger les amène à l’abattoir, tantôt aux pâturages selon les circonstances du moment et les vœux du propriétaire. La France est partie mais ses intérêts sont préservés. L’élite dirigeante va reproduire les méthodes du colonisateur et parachever sa politique  économique et sociale Cette gestion autocratique, anarchique et irresponsable de la société et des ressources du pays n’est nous semble-t-il pas étrangère à l’influence et l’attraction de la France sur/par les « élites cooptées » du pays, aujourd’hui vieillissantes pour la plupart, maintenue en activité malgré leur âge avancé et pour la plupart finissent presque tous dans un lit d’hôpital parisien entre les bras de « notre mère patrie la France ».

Elle s’insère parfaitement dans la stratégie de décolonisation du général De Gaulle, engagée dès 1958 à son retour au pouvoir et parachevée en 1962 par la signature des accords d’Evian dont la partie la plus secrète a été semble-t-il largement exécutée. Elle a permis à la France d’accéder à la pleine reconnaissance internationale en tant que grande nation (indépendance énergétique), à l’unité nationale retrouvée (menace guerre civile évitée) et au rang de puissance nucléaire (premiers essais concluants au Sahara) et a miné l’Algérie post coloniale par la dépendance économique (viticulture, hydrocarbures, importations), par la division culturelle (langue, religion, ethnie), et par l’émergence d’un régime militaire autoritaire peu soucieux des intérêts de la majorité de la population.

En imposant un schéma institutionnel dont la logique de fonctionnement était radicalement opposée à celle de la société indigène, et un modèle économique, étranger aux réalités locales, le colonisateur préparait en fait la société postcoloniale à l’échec de la modernisation politique et du développement économique. Sur le plan économique, le colonisateur français avait orienté la production de ses « ex colonies » vers l’extraction des matières premières et leur acheminement vers l’industrie française. Il avait également limité le développement des industries manufacturières des pays colonisés afin de faciliter la vente des produits manufacturés français vers ses « ex colonies ». Sur le plan agricole, les cultures vivrières tournées vers les besoins des populations autochtones (économie de subsistance), avaient été abandonnées et remplacées par  les cultures spéculatives destinées à la métropole (vins, tabacs, agrumes etc.).

L’héritage colonial a placé les dirigeants algériens devant plusieurs stratégies théoriquement possibles mais pratiquement explosives, eu égard au contexte historique de l’époque : accepter l’héritage et poursuivre la voie tracée par le colonisateur français c’est-à-dire poursuivre la voie capitaliste ; contester son héritage et emprunter à titre transitoire une voie non capitaliste, refuser l’héritage colonial et s’engager dans la voie de la construction du socialisme selon le modèle marxiste-léniniste ; accepter l’héritage sous forme d’inventaire et s’efforcer de chercher une troisième voie à mi-chemin entre le capitalisme et le socialisme ; il est clair que le socialisme eu égard au contexte historique de l’époque était une référence quasi obligée du discours des gouvernants. Cela s’explique aisément un régime dictatorial dépourvu de toute légitimité propre ne peut durer qu’en recherchant le soutien populaire. Et il ne peut le faire que de deux manières soit en mettant l’accent sur l’islam, soit en se réclamant du socialisme.

Pour les dirigeants algériens, une fois la souveraineté retrouvée, l’islam devait s’effacer de la scène politique, et céder la place aux idéologies nationalistes (panarabisme nassérien) et matérialistes (autogestion yougoslave et socialisme soviétique) qui ont trouvé en Algérie un terrain propice à leur expansion. C’est dans cette situation géopolitique (guerre froide entre les deux superpuissances USA-URSS, montée en puissance du panarabisme arabe, accélération de la décolonisation, mouvement des non-alignés, tiers-mondisme en vogue etc.) bien particulière qu’un Etat militaro-rentier a vu le jour. Il va s’appuyer dans un premier temps sur l’accaparement des biens abandonnés par les colons  déclarés « biens vacants » c’est à dire propriété de l’Etat (terres, usines, commerce, biens immobiliers) et dans un deuxième temps sur la nationalisation des hydrocarbures qui consiste dans le transfert de la propriété des gisements pétroliers et gaziers à l’Etat algérien c’est-à-dire pratiquement aux détenteurs du pouvoir.

Les Algériens ont été formatés par la colonisation pour s’autodétruire en se dressant les uns contre les autres selon la vieille formule « diviser pour régner » qui a fait l’ascendance et la prospérité de l’occident et le déclin et l’atomisation du monde arabo-musulman. Face aux Etats continents (USA, Chine,  Indes, Brésil, Europe), les micro-Etats de l’Afrique et du Moyen Orient s’inclinent et n’opposent aucune résistance devant le pillage de leurs ressources non renouvelables et se montrent par contre arrogants et méprisants à l’égard de leurs propres peuples.

A la fin du XXème siècle, les macro-Etats détruisaient le mur de Berlin et savourent aujourd’hui la paix retrouvée. Au XXIème siècle, les micro-Etats dressent des murs entre les peuples et rivalisent en armement pour s’opposer les uns aux autres au profit des intérêts étrangers. Pourtant, toutes les frontières sont aberrantes et artificielles mais aucun chef d’Etat arabe et africain ne veut remettre en cause les frontières héritées de la colonisation, chacun tient à sa petite épicerie qu’il veut protéger des supermarchés.

Le Maghreb des peuples est une donnée sociologique indéniable et les Etats Unis d’Afrique, une voie salutaire à l’émancipation des peuples par la disparition des micro-Etats africains qui font le lit des intérêts occidentaux. Malheureusement trop de murs séparent les peuples, trop d’hommes de pouvoir s’y éternisent et très peu d’hommes d’Etat émergent dans ce monde de faucons où l’hirondelle ne fait pas le printemps. Hier, c’était l’Algérie rurale qui affrontait l’Algérie européenne ; aujourd’hui, c’est l’Algérie indépendante qui enterre l’Algérie rurale. Soixante ans après la question récurrente « où va l’Algérie ? Question subsidiaire, Qu’est-ce que l’indépendance d’un pays ?  Est-ce la continuité, la rupture ou le legs de l’Etat colonial, un butin à partager ou une responsabilité à assumer ?

Pour l’élite dirigeante issue du mouvement de libération, l’indépendance est perçue  comme un butin de guerre à partager et non comme une responsabilité à assume. Un système de gouvernance fondé sur un double monopole ; celui de la violence légale et celui de l’argent facile. Une indépendance à deux visages : celle des héritiers de l’Algérie de la France et celle des laissés pour compte de l’Algérie sans la France ? Si on remonte dans l’histoire l’Algérie ancestrale s’insère dans un ensemble géographiquement plus vaste plus prometteur qu’est le Maghreb qui s’étend du Maroc jusqu’en Lybie et historiquement plus lointain remontant aux phéniciens, aux romains, aux arabes et aux turcs. Les pays de la région ont tourné le dos à leur passé ancestral commun et veille à l’intégrité géographique présente dans un contexte géostratégique explosive. « Quand deux éléphants se battent c’est l’herbe qui souffre ». Nous manquons de maturité et de discernement.

Pris dans le tourbillon infernal de l’argent facile du pétrole et du gaz, nous sommes devenus ivres. Nous sommes un peuple puéril, nous attendons tout de l’Etat que nous savons entre des mains privées. Nous voulons des voitures et nous n’en fabriquons pas, nous voulons des logements et nous n’en construisons pas, nous voulons du pain et nous ne produisons pas de blé. Nous tournons le dos au pays pour scruter de nouveaux horizons. Qui tient les cordons de la bourse tient le peuple : « Donnes lui le pain, tu en feras ton esclave, donnes lui la liberté, tu en feras ton maître. Ne lui donnes ni pain, ni liberté, tu en feras ton bourreau ; donnes-lui la liberté et le pain, il fera de toi un prophète ». Le pain sans la liberté, c’est la prison, la liberté sans le pain, c’est la jungle, trop de pain corrompt, trop de liberté divise. Qui tient le fusil, tient en respect le peuple. La politique de la « carotte et du bâton ».

L’argent et le fusil sont les deux leviers du pouvoir.  Pour s’en servir, la ruse ne suffit plus, il faut faire appel à l’intelligence. Ce n’est pas l’argent qui produit de l’intelligence mais bien l’inverse. Un Etat militaro-rentier se comporte à l’égard de la population comme ce père de famille, vis-à-vis de sa femme et de ses enfants. Un père riche d’un héritage qui ne lui appartient pas en propre menant un train de vie royal entouré de ses amis et de ses maîtresses laissant sa femme et ses enfants dans le dénuement le plus total. Nous manquons de maturité et de discernement.

Tant qu’il s’agissait de distribuer la rente pétrolière, l’élite dirigeante issue du mouvement de libération nationale pouvait jouer un rôle somme tout acceptable mais dès qu’il s’agissait de mettre les gens au travail, elle s’est avérée inapte parce que discrédité moralement et professionnellement. La France n’est pas venue en Algérie pour la civiliser mais pour la militariser. L’Algérie a été conquise par les armes et libérée par les armes. C’est « la sacralisation des armes ».

Les militaires français seront les premiers colons qui vont s’emparer des terres fertiles et soumettre les populations autochtones. Le départ des troupes françaises et l’exode des fonctionnaires vont créer un vide de la puissance publique et de l’administration. Comme la nature a horreur du vide ; il va être comblé par l’armée des frontières (le maquis intérieur étant décimé du moins épuisé) devenue l’armée nationale populaire et les résidus de l’administration coloniale. Ils seront l’ossature du nouvel Etat post colonial. Continuité ou discontinuité ? La mémoire est en France, le corps est en Afrique. L’Algérie souveraine sera finalement qu’un drapeau planté sur un puits de pétrole.

Pour le gouvernement algérien après le pétrole c’est toujours du pétrole. Pour la France, elle ne peut se permettre le luxe d’ignorer le gaz de schiste. L’Algérie de 2020 n’est pas celle de 1830. 

Le jeune Algérien qui n’a pas connu la France coloniale, la guerre fratricide des années 90, la corruption massive des années fric, la France des émigrée des émigrés et des « sans papier », s’interroge : « Qu’est-ce que la France, je vous le demande ? Un coq sur un fumier. Otez le fumier, le coq meurt » lui répond  Jean Cocteau sur un simple clic, Il fait bon vivre à l’ombre des dictatures africaines déroulant le tapis rouge au pillage des ressources que recèlent le sol et le sous-sol condamnant leur population à une pauvreté certaine et à un avenir incertain. Le Covid-19 a dénudé les Etats et a révélé la nullité des élites. Une révolution est en marche. Elle est jeune, belle et paisible. C’est une génération 2.0, une génération du troisième millénaire. Une génération qui s’inscrit dans le mouvement de l’histoire. Malheureusement, la roue avance, son centre ne bouge pas. Bousculées dans leurs habitudes, les vieilles élites dirigeantes africaines jettent ce cri de détresse plein d’amertume « l’avenir nous tourmente, le passé nous retient, c’est pour ça que le présent nous échappe » estime Gustave Flaubert. 

Les services secrets français ont joué un rôle important dans cette transition postcoloniale. Ce n’est pas un pur hasard que la plupart des ambassadeurs qui sont passés par Alger se retrouvent le plus souvent à la tête de ces services.

Aujourd’hui, la France a-t-elle perdu pied en Algérie pour que son ambassadeur déclare avoir été surpris par le peuple algérien ? Depuis quand le peuple algérien fait partie de l’équation politique de la France ? « En politique, trahison, lâcheté, et hypocrisie sont des religions, c’est pour cela que nous avons de mauvais gouvernants » nous apprend Laurent Denancy  Déçu par tant de forfaitures et de trahisons, le peuple a tourné le dos aux élites et a décidé de prendre en charge lui-même son destin en mains. Il se méfie de tout, de tous. Il a placé sa confiance en Allah sans passer par des intermédiaires, Allah suffit comme protecteur. Hier « un seul héros le peuple », aujourd’hui « un seul sauveur le peuple ».

N’en déplaise à certains nostalgiques d’un passé révolu immédiat et lointain. Mitterrand clamait du haut de son perchoir « un dictateur n’a pas de concurrent à sa taille tant que le peuple ne relève pas le défi. Que la France de Mitterrand sache que le peuple algérien relève le défi pacifiquement, les mains nues et le sourire aux lèvres. Hommes, femmes et enfants battent le pavé réclamant l’indépendance qui leur a été confisquée en 1962. Il a mis fin à vingt ans d’humiliation et de despotisme sans verser une goutte de sang et sans casser une seule lampe.

Les années 90 sont présentes dans nos mémoires respectives des deux côtés de la méditerranée (la bleuïte de triste mémoire). Le peuple algérien n’est pas un peuple guerrier, il n’a envahi aucun territoire, ni agressé aucun peuple, la violence n’est pas inscrite dans ses gènes, c’est un virus que la France coloniale a injecté sur son corps innocent. Qui ignore la guerre de « cent ans ». Certainement pas la France et encore moins l’Angleterre. Le peuple algérien est un peuple rebelle mais fier. Ce qui le caractérise, c’est sa patience, son pacifisme et sa résilience : « Selmia, selmia » sont ses mots d’ordre. Un vent nouveau souffle, il balaie tous les détritus sur son passage pour faire place nette aux nouvelles générations. Une révolution est en marche, Elle est pacifique, sereine, le sourire aux lèvres. Elle marche avec ses deux pieds : un pied droit et un pied gauche, l’homme et la femme, le lettré et l’illettré, le jeune et le vieux, l’ancien et le nouveau, le riche et le pauvre, le résident et le non résident, tous les peuples sont concernés, tous les Etats sont visés. Un nouveau monde s’annonce. Il est plein d’espoir.

Le Hirak n’est pas sorti n’est pas sorti des officines ou des laboratoires mais des stades, des lieux de compétition par excellence où c’est le meilleur qui gagne et non le joueur le plus fort, le club  le plus riche ou le défenseur le plus violent mais le plus intelligent, le plus adroit et le plus fairplay. « Un  homme inintelligent ou simplement lent dans sa compréhension ne sera jamais un bon footballeur ». La France a eu Zidane, elle a remporté la coupe du monde. C’est de la connaissance du passé que se construit l’avenir.

Auteur
Dr A. Boumezrag

 




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