17 avril 2024
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Sport en Algérie : que faire de Djebelia et d’El-Ouafi ?

El Ouafi
El Ouafi

Bien avant la Mouloudia d’Alger, il y a eu le Football Club Musulman Mostaganémois (FCMM) qui, en janvier 1917, avait battu L’Idéal Sport de Mostaganem 3 buts à 1 sur le terrain de Tigdilt. Mais le sport en Algérie ne s’est jamais limité au seul ballon rond, il y a eu bien d’autres disciplines qui ont laissé bien des noms célèbres. Malheureusement des Algériens tombés trop vite dans les méandres de la mémoire nationaliste et chauvine.

Loin de la boxe aujourd’hui en voie de disparition et l’affairisme clubiste, il y a bien avant 1914, quelques noms d’Algériens en waterpolo tels que M. Belhadj  du CS Constantine et l’international classe B, G. Taïeb du CN Tlemcénien. N’est-ce pas qu’en 1917, c’est Ben Siam, de la Fédération des Elus musulmans et proche de l’émir Khaled qui créa la première société algérienne de tennis le « Palace Tennis » dont l’histoire reste à écrire.

Tout comme celle des premiers arbitres de foot algérien, tel que M. Arezki qui a arbitré le match Gallia Sport d’Alger contre le Football Club  Blidéen en 1917 ou encore Hadj-Moussa qui a arbitré à titre d’exemple, le match du Red Star Algérois contre l’AS Boufarikois, des arbitres jugés en leur temps comme impartiaux et d’une éthique exemplaire.

Le Sport Athlétique de 1912 nous informe qu’à l’occasion du 14 juillet de la même année, un Bouchentouf du Musulman Club de Tlemcen avait eu le 1er prix à la course des 100 mètres de le 3e prix dans celle des 1500 mètres. Et qu’en préparatif au championnat international au cross-country d’Edimbourg (Ecosse) qui a eu lieu le 30 mars 1912 et regroupant l’Angleterre, l’Ecosse, l’Irlande, le Pays de Galles et la France, un certain Ahmed Djebelia du Massilia-Club de Marseille venait d’être sélectionné pour y participer. Lui qui était déjà champion d’Algérie, est Tunisien de naissance (Bizerte, 6 août 1893), mais sportivement adopté par l’Algérie. Il décédera durant en octobre 1967 à Brighton (Angleterre) sous le double prénom d’Ahmed-Abel, lui, qui fut aussi dès juillet 1940 membre actif de la France-Libre.

Djebelia qui a bien fait le bonheur de l’Algérie puisque la presse française et internationale de l’époque le désignait comme tel, il fut l’un des plus grands marathoniens algériens par excellence. Au mois d’avril 1912, L’Echo Sportif l’évoque en tant que champion d’Algérie de la course à pied, il a été sélectionné comme représentant des couleurs françaises aux Jeux olympiques de Stockholm (Suède) et « il est bien arrivé en bonne posture aux côtés de Poutex, champion français du littoral, de Giovanni, champion italien et Arlo, le champion  de Milan », et que tous étaient bien derrière le favori de la discipline de l’époque Jean Bouin et son écrasante supériorité. Le même Jean Bouin du Club Athlétique de la Société Générale faisait partie des 09 athlètes français participant à l’épreuve d’Edimbourg, alors que Ahmed Djebelia n’a été inscrit qu’entre les 6 remplaçants à l’épreuve.

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Ahmed Djebelia est bien plus qu’extraordinaire (La Dépêche, du 6/7/1914), il confirme que l’Algérie, en ce début du XXe siècle, est une véritable pépinière d’athlètes. Djebelia « travaille dans un bureau de quatre heures du matin à sept heures du soir et s’est entrainé de nuit pour le marathon », celui de Londres bien sûr qui aura lieu au mois de novembre 1914 où il réussit à prendre la 1re place avec une très grande avance sur l’important lot de participants étrangers représentants 43 nations. Le départ du marathon anglais a été donné par le roi Georges V d’Angleterre, en présence de plusieurs membres de la famille royale. Le roi qui tenait à être tenu au courant des péripéties de la course, fini par recevoir le vainqueur algérien, qui fut le premier « indigène » depuis 1909, date du lancement de la compétition, à gagner un tel marathon et le second étranger à être reçu par la famille royale après un Suédois en 1913.

Ce qu’il faut signaler c’est que durant ce même marathon, il y eu un second algérien qui se classera 6e dans la course. Un marchand de journaux à l’origine : il est question de Mouloud Ahmed (né en 1897) appartenant au Racing-Club d’Alger. Mouloud courait dès l’âge de 15 ans et sera choisi par l’Union Sportive Française des Sports Athlétiques (USFSA), un organisme que dirigeait le Ministère de la Guerre et de la marine, et lors des éliminatoires organisés par le journal L’Auto-Vélo, Mouloud réussit à prendre la 1ère place, c’est ce qui lui a permis d’être à Londres. Entre l’épreuve du classement et le marathon londonien, nos deux Algériens n’avaient que 6 jours d’intervalle, « se classer, second dans le premier et premier dans le second est une performance pédestre que pourraient réaliser bien peu de nos meilleurs spécialistes français » », écrivait L’Ouest-Eclair du 15 novembre 1914. Ils étaient tout simplement doués d’une remarquable résistance bien algérienne face à la colonisation.

Bien avant Mouloud et Djebelia, c’est en 1906 que nous voyons apparaître des noms d’Algériens lors de cette course d’Escalier de Joinville, sise à la rue d’Isly et cela dès le mois de janvier.

Au mois d’avril de la même année, le nom d’Arbidi apparaît comme second athlète dans l’histoire sportive algérienne, avant lui un dénommé Allal fut bien le premier nom à être mis en exergue et dont nous ignorons presque tout de ce noble personnage. Arbidi appartenait à l’Association Sportive Montpensier (ASM) et fut champion de France du cross-country et qui a même participé à l’épreuve d’Edimbourg et dont le public de l’époque garde une participation bien marquante, selon L’Echo d’Alger du 8/4/1906.

En 1912, Arbidi se classa à moins d’une minute du vainqueur du Tour d’Alger et le vainqueur n’était autre que le fameux Allal du Gallia Sport Algérois, qui a mis 1 heure 2 minutes afin de faire un tour de 17 km. A ses côtés, il y avait aussi les frères Essafari ou Safari, à savoir Mouloud et Rabah, de l’ASA club et Abdallah « jeune » du Red-Star.

Mais qu’ont-ils gagné en réalité ? Selon la presse coloniale, « une plaquette en bronze grand module et un diplôme du journal L’Auto-Vélo, pour Mouloud Ahmed ; une paire de chaussures en caoutchouc de la Maison Pierre Elims de Paris et une médaille vieil argent, offerte par le journal L’Algérie Sportive enfin un diplôme (Rabah Essafari) ; une médaille offerte par M. Henry Delaporte et un diplôme du même journal pour Abdallah « jeune ».

C’est toute la politesse coloniale pour la galerie indigène du maire d’Alger, M. de Galland ! Allel disparaît du viseur athlétique après avoir obtenu la 7e place dans la course à pied du Prix Lemonier en janvier 1914 où Djebelia est arrivé 16e, ouvrant la voie aux frères Attig (Amar et Brahim), à Belaïd Saïd, Benchaoui Saïd, Lounès Khalfaoui, Sabaoui Mohamed et bien d’autres. Ils étaient 50 athlètes algériens à avoir marqué l’athlétisme en 1932.

En 1925, ils étaient 52 Algériens à marquer les compétitions sportives tant dans la colonie Algérie qu’à l’étranger. Mieux encore, l’athlète Attig Brahim est encore cité lors de la compétition de tir de 15 mètres sur appui en août 1941 durant le tir sportif du Groupe sportif de La Redoute aux côtés de Rabah Boudisah, Bouchaoui Mouloud et Turki Sliman.

Il est vrai que « les Arabes furent de tout temps de grands coureurs de fond. Ils suivaient leurs chameaux dont le pas est vif, pendant des journées entières. Aujourd’hui, nous avons remplacé les chameaux par les chemins de fer. Les Arabes en sont réduits à courir en piste, et c’est le renom de la plus grande France qui en profite ! », pouvons-nous lire dans La Dépêche du 6/7/1914.

Un mois auparavant de la même année, Ahmed Djebelia déclarait à La Presse Sportive du 25/6/1914, accompagnant ses propos avec sa signature à la Une du canard, que : « Je suis heureux d’avoir fait triompher la France en Angleterre, et si l’on voulait, l’Afrique française deviendrait la grande pépinière de coureurs et de champions ».

Mais la France ne voulait pas d’eux. Arbidi, cet international de cross-country avant 1914, meurt à Marseille dans une misère extrême. Djebelia après avoir quitté la France pour s’installer en Angleterre finit par être un barman après avoir pris le prénom d’Abel en tant que « sujet » de Sa Majesté.

Pire encore, l’histoire de l’enfant d’Ouled-Djellal, Louafi Ben Abdelbaki Boughera dit El-Ouafi, né en 1903 selon son état-civil, sera assassiné lors d’une fusillade attribuée aux éléments du FLN le 18 octobre 1959, après être devenu « bistrot-hotelier » dans le quartier de la Gare parisien bien avant qu’il ne succombe dans une totale misère. El-Ouafi, un champion olympique qui brilla à Amsterdam et disputant en 1928, une course de cross-country à Tilska (Oklahoma) face au « bulldozer » américain, Andrey Payne (1907-1977), ce vainqueur de la course Transcontinentale américaine entre Los-Angeles et New-York, alors que devant le fennec des Ouled- Djellal il ne faisait que le figurant devant l’ardeur de l’Algérien. L’Américain a toujours son buste sur la « Route-66 ». L’Algérien et ses frères sont toujours dans les ténèbres de l’oubli.

Mohamed-Karim Assouane, universitaire.

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