29 mars 2024
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La condition humaine

REGARD

La condition humaine

« Le sujet idéal du totalitarisme, ce n’est pas le nazi convaincu ou le communiste convaincu ; ce sont plutôt les gens pour lesquels la distinction entre fait et fiction (c’est-à-dire la réalité de l’expérience) n’existe plus. » Hannah Arendt

Cela fait quelques semaines que le procès des attentats du 13 novembre 2015 se tient dans la capitale française. Il devra se poursuivre encore jusqu’à la fin du mois de mai 2022. Un autre procès, inédit celui-là, va s’ouvrir dans quelques jours en Allemagne à l’encontre d’une Allemande de 96 ans qui s’est enfuie de sa résidence et qui vient d’être retrouvée.

Ce procès nous renverra vers une période tragique de notre histoire collective. Cette nonagénaire, ancienne dactylo d’un camp d’extermination nazi, va être jugée pour complicité de meurtre, portant sur plus de 10.000 personnes.

Elle aurait collaboré entre juin 1943 et avril 1945 dans un camp situé en Pologne, le tristement célèbre Sutthof, où périrent près de 65.000 personnes dont plus de la moitié de juifs. Irmgard Furchner, c’est son nom, se serait occupée de la correspondance du chef du camp et tapé à la machine les ordres d’exécution et de déportation. Sa signature aurait été retrouvée sur ces documents. Elle ne pourra donc pas se cacher derrière le paravent de l’ignorance.

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Ce procès sera suivi très prochainement par celui d’un centenaire, ancien gardien du camp berlinois de Sachsenhausen. Beaucoup se demanderont sans aucun doute s’il est encore normal de juger, 80 ans après les faits qui leur sont reprochés, des petites mains qui ont aidé le régime nazi.

Ces procès peuvent, et doivent, pourtant nous permettre de comprendre la mécanique de la collaboration avec un régime aussi abject. Comment, en quelques années, une organisation dominatrice s’est transformée en l’une des pires machines de mort de l’histoire de l’humanité, avec la complicité, voulue ou non, de millions de citoyens européens. Et à nous apprendre à reconnaître les menaces futures.

La philosophe Hannah Arendt, spécialiste du totalitarisme, avait elle-même formalisé en 1963, « la banalité du mal » après le procès d’Adolf Eichmann à Jérusalem. Ce grand promoteur de la « solution finale », que nombre d’observateurs attendaient de découvrir comme une bête féroce assoiffée de sang, un Dracula des temps modernes, apparaissait finalement comme un homme « insignifiant » dans son costume gris derrière ses petites lunettes, un petit fonctionnaire médiocre.

Ce qui fit dire à Hannah Arendt que le mal ne résidait pas dans l’extraordinaire mais dans les choses ordinaires. 

Au moment où un chroniqueur d’une chaine d’information continue, poussé par les médias à aller vers la candidature à la présidence de la République française, continue sa réécriture personnelle de l’histoire de la Seconde guerre mondiale et sa tentative pathologique et morbide de réhabiliter le régime de Vichy et de son maréchal, on se convainc qu’un cours magistral de la Shoah ne serait sans doute pas de trop.

Auteur
Kamel Bencheikh, écrivain

 




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