18 avril 2024
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La désobéissance civile n’est pas le problème, notre problème c’est l’obéissance civile (*)

REGARD

La désobéissance civile n’est pas le problème, notre problème c’est l’obéissance civile (*)

« L’obéissance à un homme dont l’autorité n’est pas illuminée dans la légitimité, c’est un cauchemar », Simone Weil

Tout est dans cette pancarte brandie par une jeune manifestante « un général qui ferme l’accès de la capitale à sa population n’est pas un général qui ouvre la voie à la démocratie et à la liberté ». L’armée s’est coupée de son peuple et le peuple s’est détournée de son haut commandement. C’est la séparation.

Le peuple veut un divorce à l’amiable. L’armée refuse de quitter le domicile. Elle administre le foyer soit directement soit par procuration. Le pouvoir aujourd’hui est concentré entre les mains du haut commandement militaire.  Il est admis que l’armée a régenté l’économie et la société.

Etant donné l’assujettissement du pouvoir civil au pouvoir militaire, les organes judiciaires ne remplissent pas totalement leur fonction de contrôle. En subissant le règne des personnes en lieu et place du règne de la loi, le citoyen se trouve privé de toute perspective et de toute liberté.

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Un pouvoir qui interdit la liberté d’entreprendre, de produire, de s’organiser, de s’associer, de s’exprimer peut asseoir son pouvoir dictatorial pendant un certain temps mais il condamne par là même son peuple au déclin en le nourrissant de peurs et de pain.

Trois instruments font fonctionner le système ; la terreur, la corruption et la manipulation. La scène politique sert de « trompe-l’œil » à l’intrusion du militaire dans le champ économique. Cette militarisation du politique et cette politisation de l’économie ne peuvent être saisies sans prendre en charge la dimension corporatiste de l’armée algérienne.

L’institution militaire est elle-même une structure de pouvoir. Le retrait de l’armée de la scène politique est problématique parce qu’elle a des avantages à préserver et une responsabilité dans la situation actuelle. On comprend dès lors pourquoi les militaires s’acharnent-ils à rester au pouvoir. Les militaires ont tendance à réagir lorsque leurs intérêts sont menacés ou du moins perçus comme tels.

Cette réaction toutefois ne traduit pas la défense d’intérêts personnels mais plutôt celle du statut privilégié de l’institution militaire. Il s’agit donc de la défense d’intérêts d’une corporation spécifique qui a certainement sa place dans l’édifice institutionnel mais ne doit pas mettre de l’ombre sur les autres institutions comme la justice par exemple appelée à jouer un rôle cruciale dans l’assainissement des mœurs politiques.

Un débat devant être engagé sur le rôle et la place de l’armée dans la transition démocratique. La transition d’un régime militaire autoritaire à un régime civil démocratique est périlleuse.

La transition peut se faire pacifiquement si l’initiative de changement démocratique est prise par les forces sociales et politiques agissant en dehors de l’Etat mobilisant la société civile et poussant les militaires à quitter le pouvoir sans fracas. Le contrôle du pouvoir politique sur l’institution militaire ne signifie pas que les militaires soient coupés du reste de la population mais tout simplement qu’ils regagnent les casernes qu’ils n’ont d’ailleurs jamais quittés (ils ont un pied dans la caserne et l’autre dans le civil) pour amorcer un début de changement.

Le problème essentiel est la légitimité des institutions qui permet de privilégier le débat par rapport aux armes et le droit par rapport à la force. Mais est-ce dans l’intérêt de l’armée et des puissances étrangères que la démocratie s’instaure en Algérie et que son marché se ferme aux importations tous azimuts ?

C’est par l’instauration d’une démocratie véritable que l’armée ne sera plus un moyen de règlement des conflits politiques. Aujourd’hui que la rente se tarie, que l’armée se recroqueville, la société s’affole, les institutions vacillent, le système s’agite.

Faute de légitimité, l’Etat n’est plus en mesure de lever les impôts notamment sur la fortune. D’autre part, imposer des algériens sans activité productive, sans emploi, sans assiette fiscale dans une économie fondamentalement rentière revient au régime « à se tirer une balle dans les pieds ».

Le pouvoir a commis deux erreurs stratégiques impardonnables : la première est de croire que l’armée est détentrice exclusivement de la légitimité historique de l’accession à l’indépendance du pays, la seconde est de croire que le pétrole et le gaz sont les seules ressources nationales qui permettent de rester aux commandes du pays sans en rendre compte de leur gestion à personne même pas à soi-même.

Alors que pour notre voisin de l’ouest, « gouverner c’est pleuvoir » ; pour les algériens, « gouverner c’est importer ». Heureusement que l’eau est un don de Dieu et non un produit marchand, que Dieu soit loué. Si la pluie était un produit fabriqué par les usines occidentales, on n’aurait pas hésité à l’importer pour peu qu’on touche sa commission au passage. Mais l’horrible vérité, c’est peut-être que les gouvernants qui se sont succédé ont besoin des importations pour asservir leur population. Un peuple de paysans indépendants vivant de ses récoltes pourrait devenir têtu et fier pour demander l’aumône à ses dirigeants. C’est pourquoi les premières victimes des politiques agricoles sont les paysans indépendants et ce, à commencer par la révolution agraire.

La révolution agraire a donné l’illusion que la justice sociale est rétablie alors qu’en réalité c’est le travail de la terre qu’on enterre.

La rente pétrolière rend dérisoire le surplus agricole potentiel et la facilité de payer les importations croissantes joue un rôle dissuasif vis-à-vis de l’urgence du développement agricole.

Les importations sont un instrument imparable d’aliénation de la population très efficace qui permet aux élites dirigeantes d’accumuler plus de pouvoir et plus de richesses. Mais cela peut également les mener à leurs pertes.

La flambée des prix de produits alimentaires sur le marché international et l’assèchement des réserves en devises place le pouvoir dans une position inconfortable. Le pouvoir a transformé de fond en comble le pays : d’une économie coloniale de 10 millions d’habitants à une économie rentière, de 50 millions d’habitants, d’une société rurale et pastorale à une société citadine et dépressive, d’un modèle alimentaire local à un modèle importé.

C’est un pouvoir qui distrait, qui abrutit, qui avilit, qui tue, qui achète, qui corrompt, qui pourrit, qui détruit y compris les consciences.

« Quel que soit la longueur du jet de l’urine, les dernières gouttes retomberont toujours entre les cuisses ».

Tous sont sommés de tendre la main à l’Etat qui dispose des revenus pétroliers et gaziers. C’est dire que les élites au pouvoir ne renonceront jamais de leur propre gré à la distribution de la rente pétrolière et gazière et n’accepteront jamais d’en rendre compte à moins d’y être contraints. Ce sont ceux qui souffrent du système qui doivent y mettre fin et pour cela ils ne doivent compter que sur eux-mêmes.

Il n’y a pas de partis d’opposition mais d’apposition qu’ils soient islamistes ou laïcs, conservateurs progressistes. Tous se bousculent autour de la « djefna » pour être à proximité de la viande et des légumes abandonnant la semoule aux exclus du système c’est-à-dire au reste de la population. Ceux qui profitent les largesses du système feront tout ce qui est en leur pouvoir pour maintenir le statu quo.

 Il ne s’agit  pas de convictions mais d’intérêts. Tous émargent à la caisse du pouvoir alimenté par les revenus pétroliers et gaziers (salaires de la fonction publique ou parapublique, pensions des anciens moudjahidines, marchés publics octroyés, licences d’importations délivrées, dépenses publicitaires mensongères etc… ). Quel est le mérite de leurs  dirigeants pour avoir eu tout, tout de suite et sans effort, de la villa du colon au compte offshore en passant par la prise en charge des soins et des vacances à l’étranger et de quels péchés les jeunes sont-ils coupables pour se retrouver à la force de l’âge adossés au mur sans emploi, sans revenu et sans perspectives ?

« L’eau du fleuve ne retourne jamais à sa source ». C’est pourquoi les jeunes ne veulent pas de cet argent sale… Entendez leurs cris de colère « gardez le, emportez le dans vos tombes, mais de grâce épargnez nous vos sarcasmes. Vous ne trompez plus personne. Vous avez épuisé vos dernières cartouches.

La vérité a fini par éclater au grand jour.  » On a beau dissimuler ses excréments au fond de l’eau, ils remontent toujours à la surface ».

(*) Le titre est une citation de Howard Zinn

 

Auteur
Dr A. Boumezrag

 




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