29 mars 2024
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La protesta du 22 février, un Hirakgate ?

COMMENTAIRE

La protesta du 22 février, un Hirakgate ?

La thèse selon laquelle le hirak aurait été planifié par des officines à l’intérieur du pouvoir refait surface. 

Elle va faire le bonheur des complotistes et autres spéculateurs patentés ! Développée par bon nombre d’analystes, de commentateurs et de journalistes au début de la protesta elle est écartée au fur et à mesure devant l’ampleur des manifestations et la ferveur des marcheurs qui ne font que croitre au fil des semaines. L’avant-dernier secrétaire général du FLN qui s’était risqué à traiter les marcheurs de rêveurs en a payé le prix. 

Les marcheurs, jeunes pour la majorité d’entre eux, que l’espoir d’une vie meilleure avait abandonné, n’ayant pour salut que la harga pour les plus chanceux d’entre eux ou le recours aux psychotropes pour les autres, se sont jetés corps et âme dans ce mouvement après avoir humé ce parfum de liberté et de changement qu’il a très vite incarné. 

Il est devenu leur hirak, le mouvement populaire salvateur qui répondait à leurs attentes et qui tordrait le coup à toutes leurs angoisses et leurs frustrations. 

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Devant ce raz-de-marée de l’enthousiasme populaire les plus hardis des analystes a fini par s’incliner.

Le très théâtral et sympathique Saïd Bensedira, journaliste et Youtubeur algérien basé à Londres, relance le débat, interrompue jusque-là, au moment crucial où les chances d’assister dans un futur proche à un redéploiement du Hirak dans sa forme originale s’amoindrissent au fil des jours.

La situation sanitaire provoquée par la pandémie du Covid et la déroute financière des ménages due à une situation économique désastreuse du pays semblant être les premières explications à l’origine de son affaiblissement. Mais n’en rajoutons pas. 

De but en blanc et sans ménagement, Bensedira choque le téléspectateur en affirmant que  le soulèvement populaire du 22 février n’était pas spontané mais provoqué, et organisé par des cercles à l’intérieur du pouvoir, comme d’ailleurs celui vécu le  05 Octobre 1988.

Tuyauté sans doute par de mystérieux informateurs, (lesquels pardi ?!) à l’image du fameux « gorge profonde »,- l’atout secret de Bob Woodward et Carl Bernstein, célèbres journalistes du Washington Post et principaux protagonistes dans le scandale du Watergate-, il nous apprend que le » hirak béni » du 22 Février 2019 a été planifié, organisé, mené et cadré  par les mêmes officines qui  ont été à l’origine du déclenchement des évènements d’Octobre 1988. Mais la comparaison n’est pas raison. Soyons prudents. 

En empruntant une suite géométrique de raccourcis, il explique que l’objectif de ses artisans était de faire barrière au cinquième mandat de Bouteflika, pensé par le duo Gaïd Salah, Saïd Bouteflika d’une part et de se débarrasser du gang régnant d’autre part. L’objectif a été atteint atteint tonne-t-il.

Plein d’assurance, prolixe en révélations et conseils, il sonne le tocsin de la fin du Hirak et exhorte les jeunes, de moins de 40 ans, à faire preuve de clairvoyance et de sagesse. Il les invite en outre à se préparer pour les prochaines législatives à travers des partis politiques ou en tant qu’indépendants. Il recommande  aussi aux dirigeants du FLN et du RND de rajeunir leur rangs s’ils ne veulent pas voir leurs partis placés sous mandat de dépôt au musée.

Nul besoin ni d’enquête sénatorial ni d’interrogatoire. Ainsi donc, la protesta est un Hirakgate, qui d’ailleurs, comme le Watergate  a débouché sur la démission d’un président !   

Aussi fou et ubuesque que cela puisse paraître, il faut reconnaitre que dans l’Algérie de 2013-2020, celle des plus grandes aberrations depuis l’indépendance, tant sur les décisions prises, les actions menées que sur le choix des hommes , c’est du domaine du possible. Nous sommes comme dans cette série fantastique américaine XFiles, aux frontières du réel.

 Afin de justifier ses allégations, le journaliste youtubeur souligne le caractère pacifique structuré et festif du déroulement des marches . Ce qui est difficile à concevoir  pour des manifestations populaires revendicatives selon lui. 

L’impossibilité d’identifier l’origine de l’appel à la marche le 22 Février est un autre indice de la non spontanéité du hirak poursuit-il.

Mina Kaci auteur de  « One two three Nouvelle Algérie » qui analyse les évènements de cette année là dans son ouvrage paru aux éditions Jourdan, débute le premier chapitre de son livre ainsi :

« Mais qui se cache derrière l’appel anonyme ?  Qui a diffusé les premiers 5000 posts sur les réseaux sociaux? Qui cherche à faire sortir le peuple le même jour, après l’heure de la grande  prière par l’utilisation des mêmes mots d’ordre ? Qui a choisi la date du  22 février pour dire non au cinquième mandat du président  Bouteflika ? Les questions se bousculent dans la tête des algériens, habitués à jongler avec le fonctionnement complexe d’un système politique sciemment, totalement opaque. Des algériens accoutumés aux complots fomentés par les clans au pouvoir, rompus à la rumeur érigée en mode d’information….. »

Selon ces thèses la révolution du sourire ne fut donc qu’un leurre ? Le fantasme de tout un peuple ?  L’histoire revisitée, l’appel à la rescousse de tous ces héros de la révolution, un délire ?  Des millions de marcheurs dans la rue pendant plus de 14 mois, chaque  vendredi et  mardi, qu’il pleuve ou qu’il vante un rêve, une illusion d’optique ? Les centaines de marcheurs interpellés et la centaine de détenus d’opinion qui demeure embastillée un terrible  cauchemar ? Cette jeunesse, longtemps séquestrée libérée par la rue, puis emprisonnée, serait le dommage collatéral de la sempiternelle  lutte de clans ?

La célèbre phrase de Ben M’hidi placardée  sans cesse durant les marches  : « jetez la révolution dans la rue et elle sera portée à bras le corps par tout un peuple » un outil de manipulation ?  

Il est probable qu’au départ elle ne fut que cela. Mais elle a fini par surpasser; prendre de court ses concepteurs. Sa propagation, son déploiement, l’énergie qu’elle généra, l’espoir qu’elle suscita et sur lesquels tout aurait pu être reconstruits sont la preuve que Ben M’hidi a encore bel et bien raison : jetée à la rue elle a effectivement bel et bien été portée par tout un peuple!

Auteur
Djalal Larabi

 




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