19 avril 2024
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La révolution, où comment faire du vendredi le meilleur jour de la semaine 

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La révolution, où comment faire du vendredi le meilleur jour de la semaine 

Vendredi. Depuis toujours, ce jour était synonyme d’inertie, d’inactivité. C’était la journée la plus morose, le plus long de la semaine. Tout était à l’arrêt : les usines, les écoles, les banques et même les cerveaux. C’est le repos total. 

À l’extérieur, c’est le jour prisé des automobilistes. Pas d’encombrement sur les routes et dans les villes. Tout le monde dort. C’est tout le pays qui dort dans un silence religieux. Et vers midi, des processions humaines de croyants, quittent leur domicile pour aller à la mosquée la plus proche, c’est le moment où l’Algérie se réveille aux cris des mégaphones non-synchronisés. Une heure de  discours, une prière, puis plus rien. Retour à la maison.

Certains font la sieste pendant que d’autres sortent pour faire du sport, aller sur le bord de la mer ou à la montagne quand la météo le permet. Dans les programmes de télévision, rien d’intéressant. Tu zappes par-ci, par-là et tu trouves Cheikh Chemsou dans ses fatwas comiques à rire certains et à rendre hystériques d’autres. Vendredi en Algérie était pour les autres jours semaines, comme cet orphelin de mère, avec ses demi-frères, qui n’a pas les mêmes faveurs de sa belle-mère. Certains qui détestent le vendredi, comme moi, diraient qu’il serait mieux de le supprimer du calendrier pour passer directement du jeudi à samedi. Il y a de quoi ! 

Mais depuis le 22 février, vendredi n’est plus ce qu’il était. Il est devenu, Monsieur vendredi. Le meilleur jour de semaine. Il a déclassé tous les autres jours de façon magistrale. Pour cet orphelin, c’est sa mère qui revient de l’au-delà pour lui faire justice devant cette belle-mère mégère. Vendredi prend la tête du podium. Il est devenu la journée que tous les autres jours envient. Un jour qu’on attend. Un jour de fête et de manifestation. On s’y prépare toute la semaine pour l’accueillir. La veille, les drapeaux sont repassés et rangés à portée de main pour pouvoir les brandir fièrement le lendemain. Depuis les premières lueurs de ce jour désormais envié, les villes commencent à bouillir. Les gendarmes sont déjà là sur les routes qui mènent vers la capitale. Le nouveau vendredi, fier de sa nouvelle posture, prête quelles heures pour le jeudi, pour contenir tous les convives. 

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Vendredi c’est une journée et demie, voire deux. Certains veulent éliminer jeudi maintenant pour passer directement du mercredi à vendredi. Il y a de quoi. L’ambiance est folle. Vendredi est passé du jour maudit à un jour sacré. C’est même le symbole de la révolution. Cette révolution tant attendue. Tout le monde dehors, hommes, femmes, enfants et même les vieux. Personne ne veut rater l’événement. Les femmes qui étaient confinées à la cuisine et dont vendredi était synonyme de supplice avec les tâches ménagères, se font belles et sortent main dans la main avec leur mari. Elles ne sont pas aussi belles même pendant les fêtes. C’est grâce à elles d’ailleurs, que cette journée prend les  allures de fête. Les flics optimisent leurs attaques en leur présence. Elles empêchent, rien par leur présence, toute action violente pour que les manifestations tournent à l’émeute.

Les ennemis du vendredi ont tenté par tous les moyens de les dissuader de sortir, certains ont menacé de les asperger d’acide. On les a même déshabillées dans un commissariat de police mais elles refusent de rentrer chez elles. Ce que femme veut, Dieu le veut, dit l’adage.

Elles ont découvert la beauté du vendredi, la liberté. Elles veulent accompagner la révolution, peser de leur poids pour mériter la récompense et la partager à part égale et équitable avec les hommes. Elles ne veulent plus être des demi-citoyennes. Vendredi qui étaient pour elles le supplice extrême, devient le jour de délivrance. 

Les croyants qui passaient des heures à écouter le discours du muezzin, parfois très ennuyeux quand il est peint de politique, sont maintenant pressés de rejoindre la marche. Depuis le 22 février, le son des minarets est devenu plus clément. Curieusement, on y prête même pas attention. Un événement enterre un autre. L’objectif est plus important. Les croyants veulent joindre la foi à l’action. L’opium du peuple ne tient plus devant la force et la justesse de la révolution. Vendredi est devenu pour les croyants, un jour à double consonance : spirituelle et politique. Ils ont compris que plus ils s’impliquent dans les affaires de la cité, plus ils sont en harmonie et plus ils se rapprochent de Dieu. La foi c’est aussi croire à la volonté du peuple plutôt que de tout laisser pour la providence. 

On ne sait pas combien de temps tiendra le vendredi dans sa nouvelle posture de l’élu des hommes et de Dieu mais il a déjà jeté tous les clichés qu’on avait de lui dans les poubelles de l’Histoire. Ce n’est pas parce qu’il s’appelle vendredi qu’il est le meilleur jour de semaine, mais c’est parce qu’il apporte de bonheur dans le cœur des opprimés. C’est parce qu’il est le jour de la révolution.

 

Auteur
Salim Chaït

 




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