20 avril 2024
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Le 18 avril 2019 : rupture ou calme plat ?

REGARD

Le 18 avril 2019 : rupture ou calme plat ?

Dès l’été de la discorde de 1962, le peuple algérien a perdu le pouvoir qu’il venait juste d’arracher de haute lutte à la puissance coloniale. Il l’a arraché au prix de centaines de milliers de morts, d’une élite décimée, et d’une société désarticulée et affaiblie.

Le tandem Ben Bella-Boumediene a profité du désordre de ces premières heures de l’indépendance pour prendre le pouvoir par la force. Il dame le pion aux combattants de l’intérieur et ôte tout espoir d’émancipation à un peuple meurtri. Depuis, la souveraineté s’est exercée totalement sans lui.

Le fossé d’aujourd’hui entre dirigeants et dirigés a eu pour origine ces événements de l’été 1962. Un fossé béant qui n’a cessé de s’agrandir. Les slogans disent pourtant que « nous vivons sous une république démocratique et populaire, sous un gouvernement du peuple, pour le peuple et par le peuple». Or ce peuple n’est pas dupe. Il a tout de suite compris que le pouvoir lui a subrepticement échappé.

Le pouvoir et l’État qui lui sert d’instrument, s’est privatisé peu à peu pour finir dans les mains d’un Bouteflika mégalomane et narcissique. Les partis, les élus, les gouvernants s’adonnent, quant à eux, au jeu des ombres chinoises. La volonté collective n’a jamais vu le jour.

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Aujourd’hui, que se passe-t-il ?

Les Algériens subissent plus que jamais le poids d’une oligarchie arrogante et insupportable. Jamais les apparatchiks en place n’ont été aussi vertement méprisants. Jamais l’incertitude et le découragement n’ont marqué aussi fortement les esprits. Le football et la religion ont beau être pris pour des valeurs refuge, ils ne peuvent, à eux seuls, réenchanter le présent ou enluminer l’avenir.

Ces deux décennies du règne de Abdelaziz Bouteflika sont éprouvantes, démoralisantes, nébuleuses. La société humiliée, courbe l’échine sous le poids des vexations, du désarroi. Les jeunes, quand ils ne se jettent pas à la mer à la recherche de territoires plus prometteurs, rêvent d’un visa hypothétique qui les conduiraient hors des murs algériens qui les enserrent, les étouffent, les enterrent vivants.

L’arrogance des partis de la coalition au pouvoir, la ruine de l’éducation, les pesanteurs culturelles et cultuelles, la fracture sociale, plongent le pays dans la déprime, dans la consommation boulimique, dans une procrastination addictive. Alors, la reproduction compulsive d’une gouvernance néfaste se poursuit, l’obsession du pouvoir se renforce, se rigidifie.

Vingt ans de règne sont déjà passés sans que l’Algérien n’ait le droit et les moyens d’en estimer les méfaits, d’en chiffer les pertes et profits. Combien de morts, combien de familles appauvries, combien de chefs-d’œuvre tués dans l’œuf ou détruits, d’écosystèmes saccagés, d’années de retard subies sur le terrain industriel, artisanal, agricole, scientifique, quels déboires monétaires, de quelle ampleur sont les détournements, les dépenses d’apparat, etc. etc. ?

C’est dans ce climat de déclin que se termine le quatrième mandat de Bouteflika et que le cinquième est annoncé à grandes pompes. On n’a pas besoin d’être fin observateur pour constater qu’il provoque à la fois ferveur, dédain ou espoir de changement.

Ferveur de ceux qui profitent du système, de tous ces parasites qui vivent et prospèrent dans l’ombre de Bouteflika, qui grenouillent dans les marécages du pouvoir. Ceux-là s’acharnent à faire passer, coûte que coûte, le cinquième mandat pour poursuivre leur rapine. Il s’agit des chefs de partis de la coalition et de leurs affidés, des courtisans qui vivent dans le délit permanent, des impétrants en attente de nouvelles récompenses.

Tous forment la cohorte de la continuité. Même aphone, immobile et impotent, Bouteflika reste leur candidat, leur bouée de sauvetage, l’antidote à la peur de voir leur monde corrompu s’écrouler.

Dédain de ceux qui voient que tout est voué à l’échec. Ils sont sûrs de la reconduction du régent et ne voient aucune raison que ça change. Ils sont dans un défaitisme obstiné et ne veulent donc organiser aucune résistance sinon celle du boycott habituel accompagné parfois de quelques mouvements sporadiques de foule.

Il s’agit souvent de membres de partis de l’opposition, de militants actifs non encartés et d’une grande masse de gens habitués à l’inaction face aux enjeux électoraux. Ils s’en prennent souvent plus à ceux qui pressentent un possible changement qu’à ceux qui détournent le jeu électif.

Cette catégorie de défiants se recrute beaucoup plus dans les rangs kabyles. Il est vrai que les Kabyles ont les plus échaudés des promesses non tenues. Ils ont tout donné pour l’indépendance du pays et ils n’ont récolté que des déconvenues.

Espoir de ceux qui croient au changement malgré une situation politique plombée. Ils veulent se saisir de la moindre brèche pour s’y engouffrer et l’agrandir. Pour eux tout n’est jamais définitivement perdu. Ils entrevoient une petite lucarne et considèrent que les événements, même fâcheux, peuvent prendre une tournure positive en fin de compte. Ils ont un capital résilience qui leur permet de prendre acte des situations difficiles voire inextricables pour se remettre au labeur.

Ils perçoivent le souffle du vent de révolte qui parcourt le pays et espèrent voir la tempête prendre des forces et du terrain. Ils estiment que le ras-le-bol qui s’exprime ouvertement peut déboucher vite sur une politisation salvatrice de la société.

Bien sûr, je ne parle pas des candidats farfelus qui croient que l’élection présidentiel est une loterie pour jouer à qui veut gagner des milliards. Ceux-là ont peu de change de recueillir les 60 000 signatures nécessaires à la validation de leur candidature. Il s’agit essentiellement des islamistes qui attendent leur heure. Ils espèrent revenir sur scène et rééditer peu ou prou le coup du FIS de 1991. Leur désir de mettre en place à Alger un pouvoir théocratique reste, pour eux, d’actualité.

En face de ceux-là, on peut classer les Ghediristes convaincus que le moment est venu de mobiliser les démocrates autour du général à la retraite qui, assurément, a des soutiens au sein de l’institution militaire. Des officiers ou sous-officiers las de voir une dizaine de généraux s’accaparer le pouvoir et les richesses du pays.

C’est un axe kabylo-chaoui qui aspire à ratisser large en proposant une nouvelle république refondée de fond en comble. Ils sont ouverts aux revendications kabyles en matière de régionalisation et s’engagent à briser le système prédateur en place depuis 1962. Ils s’attachent à rendre l’Algérie attractive et débarrassée des vieux réflexes féodaux ou despotiques.

La voie est étroite et rien ne tombera du ciel. Mais la difficulté me semble plus psychologique que politique. Nos agissements défaitistes d’aujourd’hui compromettent l’édifice à construire demain. Ce sont les actes de rapprochement et de réconciliation avec les plus proches qui peuvent changer quelque peu la donne. C’est pourquoi tout passe par le changement radical de nos comportements. Répéter que « les jeux sont faits d’avance » et prendre ça comme de l’analyse prospective est inopérant.

Traiter de lièvres ou de traîtres ceux qui veulent agrandir la brèche est trop facile. En même temps, il est vrai que rester béat devant ceux qui s’engagent et croient au miracle ne fait rien avancer non plus. L’enjeu, me semble-t-il est de constituer des alliances dès aujourd’hui pour l’immédiat et pour l’après avril 2019.

La situation nous dicte de voir loin et d’agir vite. La rupture est à ce prix, Le pire serait un 5ème mandat !

Auteur
Hacène Hirèche, consultant (Paris)

 




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