28 mars 2024
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Le 22 février : est-ce un révolte ou une révolution ?

REGARD

Le 22 février : est-ce un révolte ou une révolution ?

L’Algérien se trouve devant le mur ! Entre le marteau et l’enclume !  Entre le marteau du militaire et l’enclume de la pratique politique du régime enracinée dans les entrailles des institutions politiques et ses auxiliaires.

Comment est-il possible cinquante-huit ans après notre indépendance, que le régime politique algérien, ait pu constamment buter sur les mêmes obstacles de légitimité et répéter à ce point les mêmes échecs ? A vrai dire, ce dont nous devrions nous étonner, ce n’est pas que les mêmes causes produisent les mêmes effets, mais que les mêmes causes se répètent et que la pensée gouvernante (gouvernants et fonctionnaires) se montre si incapable de concevoir des actions de type différents. 

Comment peut-on en sortir de ce dilemme ?  

Depuis le 22 février, tous les vendredis et les mardis, les algériens occupent les espaces publics pour maintenir des revendications légitimes du changement de système de gouvernance, en espérant un meilleur avenir pour leurs enfants. Ceci dit, par cet article, j’aimerai exposer mon opinion sur ces évènements et partager avec vous cette réflexion, qui n’est pas scientifique, mon objectif est d’échanger et susciter un débat autours de la question. En outre, la critique, si sévère et désobligeante qu’elle puisse paraître, ne concerne pas ici les hommes, mais le système de penser la gouvernance. 

Au préalable, il est important de rappeler quelques éléments qui sont constitutifs de l’Etat moderne algérien. L’idée de l’Etat est construite par le congrès de la Soummam, sur la base des institutions et non pas sur la base des personnes, ainsi ils préconisaient la priorité du civile sur le militaire, qui a suscité des vifs débats jusqu’à l’après indépendance, voire même à ce jour. Malheureusement, la suite nous la connaissons, c’est-à-dire, le militaire a repris le régime politique, en incarnant l’idée de l’Etat. Désormais, ils cultivent l’idée que le militaire est le sauveur de l’Etat, du colonialisme et des tentatives de déstabilisation, ainsi il est devenu légitime qu’il soit le seul garant de son fonctionnement.

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Ces idées sont introduites dans les systèmes scolaires, médiatiques, débats de société, etc. Plusieurs animateurs de ces débats sont généralement issus des intuitions militaires, d’ailleurs, plusieurs militaires occupaient (et occupent) des postes dans plusieurs fonctions étatiques, après et/ou avant leur retraite militaire. A l’image des pays comme l’Egypte, la Syrie, l’Iraq, etc., ce fonctionnement a duré plusieurs décennies, ce qui a renforcé et ancré cette culture dans les moeurs politiques. Et pour la maintenir, l’ancien chef du gouvernement (septembre 1989 à juin 1991) M.Hamrouche, dans une tribune à El-Watan, écrivait que : « Des élites timorées et incrustées dans des réseaux d’allégeance et de coercition/corruption continuent, malgré ce désastre, à vouloir garder le droit d’autogérer le pouvoir, de préserver leurs statuts et positions tout en maintenant leur divorce avec le peuple et leur désincarnation sociale et identitaire.

Ces réseaux veulent continuer à fixer la posture de l’armée et sa feuille de route. Ces tenants, leurs médias et leurs relais sont toujours en action de régénérescence ou de renforcement. Ils refusent tout bonnement un fonctionnement institutionnel de l’Etat et des pouvoirs. Car ils redoutent qu’un simple contrôle de légalité fasse fondre leurs armes : le mensonge, le chantage ou la menace. Ce sont des armes par lesquelles l’Algérie a été stoppée dans son élan et soumise à une régression générale terrible. »

Dans le même ordre d’idée, le politique a été également un moyen pour conserver le statu quo ! Autrement dit, leur régime de gouvernance. L’ouverture politique en 1988 était une brèche démocratique, qui n’a pas duré, pour reprendre la main, par les militaires, sous d’autres formes. En effet, quelques partis politiques qui ont été créés par l’idéologie et/ou par des idéaux politiques : socio-démocrates, nationalistes et religieux, ont montré leur limite. Une grande partie de ces partis politiques sont devenus des outils entre les mains du régime militaire pour asseoir le politique sous son emprise. Désormais, beaucoup d’analystes politiques parlent du régime militaro-économique. Il ne s’agit pas de personnes, mais bel et bien d’un fonctionnement et du raisonnement politique, qui d’une part, a mis le militaire au centrifuge de la politique en Algérie et d’autre part, lui a endossé les responsabilités de l’Etat. 

Le politique n’a pas la légitimité historique, ni nationaliste, cependant, dans l’imaginaire « légal », il n’y a que les anciens combattants dans « les rangs du régime » et les militaires, qui peuvent prétendre à cette légitimité. À mon avis, c’est dans cette légitimité historique, que le partis dit « du système » a eu l’emprise sur l’idée du nationalisme et essaye coûte que coûte de la sauvegarder, malgré quelques tentatives de le mettre au musé ! Plusieurs anciens partisans du « parti du peuple », qui ont souhaité son renouvellement, qui est historiquement plein de symbolique, ont vu leur demande refusée. Je pense que c’est toujours cette légitimité historique qui ferrait de l’ombre au détenteur de celle-ci. 

La révolution du 22 février, qui est politique et non pas culturelle, est l’émanation de toute cette histoire, ainsi, le rejet du militaire ou de la pensée politique militaire, pas comme personne, mais comme régime de gouvernance politique, comme une idéologie qui se légitime dans l’histoire de la révolution nationale et par son caractère nationaliste. 

Cette révolution a imposé son rythme, la permanence de ses revendications et surtout par son caractère pacifique et organisé. Leur revendication est de faire une table rase de la manière de gouverner et surtout ils revendiquent un Etat civil et non pas Militaire. Traduction : un régime démocratique et non pas militaire. Comment ? En effet, officiellement, nous sommes dans un pays démocratique, une presse et médias « libres » ! Des institutions officient en votant des lois, etc., or la pratique est tout autre chose ! C’est-à-dire, rien ne fonctionne comme prévu ! Les institutions sont des façades et les médias sont muselés par les financements publicitaires et surtout par l’appauvrissement des débats politiques.     

La révolution du 22 février a renversé les croyances dominantes dans la pensée militaire, désormais, il est possible de manifester sans violence, débattre les idéologies, mêmes celles qui étaient perçues comme menaçantes à l’unité nationale, sans les déstabiliser. Au contraire, une fois débattue elle renforce l’appartenance à la nation. D’ailleurs, l’idée de la nation, qui était consubstantielle à l’idéologie arabo-baathiste, c’est-à-dire, la nation arabe (Oumma arabia), est désormais devenue une nation algérienne, avec ses diversités historiques et identitaires. Dans un entretien au journal le monde, Mohammed Harbi, cite un conseiller de Camillo Cavour, qui disait : « Nous avons fait de l’Italie, maintenant il faut faire des Italien. » et M. Harbi a dit : « c’est pareil pour l’Algérie ». En effet, le plus grand acquis de la révolution du 22 février, est que les Algériens étaient sous l’emprise de l’idée de l’unité nationale par peur d’une manipulation (la main étrangère) ou d’une guerre, aujourd’hui l’idée de la nation algérienne est née dans les substrats de la société, en respectant ses diversités politiques, religieuses et identitaires. 

Dorénavant, les revendications exprimées, ne peuvent plus être incarnées par une personne, ni par des représentants spécifiques, légitimées par l’histoire nationale ou par le  nationalisme idéologique. La pensée du 22 février revendique un nouveau régime, donc pas de personnalité providentielle, ni la guerre de leader ou du « zaïm». Il est impensable d’envisager l’idée des représentants du « hirak », car c’est la négation de la revendication exprimée par cette révolution. Néanmoins, il est important de souligner que la pensée du 22 février trace les grandes idées de la nouvelle gouvernance. Celles-ci peuvent aider la société civile à se réorganiser pour édifier une nouvelle forme de gouvernance. Il faudrait qu’elle puise dans son patrimoine culturel afin que la démocratie devienne une émanation historique de la culture sociale et non pas une copier-coller d’une autre nation.  

Pour sortir de ce dialogue des sourds ! 

M. Hamrouche a fait un constat alarmant en écrivait que :- « Le système algérien n’est pas un modèle et ne ressemble à aucun autre. C’est un non-système appelé système pour indiquer ses complexes négations. C’est un système liberticide, antipolitique, anti-militance, anti-gouvernance, anti-institutions, anti-organisation et antinational. C’est pour toutes ces raisons qu’il a anéanti l’embryon de l’Etat, fruit de la guerre de la Libération nationale, annihilé la loi et détruit la gouvernance. Pour sa survie, il finira par briser la cohésion de l’ANP. Les hommes et les femmes de l’ANP évalueront mieux que moi le degré de cette menace. ». Ce constat, reflète l’urgence d’entrer dans une nouvelle ère de gouvernance et ceci ne peut avoir lieu sans une confrontation d’idées et débats sociale et nationale afin de faire émerger une nouvelle culture de la gouvernance. La résistance du système fossile, selon l’expression de l’éditorialiste du Monde, le hirak me semble un indice de l’épuisement du régime. Il est temps que les idées convergent pour construire une nouvelle république sur un nouveau régime incarné par de nouvelles personnes, qui seront en mesure de faire rêver les algériens. 

Yazid Haddar

Neuropsychologue et auteur. 

 

Auteur
Yazid Haddar, neuropsychologue et auteur

 




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