29 mars 2024
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Le Mali atteint les 20 millions d’habitants, mais demeure sous-peuplé

REGARD

Le Mali atteint les 20 millions d’habitants, mais demeure sous-peuplé

En se basant sur les données du dernier rapport annuel sur la population mondiale publié en septembre dernier par l’organisme américain PRB (Population Reference Bureau), une des références mondiales en matière de démographie, la population du Mali est censée avoir dépassé la barre des 20 millions d’habitants dans la première moitié du mois de janvier 2020.

Mais en dépit de ce formidable dynamisme démographique, grâce auquel le pays est passé d’environ 4,7 millions d’habitants en 1950 à plus de 20 millions aujourd’hui, le Mali demeure largement sous-peuplé par rapport à de nombreux pays développés de taille comparable ou plus modeste. Et ce, même en ne tenant compte que de sa partie « habitable ».

Un pays faiblement peuplé, et plus vaste qu’on ne le croit

La partie du territoire malien offrant des conditions favorables à une présence humaine significative et durable, représente environ 40 % de la superficie du pays, soit approximativement 500 000 km2 sur un territoire total de 1240 200 km2. Ainsi, et à elle seule, cette partie est plus de deux fois plus vaste que l’ensemble du Royaume-Uni (243 500 km2, Irlande du Nord incluse), qui compte pourtant 67,0 millions d’habitants, soit une population plus de trois fois plus importante. En d’autres termes, le Mali devrait compter aujourd’hui 137,6 millions d’habitants pour avoir la même densité de population que le Royaume-Uni, et en ne tenant compte que de sa partie habitable.

Autre exemple, cette même partie est environ 40 % plus grande que l’Allemagne (357 400 km2), qui abrite non moins de 83,2 millions d’habitants, soit quatre fois plus que le Mali, qui devrait alors avoir 116,5 millions d’habitants pour être aussi densément peuplé dans sa seule partie habitable. Toujours sur le continent européen, cette dernière est environ 66 % plus étendue que l’Italie (301 300 km2), qui rassemble pourtant 60,2 millions d’habitants, soit trois fois plus que les 40 % habitables du Mali, qui devraient alors compter 100,0 millions d’habitants pour être proportionnellement aussi peuplés. Enfin, la superficie habitable du Mali est à peu près aussi grande que la France métropolitaine (551 700 km2), qui, et bien qu’étant peu densément peuplée par rapport aux autres grands pays européens précédemment cités, abrite néanmoins 65,0 millions d’habitants. Soit, là aussi, trois fois plus que le Mali habitable, qui devrait alors avoir 58,9 millions d’habitants pour être au même niveau de peuplement.

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Ceci est d’ailleurs l’occasion de rappeler que la très grande majorité des cartes géographiques en circulation (en particulier celles basées sur la projection de Mercator), dressent une représentation largement déformée de la planète en réduisant considérablement la taille des pays du Sud. Ainsi, et bien qu’étant près de quatre fois moins vaste que le Mali, la Côte d’Ivoire est tout de même un tiers plus grande que le Royaume-Uni, et non deux à trois fois plus petite. Autre cas intéressant, l’Algérie n’est pas trois ou quatre fois moins étendue que le Groenland, mais 10 % plus vaste !

Mais le sous-peuplement du Mali est davantage mis en évidence lorsque l’on effectue des comparaisons avec des pays asiatiques. Ainsi, celui-ci compte bien moins d’habitants que la Corée du Sud, grande puissance économique et sixième exportateur mondial de biens, avec ses 51,9 millions d’habitants répartis sur un territoire pourtant 5,0 fois plus petit que la seule partie habitable du Mali (100 200 km2). Cette dernière devrait ainsi compter non moins de 258,9 millions d’habitants pour être au même niveau de densité de population que le « pays du matin calme », qui, par ailleurs, est presque aux deux tiers recouverts de forêts (part en forte hausse par rapport aux années 1960).

Autre exemple assez révélateur, le Mali a toujours moins d’habitants que la richissime Taiwan, seizième exportateur mondial de biens et dont les 23,7 millions d’habitants se répartissent sur un territoire 13,8 fois moins étendu (36 200 km2) ! En d’autres termes, les 40 % habitables du Mali abriteraient aujourd’hui 326,7 millions d’habitants s’ils étaient aussi densément peuplés que Taiwan, pays lui aussi à la nature luxuriante et recouvert à près de 55% de forêts.

Sans aller géographiquement aussi loin, de simples comparaisons avec un certain nombre de pays africains, situés principalement dans la partie anglophone du continent, permet là aussi de constater la faiblesse du peuplement du pays. Ainsi, la partie habitable du Mali est de taille comparable à la superficie du Kenya (580 400 km2), dont la population est aujourd’hui estimée à 53,3 millions d’habitants.

En d’autres termes, le Mali habitable devrait compter 45,9 millions d’habitants pour être proportionnellement aussi peuplé. Autre exemple, toujours en Afrique de l’Est, l’Ouganda abrite 45,0 millions d’habitants sur un territoire environ deux fois moins étendu que la partie habitable du Mali (un peu plus de 241 000 km2). Si cette dernière était aussi densément peuplée, elle compterait alors 93,4 millions d’habitants. Plus au sud, le Malawi a presque la même population que le Mali (18,8 millions), mais sur une superficie pourtant 4,2 fois moins grande (118 500 km2). Chose qui signifie que les 40 % habitables du Mali devraient avoir 79,3 millions d’habitants pour être même niveau de peuplement.

Enfin, et pour revenir en Afrique de l’Ouest, le Mali compte encore assez largement moins d’habitants que le proche Ghana (30,6 millions), dont le territoire est pourtant 2,1 fois moins étendu que le Mali habitable (238 500 km2), qui devrait alors rassembler 64,1 millions d’habitants pour avoir la même densité de population. Toujours en Afrique de l’Ouest, le Mali habitable devrait avoir non moins de 110,2 millions d’habitants pour être proportionnellement aussi peuplé que le Nigeria.

Au passage, il convient également de rappeler que le fait de ne pas être l’un des pays les plus peuplés du continent n’est nullement de nature à empêcher le Mali, qui ne manque pas d’atouts, d’en devenir l’une des principales puissances économiques. À titre d’exemple, un pays comme Taïwan et ses 23,6 millions d’habitants seulement, avait, fin 2018, un PIB 48 % supérieur à celui du Nigeria, première économie du continent, dont il est également la première puissance démographique (203,6 millions d’habitants).

Après avoir connu une croissance annuelle de 5,8 % en moyenne sur la période quinquennale 2014-2018, l’une des meilleurs performances du continent, le Mali, qui n’est pourtant plus l’un des pays les plus pauvres d’Afrique subsaharienne (avec un PIB par habitant de 900 dollars fin 2018, selon la Banque mondiale, soit, par exemple, 16% de plus que le Rwanda – 773 dollars, un pays bénéficiant d’une très forte et trompeuse propagande), devrait continuer à enregistrer une croissance soutenue, de l’ordre de 5 % par an pour les quelques années à venir, au moins. Dans le même temps, des pays comme le Nigeria, l’Afrique du Sud et l’Angola ont connu une progression annuelle de 2,0 %, de 1,3 % et de 0,2 %, seulement et respectivement sur cette même période quinquennale, et devraient encore afficher une croissance assez faible pour les quelques prochaines années, au moins.

Si la tendance se poursuit, le pays, peuplé aujourd’hui de 20 millions d’habitants, et d’un peu plus du double d’ici 2050, peut donc parfaitement devenir, lui aussi, une des premières puissances économiques du continent, sinon la première (et après avoir dépassé, entre temps, un certain nombre de pays développés). Tout dépendra alors de la capacité des Maliens à faire émerger une société organisée, disciplinée et innovante.

Un pays au grand potentiel agricole, une nature généreuse et sous-exploitée

Par ailleurs, il convient de rappeler que la partie habitable du Mali a le grand avantage de présenter un relief très favorable dans sa quasi-intégralité, contrairement à de nombreux pays de taille plus modeste. Même l’Italie et la Corée du Sud précédemment citées ne peuvent compter sur un tel avantage, leur territoire étant en partie assez montagneux. Cet inconvénient est d’ailleurs particulièrement important pour Taiwan, île aux deux tiers montagneuse, dont 40 % du territoire est situé à plus de 1 000 mètres d’altitude et qui compte plusieurs dizaines de sommets de plus de 3000 mètres. Un relief largement désavantageux, et qui rend inhabitable, difficilement accessible et quasiment inexploitable une partie non négligeable du pays.

Mais en plus de cette topographie très favorable, le Mali a également la chance de pouvoir compter sur d’assez importantes ressources hydrauliques, grâce aux nombreux cours d’eau qui le sillonnent et aux précipitations assez importantes que reçoivent de nombreuses régions du pays, y compris au début de la zone sahélienne (et contrairement à une idée assez largement répandue).

À titre d’exemple, les villes de Konna et de Hombori, situées dans le centre du Mali, bénéficient, respectivement, d’une pluviométrie annuelle moyenne d’environ 430 et 360 millimètres, soit bien davantage qu’un certain nombre de grandes régions agricoles situées dans la partie sud du pourtour méditerranéen. Comme, par exemple, celle de Sfax, deuxième ville de Tunisie et, qui avec une moyenne de seulement 230 mm de précipitations par an, est réputée pour ses millions d’oliviers qui font d’elle la principale région productrice d’huile d’olive du pays (deuxième exportateur mondial en la matière, et premier producteur et exportateur mondial d’huile d’olive biologique). Avec une pluviométrie environ 87 % et 56 % plus importante, respectivement, que cette région méditerranéenne mondialement connue, et grâce aux différentes techniques de récupération et de stockage de l’eau pouvant être mises en œuvre, même ces deux régions sahéliennes du Mali pourraient alors, elles aussi, devenir de grandes zones agricoles exportant leurs produits dans le monde entier.

Comme l’Italie, la France et bien d’autres pays encore, le Mali a donc bel et bien un important potentiel agricole. Un potentiel dont une infime partie est aujourd’hui exploitée, ce qui est d’autant plus regrettable qu’une plus grande utilisation des atouts agricoles du pays serait de nature à contribuer grandement à son industrialisation, à travers les industries agroalimentaires. Le développement de l’agriculture et des industries agroalimentaires contribuerait alors à pérenniser la forte croissance économique que connaît actuellement le pays.

Il convient d’ailleurs de rappeler ici que la Mali fait partie de la plus vaste zone de forte croissance du continent qu’est l’UEMOA, un espace de huit pays dont le PIB global a connu une hausse annuelle de 6,3% en moyenne sur la période de sept années allant de 2012 à 2018. Une performance unique sur le continent pour une zone aussi vaste, et qui a contribué à faire de l’Afrique francophone subsaharienne le moteur de la croissance africaine, arrivant en tête pendant six des sept années de la période 2012-2018 (et pour la cinquième fois consécutive en 2018) et affichant une croissance annuelle globale de 4,2 % en moyenne (4,9 % hors cas très particulier de la Guinée équatoriale), contre 2,9 % pour le reste de l’Afrique subsaharienne sur la période 2012-2018. Par ailleurs, il est intéressant de constater que la croissance économique enregistrée par l’espace UEMOA sur cette même période septennale a ainsi été deux fois plus importante que sa croissance démographique annuelle, d’environ 3,0 %. Chose qui contredit clairement les affirmations de certains commentateurs, selon lesquelles une forte croissance démographique serait un frein à la croissance économique.

La Mali, et plus globalement les pays du Sud, doivent donc continuer à œuvrer à la défense de leurs intérêts, à l’accroissement de leur visibilité sur la scène internationale, et ce, sans se préoccuper des déclarations de certains commentateurs ou de certaines personnalités venant d’autres continents, et dont les intentions ne sont pas toujours les meilleures (ou dont l’attitude est motivée par la crainte des flux migratoires).

Un rattrapage démographique qui sera même nécessaire pour le Mali en cas d’instauration d’une monnaie unique ouest-africaine incluant le Nigeria, dont le poids démographique – et donc économique – constituerait une grave menace pour la souveraineté et l’indépendance du Mali, ainsi que pour l’ensemble des autres pays de la région, qu’ils soient francophones ou anglophones (selon le rapport de force démographique actuel entre le Nigéria, d’une part, et l’ensemble constitué par les autres pays de la région, d’autre part).

Au passage, il convient de rappeler que la croissance démographique, et même la surpopulation (concept dont la définition est très difficile à établir, en plus d’être variable d’une génération à une autre, depuis l’antiquité…) n’ont jamais été de nature à empêcher un pays de se développer. Comme le démontre l’exemple de nombreux pays asiatiques et européens, fortement peuplés et faiblement dotés en ressources naturelles, le développement économique d’une nation repose d’abord et essentiellement sur le respect des trois conditions suivantes : l’organisation, le travail et la discipline.

Enfin, et pour ce qui est de la protection de l’environnement, il est à noter que l’humanité, qui n’a d’ailleurs jusqu’ici utilisé que moins de 5% de l’ensemble des richesses naturelles de la planète (sur terre et en mer), malgré plusieurs siècles d’exploitation, utilise aujourd’hui moins de 1% du potentiel mondial en matière d’énergies renouvelables, considérées comme non polluantes et qui sont donc à privilégier (énergies solaire, éolienne et hydraulique, géothermie et biomasse).

Une très large sous-exploitation de ces énergies qui est également valable pour la Mali, même si des projets de centrales solaires sont en cours de réalisation. Ainsi, et compte tenu des grands espaces encore disponibles, du potentiel considérable en énergies renouvelables, et des progrès permanents de la science (dans l’agriculture, les énergies renouvelables, le traitement des déchets, l’architecture…), la Terre pourrait aisément abriter bien davantage que sa population actuelle. Et même, et n’en déplaise à certains, beaucoup plus que le niveau autour duquel devrait se stabiliser la population mondiale selon les projections les plus récentes (autour de 11 milliards d’habitants à la fin du siècle, avant de diminuer).

Auteur
Ilyes Zouari

 




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