26 avril 2024
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Le Mouvement populaire du 22 février dans la presse internationale

DECRYPTAGE

Le Mouvement populaire du 22 février dans la presse internationale

A une heure et demie de vol d’Alger, Rome, le 1er partenaire économique et culturel du régime algérien, s’enterre dans un mutisme bien ecclésiastique, vis-à-vis des événements populaires qui secouent le pays depuis le 22 février.

Au départ, le commun des mortels parmi les Algériens croyait à la traditionnelle politique « romaine » de ne s’ingérer nullement dans les affaires des autres afin de sauvegarder  les intérêts des uns et des autres. Pourtant c’est à Rome que nous avons appris que des sociétés italiennes, partenaires de nababs algériens et dans des secteurs diverses, se sont faits rouler en ne touchant aucun rond durant plusieurs mois et ce malgré la signature des engagements bilatéraux. Il est même question, à Rome, de saisir les tribunaux commerciaux milanais de compétence.

Au niveau de l’opinion publique italienne, les médias audiovisuels ne s’intéressent qu’à des événements qui touchent directement le balbutiement des graphes de la Bourse de Milan. L’Algérie est un modèle financier du XIX e siècle, donc pas de risque, même si la prime « de pays à haut risque » est livrée  aux Italiens travaillant en Algérie, nous informe-t-on à Rome. Deux titres de la presse italienne ont attiré notre attention : La Repubblica et Il Manifesto.

Le premier, un prestigieux canard au large lectorat, tombe finalement dans les filets tendus par la presse française et marocaine, sur la situation en Algérie.

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C’est ainsi que l’édition du 23/2/2019, voit dans le régime algérien une « triade » exerçant un contrôle sur le pays et qu’ils sont tous dirigés par des militaires. Un premier groupe est celui que dirige le général d’état-major, Gaid Salah, le second est composé du patron de la DSS et de Saïd Bouteflika et le troisième, celui de l’ancien « maître de l’Algérie » (certainement, après Sidi Abderrahmane ! – NDLR), le général en retraite, Mohamed Médiene.

La Repubblica, et afin de s’imprégner davantage des premières manifestations en Algérie, donna une interview à l’écrivain algérien de France, Kamal Daoud qui évoquera la recrudescence de la « violence en Algérie » par le seul fait que « la peur est passée » et que le peuple vient tout juste de faire le deuil de la décennie noire.

Jusqu’au 9 avril dernier, le grand quotidien des cercles intellectuels italiens, n’avait recueilli qu’un reportage exclusif du journaliste et photoreporter des zones de « guerres », Giovanni Porzio, après avoir eu un visa de très court séjour à Alger, ne pouvait voir dans ce soulèvement du 22 février qu’une suite aux acclamations footballeuses après un match derbies entre le MCA et l’USMA. C’est de là que l’étincelle a démarrée, selon son observation. Autant rester à Rome et savourer son plat de salade à la mozzarella e pomodori (mozzarella aux tomates), que de venir piétiner nos plats de couscous !

La presse italienne, poursuit au 8e vendredi de la colère populaire, à s’imprégner des médias Français tout comme durant les années 1990, malgré la présence d’une représentation  l’agence officielle ANSA. Mais le hic est venu d’ Il Manifesto, un journal très engagé politiquement envers les luttes populaires, faisant appel à une ancienne journaliste et correspondante à Alger, Giuliana Sgrena, afin de commenter les événements populaires et politiques, allant jusqu’à décevoir ses lecteurs et amis traditionnels.

Des relations entre l’Algérie et Israël

Il est peut-être intéressant de faire un petit tour d’horizon et consulté quelques écrits qui nous interrogent sur la vision que l’extérieur a sur nos événements. L’année 2013  revient dans la plupart des écrits de presse, de part le monde et la maladie du président Bouteflika, que le dictionnaire Hachette 2016 donne pour lieu de naissance la ville colonisée de Mellilia et non Oujda ou Tlemcen, est un fait marquant d’un délabrement politique et économique. Mais au mois de février dernier, un détail attira notre attention et nous donna lieu à lire les réactions de la presse « israélienne » sur nos événements en cours.

L’encyclopédie ouverte, Wikipédia, publie en ce février, un cours texte sous le titre « Relations entre l’Algérie et Israël ». le texte relève l’inexistence de relations diplomatiques officielles entre les deux pays, en ne notant, en terme d’historique, qu’une seul donne : l’article de l’hebdomadaire français L’Express, du 17/7/2000 et dans lequel, il est question « d’intensification » des contacts entre l’Algérie et « Israël » dans les domaines militaires et économiques.

L’hebdo français reprenait à son compte, un article du quotidien travailliste « israélien », Yediot Aharonot, qui écrivait que «  la surveillance des réseaux terroristes a stimulé la coopération entre les services de renseignements des deux pays ». Tout comme il est question de rencontre, sur le territoire italien, « d’émissaires de Bouteflika avec Dany Yalom, ancien chef du Mossad » au sujet de la formation d’une unité spéciale chargée de la protection rapprochée des « dignitaires du régime » et la fourniture d’équipements de sécurité « israéliens ».

La poignée de main entre Bouteflika et Ehud Barak, le matériel hospitalier de précision et les médicaments « israéliens », sont cités dans cet article et à ce moment, comme pour faire croire que la diplomatie des premières années de Bouteflika s’orientait de plus en plus vers le Moyen-Orient et sa sphère sioniste.

C’est ainsi que nous avons constaté la mise sur le marché algérien de divers produits « made in Israël », notamment de ventes chez des privés de capsules de Nescafé portant comme langue supplémentaire du produit, l’hébreu. De même que tout observateur avertis, remarqua la recrudescence d’investisseurs de Jordanie et des Libanais maronites dans certains sont proches des partis politiques libanais « ayant des sympathies israéliennes ».

La lecture de cette inopportune mise en ligne nous incita à faire un tour du côté de la presse « israélienne » ayant trait aux événements du 22 février. Ainsi, le 5/3/2019 dernier, le journal en ligne The Times of Israël (TTI), propriété du milliardaire américain, Seth Klarman, se considérant comme un opposant à la colonisation sioniste, publie une dépêche de l’AFP sur la libération, par un tribunal algérien, du blogueur Merzoug Touati, après avoir été « soumis à une procédure judiciaire en dents de scie depuis son arrestation en janvier 2017, après une interview en ligne avec un responsable israélien ».

Le 4/3/2019, le même journal électronique, ouvre ses colonnes à un blogueur marocain, du nom de Farid Mnebhi, qui publie une « prophétie » bien marocaine du Makhzen sur une Algérie qui « sombre inexorablement dans le chaos », après que des milliers d’étudiants, d’Alger, d’Annaba et d’Oran, ont battu le pavé, le 26 février 2019, « montrant leur colère face à ce régime corrompu qui a placé le système économique algérien au bord du gouffre. »

En évoquant Bouteflika, le blogueur marocain considère cet homme comme être « superbement connu pour être un machiavel imbu de lui-même, un corrompu dénué de scrupules, doté d’une intelligence aiguë et d’une très grande ambition tout en étant capable de risquer sa mise sur un seul coup. »

Le blogueur en question, va jusqu’à donner une leçon de politique militaire au général Gaid Salah, en lui rappelant que « le rôle de l’armée est d’assurer la sécurité des frontières, la défense de l’intégrité et la souveraineté territoriale sous les ordres du pouvoir politique et non le contraire. »

Toujours sur le TTI du gestionnaire américain de la spéculation financière et ami de Georges Soros, nous lisons un article reprit du quotidien régional français Le Progrès, un hommage  au résistant « français » Lucien Sportisse (sans mentionner sa naissance constantinoise, ni son frère William Sportisse), qui a été assassiné par des miliciens fascistes en 1944, à l’âge de 38 ans. La cérémonie a eu lieu à Lyon et en présence des adhérents de l’Association locale d’Alger-Républicain et de l’Union juives français pour la Paix.

Sur un autre plan, c’est au tour du Jérusalem Post, du 11/4/ dernier, de faire le parallèle entre la situation de l’Algérie et celle au Soudan. Le quotidien « israélien » écrit que « dans les deux manifestations, les femmes ont joué un rôle majeur et les jeunes  sont à nouveau excités ». Des manifestations qui avaient pour objectif de forcer la main à des hommes de 82 et 75 ans (Omar Al-Bashir) afin qu’ils quittent un pouvoir qu’ils détiennent depuis les années 90 du siècle passé. Il n’y a pas eu de réels changements démocratiques ou de système politique, relève le Jérusalem Post, « l’armée est intervenue à la place » puisque les « services de sécurité et l’armée, craignent le changement », avant de s’interroger, « changeront-ils simplement les rideaux tout en maintenant la maison ? ».

Les soulèvements en Algérie et au Soudan, n’ont aucun impact sur les pays du Moyen-Orient, puisqu’«aucun de ces pays n’est au cœur du monde arabe », écrit le journaliste du JP Seth I. Frantzman, et ce qui intéresse les «Israéliens », c’est beaucoup plus le Soudan qui est à proximité du Yémen et qui revêt un intérêt grandissant pour la Turquie et l’Arabie Saoudite. L’Iran, dont le général Al-Bashir a expulsé en 2016, son ambassadeur, est considéré comme un pays perdant après avoir été bien présent avec « sa contrebande d’armes par le passé » en direction du Hamas palestinien. Et le JP note avec subtilité que « certains changements sont peut-être dans l’air après la visite au Tchad, du Premier ministre Netanyahu, en janvier de la même année ». Quelques titres algériens avaient fait, auparavant, écho de cette visée géostratégique de Tel-Aviv dans la région du Sahara sahélien.

Non loin du Soudan de la révolte des ouvriers, des femmes et des étudiants, la ville de Djeddah d’où le journal en ligne Arab News est édité, publie le 5 mars dernier, une « analyse » du Dr. Théodor Karasik, chercheur de l’Institut Lexington, spécialiste de la sécurité nationale en Europe, en Eurasie et au Moyen-Orient. Un homme qui a aiguisé ses armes d’analyste dans la RAND Corporation de la CIA.

L’auteur estime que « le mécontentement populaire en Algérie est dans le subconscient collectif basé sur l’histoire et le moment n’est pas encore venu pour qu’il éclate réellement dans le domaine public, alors que les problèmes du Soudan sont bien apparent en surface de cette société ».

Selon lui, la question clé est de savoir comment, les élites du monde des affaires algériennes « vont réagir et participer à la transition du pouvoir aux côtés du prochain dirigeant algérien ». Considérant le facteur culturel comme une donnée importante dans le mouvement de contestation populaire algérien, M. Karasik, trouve que « l’Algérie moderne est cependant officiellement un Etat islamique et sa langue nationale est l’arabe ; les deux héritages de la conquête arabe débutée en 647.

La guerre ou la révolution algérienne a commencé par une insurrection dans les montagnes de l’Aurès à l’est du pays en novembre 1954. Les Algériens sont systématiquement coupés de leurs réseaux familials et de leur clans les plus importants ou encore de leurs liens tribaux, et pour cause, les Français les ont forcés à vivre dans des camps d’internement ou se sont enfuis dans des bidonvilles aux abords des villes du nord, notamment, sous l’ancien président Houari Boumediene », en ajoutant que, si l’Algérie n’a pas été touchée par la vague de la « révolution du printemps arabe » de 2011-2012, c’est parce que les Algériens « n’étaient ni enthousiastes à l’égard des manifestations, ni de tous ceux qui tenaient de changer le gouvernement, en particulier après que les forces de sécurité ont fait face à des marches peu nombreuses ».

L’ex-analyste de la CIA, en faisant le parallèle entre le Soudan et l’Algérie, considère que ces dernier font partie de la zone d’influence de la Russie qui ne fait que renforcer sa présence dans ces deux pays afin d’influencer sur le cours des événements. Mais, Karasik estime en clair que les changements de dirigeants algériens ou soudanais « pourraient faire plus de mal au Kremlin qu’il l’aideraient et pourraient même constituer un revirement majeur dans la politique de la Russie en Afrique du Nord ».  

Dans le cas algérien, relève encore ce spécialiste des questions sécuritaires, il y a lieu de reconnaître que ce qui ce passe ne peut-être défini par le concept sur utilisé et bien épuisé de « la montée de la rue arabe », mais plutôt « un mélange de griefs locaux propres à chaque pays ». en Algérie, la réalité est bien locale et se sont les Algériens, seuls, qui décideront des suites des événements.

A une époque bien récente, la RAND Corporation était un mythe référentiel pour une certaine presse nationale. Les chercheurs de cette agence n’ont jamais demandé un visa d’entrer en Algérie. Ils se sont contentés des bulletins d’informations de l’Ambassade US à Alger ou des quelques travaux superficiels d’universitaires « touristes » algériens, rarement de passage aux USA. C’est ainsi que nous lisons, dans une contribution parue le 1er janvier 2013, dans la revue du Département d’Etat, Foreign Affairs (Affaires étrangères), de la plume de M. Seth G. Jones, à l’époque directeur associé du Centre de la politique de sécurité et de défense internationale de la RAND Corporation, écrivait sous le titre de « Le mirage du printemps arabe », écrivait que « le mouvement de protestation qui a débuté en décembre 2010 dans le but de renverser le président Abdelaziz Bouteflika et d’installer un système démocratique a jailli. Le gouvernement a réprimé les dissidents et apaisé, les autres par des réformes symboliques. Même si une grande partie de la population a manqué les élections législatives de mai 2012 et que le gouvernement militaire, enraciné de longue date, a proclamé une victoire éclatante, peu d’Algériens sont descendus dans les rues en signe de protestation. »

Le commentaire évoque une Algérie qui vendait aux Etats-Unis, quelque 303000 barils par jour de pétrole, un pays doté d’une richesse énergétique qui permettait également aux autocrates de financer abondamment ses forces de sécurité et d’acquérir la loyauté des électeurs nationaux, dires l’auteur du commentaire.

Il y a lieu de signaler, qu’au sein de l’opinion américaine, la couverture des évènements en Algérie passe actuellement par le New York Times que le président Trump qualifiait de la « honte des médias ». L’édition du 3/4/2019 et sous le titre Le président algérien Bouteflika est partie. Qu’est-ce qui se passe maintenant ?, le journaliste Adam Nossiter considère que  « les rues algériennes ont réclamé la fin des 20 ans de règne du président Abdelaziz Bouteflika, ainsi que le « système » de copinage et de corruption qu’il entretenait » et que Ahmed Gaid, le chef d’état-major de l’armée «  est un ancien allié qui a tardé à faire comprendre aux manifestants que le président était physiquement incapable de jouer son rôle et qu’il était utilisé par un cercle restreint d’hommes d’affaires pour préserver leurs privilèges ».

L’article note que, si les manifestants « ont remarquablement réussi à démettre M. Bouteflika de ses fonctions, sans qu’une seule vie ne soit perdue ou que des coups de feu aient été tirés par les services de sécurité, l’impasse est loin d’être terminée » et que la main de l’ancien président continuera de se faire sentir, du moins à court terme, relève le NYT. Le gouvernement intérimaire « nommé par Bouteflika » est toujours aux commandes, et que son premier ministre N. Bédoui est perçu « comme un loyaliste et un extrémiste » puisqu’il est par l’opposition politique et les manifestations pour avoir organisé des élections législatives truquées en 2017 et « avoir violemment réprimé les manifestations ».

Au 8 avril dernier, David D. Kirkpatrick, relevait sur le quotidien new-yorkais, que « des généraux ont peut-être contraint de mettre fin aux 20 années de gouvernement du président Abdelaziz Bouteflika afin d’apaiser la foule, mais les algériens doivent maintenant faire face à la difficulté de remettre en cause le système bien établi, celui du copinage et de la corruption qu’il a laissé  derrière lui. »

Le quotidien du lobby financier américain, aux côtés des chaînes CNN et la CBS, constate que le gouvernement Bédoui est comme une création de Bouteflika et que Bensalah, un loyal à l’ex-président est un bénéficiaire du patronage de ce même président déchu. Le NYT s’interroge sur le rôle que peut jouer l’armée algérienne et « jusqu’à quel point les militaires sont-ils susceptibles de laisser les manifestants aller au bout de leur revendication d’une refonte du « système », considérant que même si le général Gaid Salah, est très acclamé par les foules de manifestants, on ne peut ignorer qu’il était partie prenante de l’ancien régime.

Lorsque le New York Times porte un certain intérêt pour l’Algérie, ce n’est certain pas par amitié ou même par hostilité, mais par intérêt financier : nos avoirs pétroliers sont à New-York, messieurs. Le mythe d’une certaine amitié historique avec Georges Washington est à mettre à la poubelle et les véritables décideurs dans la capitale yankee, lisent en premier ce journal en prenant leur café colombien amère.

Devant ce bref tours d’horizon d’écrits de presse, nous constatons une certaine régression chez l’opinion internationale vis-à-vis de l’Algérie, son histoire, son devenir et même sa situation géographique. En 1980, nos « amis » Yougoslaves (aujourd’hui, la Serbie s’élève à son tour contre le régime de la corruption et de la déchéance économique), croyaient que Ben Bella est toujours président. En 2019, l’Algérie toujours située en Afrique, est considéré par la plupart des populations européennes que ses habitants ont la peau noire, alors que nous formons une des plus belles mosaïques de la population terrestre. Les Martiens et les Neptuniens, nous connaissent mieux  que les habitants de l’hémisphère nord.

Auteur
M. K. Assouane

 




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