25 avril 2024
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Le temps politique et celui du muguet

DECRYPTAGE

Le temps politique et celui du muguet

Cette période, que chacun qualifiera comme il l’entend (1), nous indique comme un décalage entre les décisions prise, par l’institution militaire et le niveau des revendications exprimé par les marches populaires massives.

En effet, un certain nombre de décisions, si elles étaient prises « en leur temps », auraient permis une meilleure décantation et auraient porté leurs fruits, dans la recherche d’une « sortie de crise politique en douceur ».

En fait, nous constatons une réelle indigence des capacités d’anticipation des décideurs, du moment, ce qui entraine des réponses, en dehors du temps politique qui a sa propre horloge et qui tombent en obsolescence sitôt prises. En effet, dès la première marche du 22 Mars 2019, qui a surpris les clans du pouvoir, par son caractère massif, pacifique et organisé, l’institution militaire aurait dû dissuader (2) le Président de se présenter à un cinquième mandat (3), à travers la mise en œuvre, notamment, de l’article 102 de la constitution (4).

Or, non seulement, ce ne fut pas le cas mais plus grave encore, ce dernier annoncera son intention de briguer un autre mandat en se présentant aux élections présidentielles, à travers une missive suspecte… depuis Genève, où il s’était rendu pour un contrôle sanitaire de « routine » !

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Ce manque de clairvoyance, de discernement politique et d’écoute de la rue, est pour le moins affligeant (5) et va contribuer, à non seulement rendre inefficace les réponses de l’institution militaire mais également à augmenter substantiellement le nombre de marcheurs, dans un rituel hebdomadaire, qui dorénavant, va s ériger en défiance des offres politiques proposées.

De revendications claires et nettes de la rue, refusant le cinquième mandat ou le rallongement du quatrième (pour deux années ?), les marches vont se radicaliser et exiger «le départ en bloc de tout le système (Ga3 anidam).

Enfin, l’annulation pure et simple des élections présidentielles (anticonstitutionnelle et illégale) et la promesse de la mise en œuvre d’une « conférence nationale inclusive » pour discutailler de la suite à donner aux marches populaires massives, vont déclencher un sentiment légitime, de suspicion généralisée, de la part de la population, des partis d’opposition, de la société civile et des «personnalité politiques » toutes obédiences confondues, s’apparentant à une autre ruse du Président, sa fratrie et son clan, pour gagner du temps et contourner et mieux la neutraliser.

Dès lors, la mise en œuvre de l’article 102, qui allait dégommer le Président de la république, devenait sans objet car arrivé trop tard, son temps politique étant dépassé, celui du muguet ayant pris sa place !

Comment donc expliquer ce décalage catastrophique, sinon par la fragilité de la position du chef état-major, au sein même de l’institution militaire et des services de sécurité ? N’ayant pas encore consolidé sa position sur la crête du pouvoir et tenu par un serment de loyauté vis-à-vis du Président de la république, il va donc entreprendre une tournée systématique des régions militaires et des chefs de forces afin de prendre le « pouls » de la grande muette et entamer un « assainissement sélectif » du corps de bataille et des services de sécurité, pour consolider ses arrières (6).

Les dernières tentatives de sa déstabilisation par le Président, sa fratrie et son clan, ajoutés aux capacités de nuisance des retraités de l’armée et de leurs réseaux et peut-être même dit-on avec le « concours de puissances étrangères », ont toutes été déjouées de justesse, ce qui lui laisse le champ libre pour dérouler les solutions plausibles de sortie de crise en douceur et sans effusion de sang.

Comme cadeau empoisonné, il aura à gérer les scories laissées par le désormais ex-Président, comme les deux chambres parlementaires, le Conseil constitutionnel, le Gouvernement, la Commission de contrôle des élections et un certain nombre de postes sensibles de souveraineté (administratif et économique) qui peuvent nuire gravement à la stabilité du pays… mais les dangers les plus importants sont désormais derrière lui.

Des choix judicieux sont encore à prendre, afin d’être toujours à l’écoute de la rue et de ses revendications, pour préserver l’état et le fonctionnement normal de l’outil économique.

Pour le reste, des combats d’arrière-gardes sont toujours à mener contre la fortune des oligarques qui n’accepteront jamais d’en être dépouillés et pire encore, pour eux de devoir rendre des comptes, ce qui risque de les mener à la case prison.

C’est une revendication populaire incontournable mais qui devra être gérée de manière à ne pas se transformer en vengeance et autres règlements de comptes. Le cheminement est encore long et le bout incertain.

M.G.

Renvois

  1. Je me refuse pour ma part d’entrer dans ce débat byzantin car j’estime qu’il n’apporte rien à la compréhension phénoménologique de ce qui arrive à notre pays.
  2. Il nous est permis de penser qu’elle en avait encore les moyens mais pas la volonté du fait que cette situation arrangeait tout le monde.
  3. Certain pense que le quatrième était déjà de trop.
  4. La démission eut été moins humiliante que l’empêchement pour le narcissisme présidentiel.
  5. J’avais modestement attiré l’attention du pouvoir et de ses clans, dans une contribution sur el Watan du 30.12.2019 « que cette période de turbulences est délicate et incertaine et que nul n’est à l’abri d’une descente aux enfers, les militaires et les oligarques ».
  6. Le dernier en date, est le rattachement à l’état-major du DSS, en même temps que la neutralisation de son premier responsable et son remplacement par d’autres officiers supérieurs, « plus sûrs »pour lui.
Auteur
Dr Mourad Goumiri, Professeur associé.

 




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