20 avril 2024
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L’équation algérienne

ANALYSE

L’équation algérienne

Marche à Alger contre le système en place. Crédit photo : Zinedine Zebar.

« Que votre vie soit un contre-frottement qui arrête le mouvement de la machine ». David Henry Thoreau, « De la désobéissance civile. »

Face à l’épais brouillard qui recouvre le ciel algérien et dissimule l’horizon du pays, une vive inquiétude saisit le citoyen par le collet lequel est, au même temps, assez horripilé par le discours creux de la dictature des galons et harnaché par un quotidien plus qu’accablant.

Cette panade perdure depuis triste lurette comme une malédiction et les tenants du pouvoir s’entêtent vaille que vaille à voir s’éterniser la crise, aggravant le spectre de la peur et le flou, pour des dividendes politiques et pécuniaires qu’ils tirent dans une ambiance où règne une citoyenneté au rabais. 

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Objectivement, la crise politique qui malmène et l’Etat et la nation plonge ses racines au cœur même du Mouvement national et, notamment, au moment de la guerre de libération quand d’innommables purges et des conflits fratricides ont eu pour conséquences immédiates la perte d’hommes valeureux et l’écrasement de valeurs lumineuses, tous et toutes porteurs des germes de la justice et du progrès.

Le coup de force opéré par l’armée stationnée à l’extérieur du pays, en 1962, vient de donner officiellement le la à une dérive monumentale ; séquestrant l’État, niant le citoyen, excluant la démocratie pour le seul profit d’une caste omnipotente, dépositaire des richesses et des leviers de commande.

Depuis, ce péché originel ne cesse de revenir épisodiquement, comme un violent boomerang, pour secouer les consciences, et rappeler la sentence de l’Histoire : le processus démocratique comme seule solution d’une équation où la joute entre la dictature des galons et une population de plus en plus animée par une force de conviction irriguée par son bon droit à un train de vie sur lequel il voudrait exercer son entière souveraineté. 

Alors que chaque élection a tourné jusque-là en une parade loufoque, où le régime s’en sort grandit et renforcé, au moment où la Loi fondamentale – la Constitution – est triturée comme un brouillon pour le seul plaisir du monarque du moment, donner un coup de balai à ces pratiques maffieuses constitue la raison d’être du Mouvement qui a pris source à l’ombre des gorges de Kherrata avant de s’élargir aux quatre coins du pays. Et depuis, de nombreux masques sont tombés. Et la nature du régime vient, en effet, de sauter aux yeux du commun des Algériens, porteur du sceau militaire, jadis se calfeutrant odieusement derrière la lutte de Libération pour se donner bonne figure et bonne conscience.

Ainsi, avec un mépris monumental pour les chouhada, le régime a réussi à faire de l’Algérie utile son butin exclusif !

Actuellement, son bateleur en chef ne cesse de diriger le pays à partir de la caserne, trouvant une aubaine dans sa double casquette de militaire et celle politique en tant que vice-ministre de la Défense. Ainsi, en ces heures historiques, une bataille frontale se joue contre un État policier qui ne remet guère ses vices – les élections  truquées à volonté, en particulier – en cause, pire, il s’entête à les présenter comme des vertus pour espérer rester dans le sens… de la rapine impunie.

En guise de viatique politique, il faut opposer un non massif aux caprices de ce régime, faire de la résistance aux pressions de ce pouvoir et à ses élections de pacotilles, se détourner de ses pièges et de ses mornes discours, tout en restant serein pour aller consciencieusement dans la bonne voie. 

La bonne voie ? Une sagesse talmudique enseigne qu’«en cas d’erreur, il faut retourner au point où l’on a quitté la vérité. » Des expériences chaotiques que l’Algérie a eu le malheur de vivre, des illusions effondrées, les leçons ne manquent pas, les repères non plus. Et par-dessus tout, le faux pas opéré en 1962 demeure un boulet qui a empêché de construire un grand pays. Le péché originel ?

La primauté du militaire sur le politique, quand les galons se sont mis à gouverner derrière un rideau, au prix de plusieurs cadavres, quand d’autres opposants se sont retrouvés injustement au box des accusés. Il s’agit donc, aujourd’hui, d’une sincère refondation de notre modèle politique en mettant la souveraineté populaire au gouvernail, projet assez bien explicité par l’injonction du vendredi : Dawla madania, machi aaskariya ! Cette sentence sonne comme une exigence solennelle à ce que le militaire retourne vers la caserne et se contente d’accomplir ses obligations constitutionnelles. 

Cette équation d’ordre politique puise sa solution en fouillant dans l’histoire du pays. Détecter quelle peste s’est emparée du pays ? Concrètement, il faut rappeler le martyre d’Abane victime d’un triumvirat en treillis ; se souvenir de la violence faite au GPRA par une armée douée d’un insatiable appétit pour le pouvoir ; enseigner la guerre livrée par des bataillons armés jusqu’aux dents contre des opposants tels Aït Ahmed, Boudiaf, Chabani.

Il s’agit, en l’occurrence, de remettre les points sur les i là où il étaient effacés par les fossoyeurs d’une Algérie multiple, amorcer un processus démocratique passe nécessairement par la rédaction d’une Constitution soucieuse de l’intérêt des Algériens, garantissant des droits et des libertés multiples, séparant le religieux du politique, et éloignant le militaire du champ politique. En somme, sortir du sentier tracé par le militaire et choisir la voie civile. 

Voici donc venu le temps du réalisme. La Constitution, comme contrat social, préfigure un serment historique collectif en mesure de remettre le pays sur les rails d’un nouveau départ, d’un décollage vers d’autres succès sociaux, économiques, culturels. Tourner la page et asseoir une vie politique à la rigidité cernée par une éthique coercitive où l’élu – qu’il soit en haut ou à la base de la pyramide – doit être au service de la nation et surtout comptable devant ses électeurs. Il est vrai que le Mouvement du 16 février, assez soudé par l’infortune et conscient qu’aucune élection n’a amélioré le quotidien des Algériens, ne demandait ni du pain ni des logements mais quelque chose de plus valeureux : la liberté et la souveraineté.

C’est une façon de prendre une sérieuse option pour sauver l’Algérie et non une caste salement mouillée jusqu’à la moelle. Au rythme où les événements évoluent, la victoire se rapproche mais il faut savoir raison garder : par l’unité des rangs, par l’endurance et un pacifisme à toute épreuve.  

* T.D, auteur 

Auteur
Tarik Djerroud (*)

 




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