Cet ouvrage, publié une première fois en France en 1906, fait rappeler que l’immense romancier est un terrible essayiste aussi.

Dans « Les gouvernants sont immoraux », Léon Tolstoï s’élève contre la violence du pouvoir, de l’armée et de l’Eglise. Son titre à lui seul résume ce livre coup-de-poing.

Léon Tolstoï se livre ici à une dénonciation en règle contre l’incurie des dirigeants russes pendant la guerre russo-japonaise pendant laquelle l’armée russe a subi une cinglante défaite. L’auteur avance aussi une réflexion sur la violence en général et l’inanité des guerres. « Nous savons que les armements et les guerres sont insensés, funestes, conduisent à la ruine matérielle et à la déchéance morale, cependant nous continuons à sacrifier nos vies et notre travail à ces dieux ». Ce qui rejoint ce que disait Machiavel : «  un prince ne doit avoir d’autres préoccupations, d’autre pensée, ni consacrer ses études à autre chose, qu’à la guerre, et à l’organisation de la discipline militaire ».

Léon Tolstoï introduit même dans cet ouvrage la notion de l’inutilité de l’Etat. Et s’attaque à la nécessaire maintien de l’autorité. Sentencieux, il écrit : « Les gouvernants sont toujours les plus mauvais, les plus insignifiants, cruels et immoraux et, par-dessus tout, les plus hypocrites. Et ce n’est point là le fait du hasard mais bien une règle général, la condition absolue de l’existence du gouvernement ».  

Bien sûr, Tolstoï pour parer à tout ça et contre cet Etat qui faillit, l’essayiste propose un un christianisme. Révisé. Voire une certain obéissance volontaire. « Le sacrifice, en effet, est facile seulement à l’homme religieux, à celui qui considère sa vie dans l’univers, comme une manifestation partielle de la vie universelle, et croit devoir, par la suite, se soumettre aux lois de cette vie éternelle ». Quatre après la mort de Tolstoï éclatait la Première guerre mondiale. Il a eu de la chance de ne l’avoir pas vécue.

K. G.-A.

Les gouvernants sont immoraux, de Léon Tolstoï, collection Les Cahiers rouges de Grasset.