26 avril 2024
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Les harraga, un drame qui ne dit pas son nom

REGARD

Les harraga, un drame qui ne dit pas son nom

Une chercheuse a eu l’audace, il y a quelques années d’interroger un harrag algérien arrivé en Europe par la mer et le convaincre de l’inutilité de son choix, mais la réponse de ce dernier l’a fortement déstabilisée.

« J’aime mon pays, lui explique-t-il, mais c’est mon pays qui ne m’aime pas! Voilà le problème! » Et de poursuivre sur un ton convaincant : « En Algérie, on ajoute de l’eau à la mer, on ne donne qu’à ceux qui ont déjà les poches pleines! Mais merde, il faut que ça change un jour!

Nous, on nous ne donne rien! On s’en tire pas avec ces gens-là. C’est de véritables poulpes. C’est même des requins. Un requin ; il mange tout et ne laisse rien. C’est trop! Je n’ai jamais voté et ne voterai jamais. Peut-être que la seule chose pour laquelle je voterai : c’est ma barque! »

Et voilà que la coupe est pleine. Le registre du désespoir de la jeunesse algérienne n’étant pas à décrire : une prison noire, cadenassée de toutes parts par des frustrations de toutes sortes. Mais, purée, où est la solution, quand la seule issue qui reste face à des milliers de jeunes désemparés et déprimés, est l’épreuve de la grande traversée de la mer ?

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Griller les frontières, brûler les obstacles, se plaindre à la mer de la négligence et de l’abandon de leur mère (Algérie), fuir les rentiers et ce pays qui leur semble (aux harraga) à jamais irrécupérable, c’est là toute la symbolique de ce départ massif et aventurier de nos jeunes vers l’eldorado tant fantasmé, tant rêvé, si chéri, de l’Europe.

Une Europe qui se ferme de plus en plus aux étrangers, qui sombre dans la crise et les crispations identitaires, qui tend à se bunkeriser face à une Afrique en pleine naufrage! « Takoulni houta wa ma takoulnish douda », (je préfère être dévoré par des requins que rongé par des vers!), dit enfin ce harrag algérien, désabusé, pour faire la totale de ses dégoûts. Et puis, ici aussi, les choses vont de mal en pis : on ne sait plus où va le grand navire? : à l’Est, à l’Ouest, vers le Nord ou au Sud ?

La nouvelle Algérie tant attendue n’est, paraît-il, que de la poudre aux yeux : les activistes sont jetés en prison, les journalistes réprimés, le Hirak mis en veilleuse à cause de cette « saloperie » de pandémie qui n’en finit pas de moissonner des mortels à travers le monde! Où est l’issue alors mon Dieu?

Quel enfer pour nos jeunes qui demandent secours, en vain, à ceux qui « décident de leur sort »! J’ai eu l’occasion de regarder personnellement, ces derniers jours, un reportage sur Berbère-Télévision sur des jeunes bougiotes perdus, après avoir essayé de rejoindre l’autre rive de la Méditerranée, et c’était affreux! Des pères de famille, des mères, des jeunes garçons ainsi que des filles, des parents éplorés, étaient face à l’écran, en train de parler du malheur qui les accable.

Un malheur sans nom, comparable à cette histoire de « martyr sans sépulture », dont la famille ne garde que le souvenir. Perdre un fils à la fleur de l’âge, sans savoir s’il est mort ou vivant? parvenu à l’autre rive ou croupissant dans les geôles ibériques ou italiennes? retenu ou détenu? dévoré pour un requin ou un crocodile ?

C’est là le propre drame de la société algérienne d’aujourd’hui qui se réveille à la vie, tout en agonisant, tout en perdant ses repères, ses balises, sa voie, son destin. Il faut agir vite avant qu’il ne soit tard! Vite! très vite! Car on est très en retard et il va falloir ressouder les liens coupés entre la population et ceux qui la gouvernent, pour espérer reconstruire une « véritable Nouvelle Algérie », basée sur la Justice.

Une justice qui s’appliquera à tout le monde, sans exception ni sélection, ni parti pris. Une justice juste quoi!       

 

Auteur
Kamal Guerroua

 




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