25 avril 2024
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Logorrhée discursive ou impasse programmée ?

DEBAT

Logorrhée discursive ou impasse programmée ?

Le chef d’état-major, Ahmed Gaïd Salah, a, après quelques semaines de silence, gratifié le pays (pas le peuple car il ne sait plus à quel peuple s’adresser) d’un nouveau discours dont le contenu tranche avec les précédents : il a le mérite de la clarté.

Il n’y a pas d’autre issue à la situation actuelle que des élections présidentielles, bien évidemment organisées et contrôlées par le gouvernement que Bouteflika a installé avant d’être lui-même désavoué. Un sous-entendu de Gaïd Salah : Bensalah restera président d’Etat jusqu’à l’installation du futur président élu. En contrepartie, le chef d’état-major se prévaut du trophée de la lutte contre la corruption, conduite jusqu’ici à l’initiative de Bab Jdid, de la poursuite de la noria de responsables politiques de premier plan qui ont versé dans la magouille et de hauts prébendiers de la famille oligarchique.

1. D’abord, la lutte contre la corruption :

  • La lutte contre la corruption et plus largement contre les délits et crimes économiques pouvait très bien ne pas prendre comme point de départ la gendarmerie : cela implique que la justice traite uniquement ou en priorité les affaires diligentées à Bab-El-Djedid ;

  • Statistiquement parlant, l’indépendance de la justice est mieux respectée lorsque c’est celle-ci qui charge un des corps de sécurité habilités par la loi à conduire enquêtes et investigations; elle peut également faire appel, en l’occurrence, aux profils très pointus de la Cour des comptes, de l’IGF (Inspection générale des finances) et de l’Inspection générale de la banque d’Algérie. Globalement, la justice risque moins d’être sélective quand les initiatives sont prises ici et là.

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Appartient-il à l’institution militaire de « veiller à entreprendre avec détermination la voie de la lutte contre la corruption », comme le précise avec insistance Gaïd Salah ? Celui-ci a-t-il le mérite de cette lutte ? Sous-entend-il que, sans lui, rien n’aurait été fait par la justice ou que les choses n’auraient pas été faites aussi rapidement ou de façon aussi spectaculaire ? Le pays ne vit pas de la justice spectacle ni de justice expéditive.

La présomption d’innocence est un droit dont tout accusé doit bénéficier effectivement. Au surplus, dans ce genre de dossiers, le pays a, de loin, davantage besoin de la réparation des préjudices en monnaie(s) sonnante(s) et trébuchante(s) que de l’incarcération des malfaiteurs indélicats. La justice se sent-elle obligée de remplir les prisons pour satisfaire le peuple ou, au contraire, pour être bien perçue par les initiateurs des poursuites ?

La réparation des préjudices porte sur tous les transferts indus – au titre des surfacturations – et sur les contrats indélicats de même que les redressements fiscaux ainsi que les pénalités qui y sont liés. Cela au titre des stocks, c’est-à-dire toutes les opérations traitées jusqu’ici. Les réparations sont de nature à rétablir au moins le niveau le plus élevé atteint par les réserves de changes, d’une part, et à suppléer la monnaie non conventionnelle créée, d’autre part.

Par ailleurs, les prix qui seront pratiqués à l’importation à l’avenir permettront des économies importantes sur l’équilibre de la balance commerciale, toutes choses égales par ailleurs, et last but not least, l’Eta pourra faire l’économie des subventions des prix des produits de première nécessité. La politique de redistribution pourra alors être réexaminée. Le budget de l’Etat sera, en effet, moins contraint et la ressource publique réorientée vers d’autres types de besoins.

Mais, à l’évidence, le bienfait de cette lutte ne peut être réparateur pour l’économie que si cela ne tarde pas à être réalisé. Il importe que les premiers résultats apparaissent rapidement pour rassurer les décideurs économiques.

2. La substantifique moelle du discours

Maître des horloges, le chef d’état-major ne fait plus dans les circonvolutions verbales : il n’y a qu’une seule voie de dialogue possible, celle dans laquelle le peuple souverain doit écouter son tuteur. Il lui faut « éviter la formulation de nouvelles revendications et de propositions qui ne sont guère adéquates, voire pas du tout objectives et s’inscrivent dans le cadre des pratiques non constructives.»

Ce n’est donc pas la voix du peuple qui doit prévaloir dans le dialogue, mais plutôt le tempo du maître. Dans le raisonnement, la légitimité n’a plus de place face à la prétendue légalité. En effet, que reste-t-il de la légalité ? C’est le dialogue « dont les résultats pourront satisfaire la majorité du peuple algérien, pour aboutir à une solution consensuelle au service de l’Algérie et de ses intérêts.»

De quel peuple s’agit-il dont la majorité serait disposée à une solution consensuelle ? Y en a-t-il un autre que celui qui manifeste pacifiquement depuis bientôt quatre mois, un autre que celui que représente la société civile, laquelle est sortie avec une feuille de route unique, un autre que celui que représentent les partis politiques qui ont fait des propositions ? Ah oui ! Il y a le FLN et le RND. Il y a le peuple qui réhabiliterait Bouteflika.

Alors, le pays a déjà perdu trop de temps : revenons au premier avril avec un joli poisson pour les prochaines marches. Il suffira, pour cela, que les élections soient « libres et intègres » comme le veut Gaïd Salah.

Adieu veaux, vaches, cochons…

Si le pays s’installe dans la nasse le risque du précédent vénézuélien serait aux portes d’Alger.

Auteur
Mustapha Baba-Ahmed

 




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