16 avril 2024
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Malika Domrane : des gènes rebelles, une voix de diva

Impérieuse culture du terroir 

Malika Domrane : des gènes rebelles, une voix de diva

Quand Malika Domrane chante, on l’écoute ! Quand Malika Domrane s’exprime, on écoute !

En guise d’hommage, nous vous reproduisons l’article qui lui avait été dédié dans le journal Libération en avril 2001, à l’occasion des 21 ans du printemps berbère. Vingt ans après, le texte n’a pas pris une ride. Il peut se reproduire dans dix, trente ou cinquante ans, il aura toujours la même puissance. Une force qui porte en elle les stigmates de blessures qui se refusent obstinément de se refermer. 

Ironie du sort, en avril 2021, Malika Domrane a frôlé le pire. Atteinte de Covid-19, elle avait été hospitalisée dans un hôpital parisien. Elle a traversé une épreuve très difficile, « un coma artificiel ».

À travers son récit, c’est un peu notre histoire commune que nous sillonnons, celle de la Kabylie, l’éternelle rebelle, qui se résume.

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Par le biais de cet entretien, on reconnait bien Malika la combattive, Malika la malicieuse, mais aussi Malika la délicate, Malika la princesse de nos vingt printemps. 

Quand Malika Domrane se confie (1)

« J’ai vu pour la première fois mon père à mes 8 ans. Il militait pour le FLN. Il a été emprisonné à Fresnes. Il n’a jamais rien demandé après l’indépendance. Je dois tenir de lui. Là où je vais, je me bagarre. » Malika Domrane, reconnue pour ses chants dérangeants, est aussi la grande chanteuse moderne kabyle. La première star de cette 21e commémoration du soulèvement populaire survenu en Kabylie le 20 avril 1980, avec au cœur des revendications la langue kabyle. « J’étais infirmière dans le service psychiatrique de Tizi-Ouzou. On nous ramenait des gens tabassés, traumatisés. J’ai quitté le comité féministe pour le comité de vigilance de l’hôpital. J’y étais la seule femme parmi des bonshommes qui ne s’entendaient pas », dit Malika, mettant le doigt sur les luttes intestines qui minent les mouvements politiques kabyles depuis trente ans (depuis la nuit des temps, est-on tenté de rajouter).

« Les morts kabyles sont morts pour les vivants. Il faut donc penser aux vivants », insiste la chanteuse reconnue pour la puissance de sa voix, son lyrisme blessé et son rire exorcisant toute peine, surtout celles des femmes du Djurdjura où elle est née. « Tizi-Hibel est connue pour sa joie de vivre. Durant le ramadan, chacun faisait ce qu’il voulait, chrétien, musulman ou athée. » Dès ses 7 ans, Malika faisait partie d’une chorale, avant de devenir la première voix de « Tullas n’Ǧeṛǧeṛ » (2) : « à Tizi-Hibel, on me demandait de chanter Slimane Azzem, le chanteur de l’émigration kabyle. Les garçons faisaient du scoutisme, les bonnes sœurs nous apprenaient la vie des abeilles et à ne pas tricher. »

Malika voit sa vocation contrariée. « Chez nous, le milieu artistique est considéré comme débauché. J’ai bravé mon père en me rendant à un concours scolaire de musique à Alger. Le président Boumediene m’a remis la médaille. C’était en 1969. Je ne comprenais pas pourquoi on m’interdisait ce que les garçons faisaient. »

En 1969, un producteur la fait chanter avec le playboy Sofiane. « C’est finalement ma chanson Boubrit qui est devenue le succès du disque Trema », raconte Malika à propos de cette berceuse détournée (Boubrit, c’est tout simplement Beauprêtre, ce maréchal féroce de l’époque coloniale utilisé comme croquemitaine des enfants kabyles). À partir de là, « on m’a piqué des chansons, arnaquée, mais je ne suis pas accro à l’argent », rajoute Malika.

Elle se rappelle sa première arrestation à l’aéroport d’Alger, alors qu’elle partait en France : On m’a mise dans une cellule avec des prostituées, des droguées. Une autre fois, on m’a arrêtée à l’aéroport avec Maâtoub Lounès. J’ai été giflée en pleine salle d’attente et Maâtoub a reçu un coup dans le dos. Là je n’avais pas peur parce que je connaissais déjà leurs cellules. » Plus tard, ce seront les menaces au téléphone, les filatures qui pousseront Malika, son mari et leurs enfants à quitter l’Algérie pour Paris en 1994 : « Un dicton de chez nous dit : « La brebis mange paisiblement dans le pré mais ne cesse de regarder à droite à gauche ».

Le rêve américain de Malika Domrane (texte reproduit de sa chaine YouTube (3))

Le 28 juin 2018, je réalisai un rêve… Le rêve américain ! En effet, je m’étais rendue au pays de l’oncle Sam pour un spectacle, invitée par les cousins d’Amérique ! L’accueil fut somptueux à l’image d’une star américaine ! Je fus attendue à l’aéroport de New-York par une voiture limousine. Arrivée à l’hôtel, je découvris une chambre de type suite ornée d’un gros bouquet de fleurs, bornée au sol par des pétales de roses, le tout en parfum d’élixir ! Pour ma part, je dois franchement vous avouer, mon cher public qu’il s’agit de la première fois de ma vie dans ma carrière pourtant longue, que je connais de tels égards : Je remercie Amara Challal et toute l’équipe de m’avoir tant honorée ! Le concert se déroula à la hauteur de l’événement, la commémoration du 20ème « anniverssassinat » de Lounes Matoub !

Pour l’apprécier, rien ne vaut l’écoute de l’un de ses plus grands succès, le très mélodieux « Tayriw temut ». Ce titre est un sacré affront porté aux gardiens de la morale. Elle y parle sans complexe de ses émois. Autant de son premier béguin que de son dernier.

Il faut rajouter que du temps où elle n’était pas encore persona non-grata à la télévision algérienne, Malika Domrane faisait de petites apparitions remarquées sur la petite lucarne. Il me revient en mémoire une interview, pendant la parenthèse démocratique, (fin des années 1980 ou début des 1990) dans laquelle elle présentait son dernier produit, un double album abouti, aussi bien en musique qu’en paroles. Une merveille qui n’a pas subi les affres du temps. À écouter sans modération.

Fait rare pour être signalé, Nna Malika est l’autrice de tous ses textes. C’est dire, la maturité artistique de cette grande dame kabyle qui représente, à elle seule, une grande partie de notre patrimoine culturel.

Tayri-w temmut (4)

Tayri-w temmut

Am terga seg aman texsi

Nɣantt di tefsut

M-iğuğğeg lwaṛd ir kkel-i

Leḥmala-w tamezwarut

Yis-en at d tilli

D leḥmala-w t-angaru-t

Yis-en at d tilli

 

Ah !!!

Temẓi innu tfut

Tɛedda urtt n walli

 

Ur den fett xemmim-eɣ felak

D tawwi-ɣ lewṣifa-k

S-amkan anda nett mlill-i

Γuṛṛi imi d-aẓekka-k

D tmeğid-eɣ fellak

Ṛuḥ aken id iwali

 

Ah!!!

Ul-iw yet umlek

Kul-ass isawal-ak

A lɛemṛ-iw

 

Tayri-w temmut

Am terga seg aman texsi

Nɣantt di tefsut

M-iğuğğeg lwaṛd ir kkel-i

Leḥmala-w tamezwarut

Yis-en at d tilli

D leḥmala-w t-angaru-t

Yis-en at d tilli.

(1) Source https://www.liberation.fr/culture/2001/04/21/malika-domrane-grande-voix-et-forte-tete-kabyle_361995/

(2)https://lematindalgerie.comtullas-ngerger-la-chorale-magique-des-annees-mythiques

(3)https://www.youtube.com/channel/UCvKPClnP_pDCLEnZrYjPeYw/videos

(4) Source : http://www.music-berbere.com/paroles-malika-domrane-tayri-w-temmut-ia-56-ip-384.html#ixzz6yh8CGVIH

Auteur
Kacem Madani

 




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