28 mars 2024
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Me Younsi, l’avocat de Kamel Chikhi : « Il est impératif qu’Abdelghani Hamel soit auditionné »

Dans un entretien accordé à El Watan

Me Younsi, l’avocat de Kamel Chikhi : « Il est impératif qu’Abdelghani Hamel soit auditionné »

Dans l’entretien exclusif qu’il nous a accordé, Me Saïd Younsi évoque des détails troublants relatifs à cette affaire et ne manque pas de soulever des questionnements sur les «interférences» et la «partialité» de la justice, le double jeu des autorités espagnoles, l’intérêt des Américains pour le dossier et les zones d’ombre qui entourent ce scandale.

– Vous nous avez déclaré, il y a plus d’une semaine, avoir déposé sur le bureau du juge de la 9e chambre du pôle pénal spécialisé d’Alger, chargé du dossier des 701 kg de cocaïne, une demande d’audition de l’ex-Directeur général de la Sûreté nationale, Abdelghani Hamel. Avez-vous eu une réponse ?

Notre demande a été effectivement déposée il y a deux semaines. Nous attendons la réponse…

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En Watan : Pensez-vous que le juge ira jusqu’à auditionner l’ancien patron de la police ?

Les propos tenus publiquement par l’ex-patron de la police devant les caméras de télévision sont très importants pour nous en tant que défense du principal prévenu. Il a parlé de graves dépassements lors de l’enquête préliminaire et a déclaré détenir des informations sur le dossier.

Il est donc essentiel pour nous d’avoir plus de précisions. Raison pour laquelle nous avons estimé, dans l’intérêt de la vérité et en dehors de toute considération politico-politicienne, de demander au juge de l’entendre dans le cadre de l’instruction judiciaire. Notre confiance en le magistrat est très grande.

Dans ce dossier, c’est la vérité qui compte et pour y arriver, il faut utiliser tous les moyens. Nous sommes convaincus que l’ex-patron de la police détient une part de vérité qui pourrait aider la justice à élucider cette affaire.

Je ne veux pas anticiper sur les événements. J’ai confiance en la justice. Mais pour donner plus de crédibilité à l’instruction, il est impératif que l’ex-patron de la police soit auditionné.

– Où en est l’enquête judiciaire justement ?

En ce qui concerne l’affaire de la cocaïne proprement dite, et pour laquelle sont poursuivis et détenus Kamel Chikhi, ses deux frères et trois autres personnes, il n’y a rien, à l’exception de l’envoi des commissions rogatoires.

– Beaucoup parlent d’un filtrage des images enregistrées par les caméras de surveillance installées dans le bureau de Kamel Chikhi pour épargner certains hauts responsables. Qu’en pensez-vous ?

Je ne veux pas être affirmatif, mais il y a des faits troublants qui suscitent des interrogations.

– Par exemple…

Parmi les images, on voit un conservateur dans le bureau de Kamel Chikhi, avec un juge, président d’un tribunal administratif. Le conservateur est en prison, le magistrat n’a jamais été inquiété. Je ne dis pas que ce dernier est impliqué.

Mais je me pose des questions. Plus grave encore, il y a aussi cette visite à Kamel Chikhi d’un responsable au ministère de la Justice. Pour quelle raison ce responsable se déplace-t-il en prison pour discuter avec Kamel Chikhi ?

– Avez-vous une réponse concernant cette visite ?

Pas pour le moment.

– Pensez-vous que l’affaire risque d’être traitée de manière orientée ?

Je ne dirais pas qu’elle est orientée. Mais je constate des situations troublantes qui suscitent le doute. Si l’on se réfère au dossier, Kamel Chikhi a été mis en prison parce que la drogue était dissimulée dans une marchandise qui lui était destinée.

A supposer que c’est la vérité, pourquoi ni le fournisseur, ni les membres de l’équipage, ni la compagnie maritime de transport n’ont été appréhendés ? Pourquoi Chikhi est le seul à avoir été placé en détention, alors qu’il est poursuivi pour commerce international de drogue ?

Cette affaire démontre qu’en Algérie, les importateurs ne sont pas protégés par les lois. Chikhi a été emprisonné avant même que sa marchandise n’arrive au port. Souvenez-vous de l’affaire des 165 kg de cocaïne saisis à Alger en 2012.

La drogue était dissimulée dans des cartons de poudre de lait importée par l’Onil (Office interprofessionnel du lait et des produits laitiers, ndlr). Peut-on croire qu’une société publique puisse pratiquer le commerce international de la drogue ?

– Vous semblez très serein alors qu’il s’agit là d’une grave affaire…

Vous savez, lorsque Kamel Chikhi a vu les images des boîtes de viande contenant de la drogue diffusées sur les chaînes de télévision, il n’y croyait pas. Il a envoyé un de ses agents au port d’Oran, pour vérifier de visu.

Le navire était en rade le 29 mai, alors qu’il devait accoster le 31, si je ne me trompe pas. L’agent l’a rappelé pour lui dire que le conteneur en question était le sien, mais pas les scellés. Ils ont été changés. Raison pour laquelle, Chikhi était à l’aise.

Pourquoi la drogue n’a été trouvée que dans un seul conteneur sur les 15 ?

Tout de suite, un mail a été envoyé au fournisseur brésilien, qui a transmis tous les documents attestant les différents contrôles effectués au port de Santos avant l’embarquement de la marchandise à bord du navire, mais aussi à l’abattoir avant que celle-ci n’arrive au port.

A Valence, le conteneur en question a été ouvert, sans la présence des personnes concernées, puis refermé.

– Avez-vous été informés par les autorités portuaires espagnoles de l’ouverture des scellés du conteneur où la drogue était dissimulée ?

Pas du tout. Personne n’était au courant.

– Est-ce que les autorités portuaires de Valence ont le droit d’enlever les scellés sans en informer le propriétaire de la marchandise ou le transporteur ?

Valence est un port de transit. Les autorités n’ont pas le droit de procéder à l’ouverture des conteneurs sans la présence du représentant de la société de transport maritime, du commandant de bord et du chargé de la sécurité des conteneurs à bord du navire.

Même en cas de soupçons, ces personnes doivent être présentes. Or, toutes disent ne pas avoir été informées.

Pourquoi ? On n’en sait rien. Les autorités portuaires affirment qu’elles avaient des soupçons sur le contenu et à ce titre elles ont pris la décision de faire une visite de contrôle, qui n’a rien décelé.

– N’ont-elles pas utilisé les moyens de détection de la drogue ?

C’est la question que nous avions posée aux autorités portuaires et leur réponse a été surprenante. Elles ont dit que le contrôle était visuel.

Est-ce possible ? Dans tous les pays du monde, lorsqu’il y a des doutes sur la présence de drogue, on recourt au scanner ou à la limite aux chiens renifleurs et les résultats sont immédiats.

C’est quand même troublant qu’on puisse suspecter la présence de drogue dans une marchandise et qu’on réagisse par un contrôle visuel.

– Voulez-vous dire que les autorités portuaires espagnoles ont fauté ?

Bien sûr ! Ouvrir le conteneur en l’absence des concernés est une grave erreur. Si les autorités avaient suspecté la présence de la drogue, elles auraient dû utiliser les moyens pour la détecter, et ce, en présence des personnes habilitées.

Si leur intention était de laisser partir la drogue, il ne fallait pas qu’elles enlèvent les scellés.

– Croyez-vous que la drogue pourrait avoir été embarquée à Valence ?

Je ne sais pas. Je me pose des questions. Il y a trop de points d’interrogation. Les scellés ont été enlevés avant d’être remis, en violation de la réglementation internationale. D’ailleurs, le mouchard placé sur les conteneurs frigorifiques a indiqué une hausse de température assez longue à Valence au niveau du conteneur où la drogue se trouvait.

De plus, ce dernier se trouvait en haut, alors que normalement, il devait être en bas du navire, comme les autres conteneurs frigorifiques, pour être alimenté en électricité.

Mieux encore, dans ce conteneur, ils ont trouvé des équipements, des lampes munies de balise de géolocalisation, des sacs hermétiques et des cordes avec des anneaux en acier. Pourquoi ? Est-ce pour jeter quelque part la drogue ? La question reste posée.

– Qui, sur le navire, aurait pu se charger de jeter la drogue ? Les membres de l’équipage ?

Il n’y a que les membres de l’équipage qui peuvent assurer une telle mission. Cela se passe en pleine mer.

Comment se fait-il qu’ils n’ont pas été inquiétés ? Je pense, qu’il a dû se passer quelque chose en Espagne qui a déstabilisé le réseau au point de lâcher tout, y compris la marchandise.

– D’après vous, qui a informé les autorités algériennes de la présence de la drogue sur le navire ?

Je ne le sais pas. C’est une énigme pour moi. Il n’y a rien dans le dossier qui indique comment les autorités algériennes ont eu l’information. Même le rapport de l’enquête préliminaire ne le mentionne pas.

La presse a repris les déclarations de deux ambassadeurs qui méritent d’être bien analysées. D’abord, les propos de l’ambassadeur américain à Alger, qui dit que son pays suit de très près cette affaire.

Pourquoi un tel intérêt ? Nous avons même lu des informations sur la présence en Algérie d’agents de la DEA (services américains de lutte contre le trafic de drogue, ndlr). Est-ce pour enquêter ?

Peut-on comprendre que cette marchandise appartient à un cartel qui aurait échappé à la vigilance de ses services ? Il faut trouver les réponses. Puis, il y a l’ambassadeur d’Espagne à Alger, qui affirme que l’alerte est venue de son pays.

– Pour tout le monde, ce sont les autorités espagnoles qui ont alerté sur la cargaison…

Cela ne ressort pas dans le dossier. Si l’information est venue d’Espagne, pourquoi alors les autorités portuaires de Valence ont-elles laissé partir la marchandise ?

Est-ce qu’un Etat peut jouer ce double jeu : d’une part, il alerte sur la présence de la drogue, et de l’autre il envoie un écrit officiel pour dire qu’il n’a rien trouvé dans le conteneur lors de la visite de contrôle ? C’est quand même troublant.

– A votre avis, pourquoi avoir arraisonné le navire au lieu de le laisser entrer au port et suivre la marchandise jusqu’à ses destinataires ?

C’est aux donneurs d’ordre de l’arraisonnement qu’il faut poser cette question.

– Qui sont-ils ?

Puisque ce sont les gardes-côtes qui sont intervenus, et tenant compte de la hiérarchie, l’ordonnateur ne peut être que le chef de l’état-major de l’ANP. Mais c’est quand même intrigant que le navire soit arraisonné avant qu’il n’arrive au port.

On aurait pu le laisser décharger la marchandise pour savoir à qui la drogue était destinée.

– Y a-t-il, d’après vous, des raisons qui auraient pu pousser les donneurs d’ordre à privilégier l’arraisonnement du navire à la surveillance de la marchandise jusqu’à sa destination ?

Si ces raisons existent, elles ne peuvent être que tactiques ou stratégiques. Si elles sont tactiques, c’est qu’il y a une volonté de brouiller les pistes menant vers les véritables propriétaires de la marchandise.

Si l’arraisonnement du navire répond à des raisons stratégiques, c’est que cette affaire a été utilisée dans le but de régler des comptes.

– La drogue a été trouvée dans des cartons identiques à ceux de la viande, mais marqués juste d’un petit triangle pour les différencier. Ne croyez-vous pas qu’elle aurait pu être embarquée au port de Santos avec la complicité du fournisseur brésilien ?

Minerva Food, qui est le fournisseur, est un géant de l’exportation de la viande. C’est une entreprise qui exporte vers de nombreux pays. Elle a un label à préserver.

C’est vrai que la drogue était dans des cartons identiques à ceux de la viande, sauf que chacun de ces derniers était marqué d’un tout petit triangle. Ceux qui ont fait ce travail sont de véritables professionnels. Ils ont pensé à tout.

Lire la suite dans El watan.com

Auteur
El Watan

 




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