Lundi 4 mai 2020
Merci l’artiste, merci Idir
Fidèle auditeur d’Idir, notre contribution à cet hommage ne s’appuie que sur notre modeste connaissance de ses textes et de sa poésie.
Je n’ai eu qu’une fois l’occasion d’échanger brièvement avec lui. C’était en 1987. Il donnait un concert dans les Yvelines. Je suis allé le voir et je fus introduit pas son guitariste et fidèle ami Tarik que je connaissais. Nous avons discuté de la question identitaire à laquelle je consacrais une partie importante de ma thèse. Il m’avait promis d’essayer de venir à ma soutenance à la demande des membres du jury. Mais ses obligations professionnelles ne lui ont pas permis d’être là.
Aussi, c’est avec humilité et simplicité que je veux contribuer à lui rendre un hommage à sa personne, et à son ses chansons qui ont bercé ma jeunesse et bercé l’enfance de mes enfants.
Salem Chaker, dans un hommage* à Da L’Mouloud Mammeri, écrivait ceci après son décès tragique dans un accident de la route en ce 25 février 1989 : «Ce qui était mortel en lui nous a quittés, comme le veut certes une loi de la nature. Mais à partir de ce moment, il reste présent dans notre être essentiel et impérissable. Présent par le rayonnement d’une œuvre écrite majeure, présent dans l’obscure lumière d’une vie de héros sans ostentation. Tant que l’Algérie qu’il a contribué à faire, vivra, il vivra nous aurons toujours besoin de lui à nos côtés. Il vivra, il ne manquera pas de répondre à notre appel. Pour l’instant, il rêve merveilleusement, il ne sort pas de son rêve. »
Et bien Idir est et sera toujours là, parmi nous. Depuis ce samedi 2 mai, il est et sera éternellement présent en chacun d’entre nous grands et petits, éternellement présent dans chaque empan de la montagne kabyle Derdjer dont il dit ceci :
lemmer heddern idurar
tilli agh d innin
ayyen ccfan
ayyen yellan d lesrar
d w ayyen gh fren ussan
agh d innin ar d innin
agh d innin af ayyen I aadan
ay adrar negh aalayen
a win yesbern I zzman
tighaltin ik s ideflawen
yernan tafa n itran
innid innid ma sghurek id nefruri
innid ghas innid
nebgha nszer d acu yellan
ay adrar negh aalayen
nebgha ad agh d innid
ayyen ur neszri
ayyen êhkan d w ayyen nnan
mkul wa amek ara ‘ d inni
ghas innid ma d arraw ik
negh wissen ma neghlid seg iggeni
innid innid ma sghurek id nefruri
innid ghas innid nebgha nszer d acu yellan
Idir est présent, il est et sera dans le moindre caillou, le moindre ruisseau et dans le moindre coin de toute demeure kabyle. Il occupe l’espace artistique et culturel et son œuvre s’est inscrite dans l’universalité spatio-temporelle.
Comme son ami Lwenas (Matoub), Idir sera toujours là, il sera présent et nous accompagnera à chaque instant, il sera là au détour de nos discussions, il occupera nos esprits, son œuvre universelle parlera éternellement de et pour lui. Hier Idir n’est pas mort. Il est juste parti pour un voyage. Demain, après-demain, l’an prochain, il demeurera vivant, bien vivant et bien parmi nous.
Idir à travers son œuvre est au cœur du combat identitaire. Idir a chanté, chante et chantera encore à travers toute son œuvre et demain sans doute à travers la voix de Tanina sa fille, l’oiseau, symbole de liberté, de notre liberté d’amazigh.
Dans « Izumal », Idir rend un vibrant hommage à tous les Hommes épris, comme lui et comme ses ancêtres Amazigh de liberté, et qui croulent dans les prisons pour la seule et unique raison : avoir dit ce qu’ils pensaient et dénoncé tout haut toutes les formes d’injustice et d’oppression.
Izumal Les companons
Aḍ izumal sleqyuḍ tsekwmamin Oh compagnons enchaînés et baillonnés
Ḍi yir tamurt ġzmen asen awal En vils pays où on censure
I wiḍ d innan tiquranine Ceux qui osent dire la vérité
Aḍ Izumal asvern uysen Des compagnons qui endurent
A svern uysen sevren Qui endurent et n’espèrent plus
Tiyita tebweď si ŷes Le coups ont atteint l’os
Lihala tmal teġla yessen Le chaos les a emmenés dans son sillage
Lihal tmal walan tafat mi tselles Assistant ainsi à l’éclipse du soleil
Times tuŷal ţiremt nsen Le feu devenant leur seul butin
Tiŷri teched i yiles Le cri leur sortit de la gorge
Aḍ izumal sleqyud ţukmamin Oh compagnons enchaînés et baillonnés
Ḍi yir tamurt ġzmen asen awal En vils pays où on censure
I wiḍ d innan tiquranine Ceux qui osent dire la vérité
Aḍ izumal neslaya wen Oh compagnons nous vous avons entendus
Nesla mi w ngern slassel Entendus quand ils vous enchaînaient
Yewet uhemal imettawen Un torrent de larmes a coulé
Lad yesekfal lemkahul Déterrant ainsi les armes
Rahen iḍammen Le sang devint nauséabond
Urrif ḍi rrsas layfettel La colère diffuse ses balles
Ay izumal Oh compagnons
S leqyuḍ ţuḳmamine Enchaînés et baillonnés
Il a chanté et chantera à travers chacun de nous sa Kabylie, notre Kabylie, il est issu des entrailles de ce peuple, de cette terre kabyle, de cette montagne kabyle, son histoire, ses héros à l’image de cette belle chanson qui ancra le combat identitaire dans ses racines profondes. L’ancêtre retrouvé redonne au peuple kabyle sa fierté. Jughurtha est alors ressuscité.
Ur ẓriɣ ansi-d kkiɣ
Ur walaɣ s anda tedduɣ
Mi kkreɣ ad steqsiɣ
Ad afeɣ liḥala tluɣ
Amzun seg iggeni id ɣliɣ
Ccah deg-i imi tettuɣ
Ccah deg-i imi tettuɣ
Muqlɣ tamurt Umaziɣ
Yugurten walaɣ udem-ik
Nnesma-nni n wanda lliɣ
Hulfeɣ tcewwek s isem-iw
Tabrat-ik segmi i tt-ɣriɣ
Ferheɣ immi lliɣ d mmi-k
Ferheɣ immi lliɣ d mmi-k
Beddeɣ di tiɣilt sawleɣ
Tiɣri-w teɣli ɣer walluy
Mekkneɣ lewhi-w ad sleɣ
Alleɣ itezzi irennu
Tdal-d lqebla muqleɣ
Tumer-iyi-d tennad knu
Tumer-iyi-d tennad knu
Mazal ad neɣz ad nmuqel
Ad nelḥu, ad nesteqsi
Ulac tardast ara nezgel
Ad nessiɣ tafat ma texsi
Ma nḍeggeɛ lkenz n leɛqel
Aneɣrum-is ulansi
Aneɣrum-is ulansi
Idir a voué tout son amour avec sincérité, constance, une grande sensibilité et beaucoup d’humilité à son peuple, à ses villages kabyles, aux hommes, aux enfants et aux femmes. Idir est et sera pour nous le symbole de la tolérance, du respect de nos différences et de notre diversité et il est resté un farouche défenseur de sa Kabylité.
Et comme son ami Lwenas, Idir était profondément attaché à son algérianité dès lors que ce pays qu’il chérissait tant l’’acceptait dans sa singularité de kabyle. Il aimait dire ceci : « En Algérie, on accepte de me délivrer un passeport, mais on m’empêche de parler, enseigner et cultiver ma langue. En tant que kabyle, je voudrais être un algérien à part entière et non entièrement à part, comme c’est le cas aujourd’hui. »
Cette année 2020, sera pour tous une année inédite et pour nous kabyles à plus d’un titre. La perte d’’Idir dans ces moments de confinement sera une douleur qu’il sera difficile d’exprimer. Comment en effet accepter notre sort et accepter ainsi de ne pas accompagner notre chantre à sa dernière demeure, lui qui nous accompagnés tout au long de notre vie, lui qui nous a bercés ? Comment ne pas être aux côtés de sa fille, de ses proches dans ces moments de deuil?
On continuera ainsi à penser à lui, à porter haut et fort son message de tolérance, à chanter haut et fredonner son œuvre, porte flambeau de notre culture, de notre histoire, de notre identité qu’il a porté au-delà des frontières de notre Kabylie.
A bientôt cinquante années consacrées pleinement à son art, profondément ancré, à l’image de l’olivier, dans les profondeurs de notre terre et de notre terroir, Idir nous lègue une œuvre consacrée, sans relâche, à la dénonciation de toute forme d’injustice, de d’obscurantisme sous toutes ses formes, à la défense des valeurs humaines de tolérance et de respect des différences. La chanson « A jeggig » en est le témoignage poignant de son combat.
Isaggaḍen n tafat Chasseurs de lumière
Aḥ yeġma ujeḡiġ ḍi lefjer Une fleur éclot ce matin
Aḥ yecraq yitij f ssifas Le soleil éclaire sa beauté
A iŷad yiwen was kan ig dder J’ai peur qu’elle ne vive qu’un jour
Ima cfan akw medden fellas Que les gens ne s’en souviennent
A wer yessin meskin wemġer La faucille est ignorante
Yeḳcem ŷer yiger Qui pénètre les tiges
Aḥ i ġezmit ḍi ţnasfa Et les coupe en leur milieu
Aḥ ŷas yemut macci yenġer Mais même mort il reste vivant
Imi azeka ad yeker ġmas Car demain naîtra son frère
Uḥ tezram achal ḍ ajeggig yemŷin Que de fleurs renaîtront
Ḍ ţġuj ḍ a yulin Que de piliers se dresseront
A nufa asmi ŷ dyebwad u hemal Nous vîmes à l’arrivée du torrent
A nufa ziŷ kra ibedden yetsmal S’affaisser tout sur son chemin
Wer nuki mi gewet lebraq L’éclair * nous a échappé
Tarsed tafat seg ġeni Et une lueur nous éclaira du ciel
Yenḥez weḍrar yeṭarďaq La montagne s’est ébranlée
A zḥir ur iban ansi Son origine nous échappa
Aniḍat ujeḡiġ iŷab Où est la fleur* cachée « savant »
Yaεraq ḍayen iruh awi zran sani On ne sait où elle a disparu
Aḥ refḍent i sagaden n tafat Les chasseurs de lumière l’ont enlevée
Wiḍ yezḍeŷn akin i w aġu Qui derrière les nuages s’éclipsent
Imnayen ḍat twenza ur yedal tuyat Les cavaliers sur leur monture ailée
At lebraq seg fus lay lehu En un éclair l’ont rattrapée
A fkant i wagur wu lmaryat Et vers la lune ils l’orientèrent
Ġer yetran yerrat Et entre les étoiles l’ont placée
A ġarasen aḍ yeḍḥu Afin que parmi elles elle évolue
Aḥ yaεraq ḍeg ġeni nwalat Dans le ciel nous l’avons repérée
Aḥ meskin yugaḍ at netsu Elle a peur d’être oubliée
Uḥ itran uran ismis ḍi teġnawt Les étoiles l’ont fixée au ciel
Uḥ ur yezmir hed at yemhu Et nul ne peut l’effacer
Ma twalam itri iwumi tzal tafat Si étoile scintillante vous observez
Zert ḍ neţa iŷd iḥḍane asefru C’est elle qui nous adresse un poème
Ma twalam itri iwumi tzal tafat Si étoile scintillante vous observez
Ah, cfut ḍ neţa iŷd iḥḍane asefru C’est elle qui nous adresse un poème.
«Ma twalam itri iw umi tzad tafat, zert et hsut dh netsa igh d ihdhan asefru – Si vous voyez une étoile qui brille fortement, sachez que c’est elle (ici le poète) qui nous adresse son poème. Idir était très fortement attaché à une grande figure de la culture kabyle, originaire d’At Yenni comme lui et à qui il vouait un énorme respect. Respect pour se droiture, sa modestie mais aussi et surtout pour l’œuvre colossale accomplie pour la sauvegarde de cette culture kabyle, Amazigh. Cette éminente personne c’est le regretté Dda Lmouloud Nat Maammar. Pour célébrer l’’écrivain, le chercheur, le poète, Idir lui dédia cette belle chanson : « Amedyaz – Le poète».
Allen iw ger itran
Tsnadint igenwan
Wissen anda tellîdh
Tiziri yedwan
Tessard iszekwan
Wis ma’gh d t tswali
Negwrad d imeghban
Mi gh ikelx zzman
Ggudjlen w ussan
Inghaten usemmîd
Anwi id as innan
Lefraq yes s âdan
La y tstru umkan
Anda ik rran
Anda ik djdjan
Wissen anwa i d itri
I deg i tettilîd
Nesawel i yal amkan
Ur neszri anida tensîd
Tawrirt n Mimun
Anda fellak run
Dinna id tettnerni
Sennig lkanun
Lefnar yettargun
I tmendârt sligh
Ayyen igh d ‘hekkun
Imgharen isefrun
D agwni ittwattun
Dinna it en turîd
Ad fellak cfun
Ulamek ar k ttun
Ulamek ar k m’hun
Ghas ulac ik tellîd
Tura d imeghban
Imi gh ikelx zzman
Ggudjlen ussan
Inghaten usemîd
Anwa id as innan
Lefraq isâdan
La ittru umkan nni
I deg i tettghimîd
Anda k rran anda ik djan
Wissen anwa i d itri
I deg i tettilîd
Nsawel i yal amkan
Ur neszri anida tensîd
Dans son combat sans relâche et d’une constance sans faille, Idir se savait, en homme sage qu’il était et enseigné par la vie, vie dont il porte bien le nom, ces derniers temps traqué par la mort. Il l’a côtoyée en permanence au point où elle est devenue un ami-ennemi dont il ne pouvait se passer. Il nous y a préparés de longue date. Dans son combat contre sa maladie, Idir l’a combattue dignement et avec la sérénité et le calme qu’on lui connait. Sa chanson « Lmut » vient ici à point nommé.
Comme a-t-il vécu ce moment où la mort vous approche. J’espère qu’il l’a affrontée sans souffrance. Je t’imagine là dans une position seigneuriale, la saluer en retirant ton fameux chapeau noir, tirer ta révérence à la vie qui t’a tant donné et à qui tu as tant donné en retour.
Lmut La mort
I ḳuḳraŷ ḍ aŷbel n lmut Je crains l’angoisse de la mort
Asmi ad yerzu ŷuri Le jour où elle se présentera à moi
Mi sliŷ s tizyaw temmut Quand j’ai appris la mort des amis
Ugaḍeŷ ula ḍ nekki ni La peur s’est emparée de moi
Yeŷlid tlam ŷef tmurt Le village sombre dans les ténèbres
Asmi d bweď lmut Le jour où la mort l’a atteint
Tebwďed teżeld afus is Elle est là tendant sa main
Kulwa yegguni tabburt Et chancun la guettant au seuil de sa porte
Argaz tamettut Hommes et femmes
Yerġaġi ŷef w arraw is a yemma yemma Tremblant de peur pour ses proches
Ula ḍyiwen maḉi teţut Mais la mort n’épargne personne
Acimi ara nrut Alors pourquoi pleurer, se lamenter
Am kulwa a tidyas was is Chacun connaîtra son jour
I gemmuten dizumal mazal umazal Tant de compagnons sont morts
A ţirni iţ msetbaεen ayema yema Se suivant les uns les autres
Ḍel mektub neŷ ḍ lmijal Est-ce leur destinée ou leur jour venu
Yeḉaten wakal La terre les a ensevelis
Ay asmi εddan ruhen a yema yema Leur passage fut éphémère
Ayen iruhen ur d yeţuŷal Et le souvenir de leur passage
Siwa ḍeg w awal Seuls les mots le consacreront
Atni d ţadren medden ayema yema Seuls les gens se le rappelleront
Allah, Allah Allah, Allah
Iŷadiyi uġettum n llim Seule me peine la tige du citronnier
Yezlen di tesġa am saru Gisant dans un coin telle une tresse
Allah, Allah, Allah Allah, Allah, Allah
A maken is cudden aŷusmar Et qu’on lui attacha les mâchoires
Tizya s trefḍ asefru Et ses compagnons lui dédièrent un poème
A maken is meḍlen allen Et lorsqu’on lui ferma les yeux
Yemma s taεzizt a teţru Sa chère mère fondit en larmes
Lukan ḍ lεabḍ it yenŷan Si sa mort était un fait d’homme
Nek yiḍes ar nemsegru Je le combatterais sans concession
Imi ḍel mut a yagi Mais c’est la mort naturelle
A nerfeḍ isem is xir ma nru Chantons son nom et évitons de pleurer.
Oui Idir nous a quittés mais son œuvre le maintiendra vivant pour nous, pour l’éternité. Oui on le retrouvera dans chaque enfant qui fredonnera ses chansons, dans la voix de chaque maman qui entonnera ses berceuses, dans SSendou. Oui on l’entendra au-delà des mers et des frontières. Oui on l’écoutera dans la voix de Tanina, de Stina la Finlandaise, de Maxime Le Forestier, et d’autres voix. Oui demain on chantera Idir à Paris à Tokyo, à Alger et Moscou, à Tizi et Helsinki, à Berlin et à Turin.
Oui demain, « A vava inouva » resonnera à travers toutes les villes de la planète. Oui comme ses milliers de personnes qui tous les soirs rendent hommages à toutes ses personnes qui soignent, demain nous la chanterons tous en cœur. Elle restera gravée en nous comme sont restées gravées les inscriptions de notre histoire berbère millénaire sur les parois du grand et immense Hoggar. Oui on entonnera tous demain et après-demain « Avava inouva » et bercerons nos enfants et petits-enfants aux rythmes de « Ssendu » et bien d’autres chansons que tu nous laissées en héritage.
Non ta voix ne s’est pas tue. Elle restera éternelle et résonnera demain, cet été comme le suivant, et dans les foyers, durant les fêtes, en chœur, on entonnera Zwits rwits, Ay azwaw su mendil awragh. Non on entendra toujours ton vibrant message de vigilance quant à notre identité. Cette identité que tu as défendue avec amour, avec passion mais aussi sans violence. Tu nous as ainsi montré qui nous sommes. « Amli yi » est là sera éternellement là pour nous rappeler qui nous sommes.
Mliyi Dis-moi
Mliyi abriḍ n tlelli Dis-moi où mène l
Sanga ye tsawi Le chemin de la liberté
Abriḍ yeţawin Ce chemin qui mène
Yekkad si tuḍrin Il provient des villages
Isub si ŷuzran Mène vers les torrents (fleuves)
Yelhaq timḍinin Et atteind les villes
Yeţawi ŷer tafat Et mène vers la lumière
Sanga ur neţmeţat Là où on ne meurt pas
Abriḍ llejḍuḍ C’est le chemin des ancêtres
Ibaned n walat C’est bien lui on le reconnait
Amiliyid tiŷri Dis-moi l’appel
Lejḍuḍ isehhan De ces vrais des aîeuls
Anwi is yeslan Qui l’a entendue
Taŷuct ay sliŷ La voix que j’ai perçue (entendue)
Yerna tsin bŷiŷ C’est celle que je désirais
Ḍ acewiq yelḥan C’est un bel acewiq (cantate)
Id yecna w maziŷ Voix chanté par l’Amazigh
La yeqqar ŷurwat Qui dit : « prenez garde »
Lwaqt akw nifat Que le temps ne vous trompe
Atfet ḍeg zuran Prenez-soin de vos racines (origines)
Telhum ŷer zḍat Et regardez vers l’avenir
Amiliyid Rebbi Dis-moi si Dieu
Ixelqaŷed ḍ leqbayel Qui créa les kabyles
Wissen anda yexser Où s’est-il trompé
Miliyi d Dis-moi
Ixelqaŷed ḍ leqbayel Il nous créa kabyles
Acuŷer ig beddel Pourquoi a-t-il changé
Ur yelli ḍ Rebbi Ce n’est point Dieu qui voulu ceci
Ig bŷan tagui Celui qui voulu ceci
Anwi ţ ixeḍmen Et qui l’a bien fait
Ḍ lεabḍ am nukni C’est un être comme nous
Yetsnaḍi ar neŷfel Qui cherche à nous leurrer
Miŷ yeḡa lasel Et nous prive de nos racines
Yeksaŷ tameslayt Et de notre langue
Iwaken an beddel Pensant ainsi nous changer
A miliyi d Dis-moi
S yeŷriben n theyar Nous émigrés, sommes intrigués
Ansi id nuŷ azar D’où nous venons ?
Ḍ arraw iḍurar Nous venons des montagnes
Xas ma ḍ iŷriben Bien qu’émigrés
Ulamḳ at nenkar Même si on le renie
A ṭir inasen Dis leurs toi l‘oiseau
Ŷas baεḍent wallen Bien que loin des yeux
Nem qarab ḍeg ul Nos coeurs vous sont proches
Aqlaŷ garawen Nous sommes des votres
A mli yi Dis-moi
Ma s taεrabt igura ddin Si le Coran est en arabe
I nukni ur ţ nefḥim Et nous ne la comprenons pas
A mliyi ma Dis-moi si
Ini inselmen Dis, les musulmans
Maḉi ala dhi aεraben Ne sont pas tous des Arabes
L’Islam isahed Et que l’Islam appartient
I ḳra bw it yumnen A tous ses croyants
Setmeslayt ines Chacun le paratique
Yal wa iεabd it Dans sa langue
Yelha ixeḍmit Et c’est bien ainsi
Setmeslayt ines De la pratiquer dans sa langue
Nukni s teqbaylit Et nous ce sera en kabyle
A mli yi taqbaylit Dis-moi comment le Kabyle*
Ameḳ ara tedder Peut-elle vivre (survivre)
Mur s digwri later S’il on lui coupe ses racines
Ayaqcic arras Ô enfant réponds-lui
Ayizimer ksas Ô toi l’agneau aussi
Wi bŷan taqbaylit Qui veut ou tient à la langue kabyle
Aḍ yissin tiras Doit connaître son écriture
Awal ḍ usefru Son vocabulaire et sa poèsie
Uqebl at neţu Avant qu’on ne les oublie
Asa εynani Aujourd’hui sans nous cacher
Aḍ yehfedh tiras Il faut apprendre son écriture
Awal ḍ usefru Son vocabulaire et sa poèsie
Uqebl at netsu Avant qu’on ne les oublie
Awal ḍ usefru Son vocabulaire et sa poèsie
Uqebl at neţu Avant qu’on ne les oublie
Asa εynani Aujourd’hui sans nous cacher
Ḍi lkaŷed at naru Nous la fixerons par écrit
Pour t’accompagner vers ta dernière demeure, celle qui nous attend tous, quoi de mieux (je suis sûr que tu partageras ce plaisir ma pensée) que de citer ton ami et compagnons de toujours Lwenas qui avait toujours une pensée vivante en toi. Tu nous répétais constamment que Lwenas était toujours là.
Ddunit felli at keffu Abrid s azekka yengger Lgettaw arts staafu Ur yetszad dgi uhebber Ul iw yeqber yenter Yegga yi sber Ssura ikecmits burekku
A sidi Rebbi kkes felli lwahc uzekka HulfaY ad teddu atsaya Lmut Yer Yuri Qqimet a lehbab beslama Yidhwen dhayenni
Et bien vas le rejoindre pour vous tenir compagnie. Et de là où vous trouverez veillez sur nos générations futures et envoyez-nous votre message de soutien et d’alerte. Votre combat doit se poursuivre.
La mort est question de destinée et comme dit la sagesse kabyle « Ayen yuran dhi twenza ur tsefdhen iffasen ». Ton heure est arrivée et tu l’as accueillie avec sagesse et sérénité. Tu nous as toujours apporté de la joie dans nos foyers, dans nos contrées. Et cette joie m’amène à finir cet hommage dans la joie de la vie et je vais citer la chanson qui célèbre tudert, la naissance et symboliquement célébrer Idir qui signifie la vie. Célébrons la vie, ta vie. « Ay l xir inu »
Ay a lxir-inu fukken imetawen
A ttejra lehlu tesgem-d afriwen
Yewet-d ubahri llehna
Izzuzen ulawen
Ay a lxir-inu
Wexer-et aka ay at wexxam
Awnettigh d azrem
Limmar win itthazagh s yiles-iw
Ad felli tezm-em
Anefrah i bab n tmeghra
Winna i mu yecbah yisem
Ay a lxir-inu
Esligh i layadh d areqaq ghar tama n ufella
Esligh i llufan yujjaq ay ilul di lhara
Edhsan wudmawen
Ad esneg tameghra
Ay a lxir-inu
Ihub leghwabi, ludha d usawen
Iwet-d ubahri d arqaq
Yesself udmawen
Heggi-mt lhenni i win aezizen
Ay a lxir-inu …
Ay a lxir-inu …
Ay a lxir-inu …
Idir qui signifie vivre a vécu pleinement sa vie d’artiste mais aussi d’homme. Il nous laisse tous orphelins comme nous Dda Lmouloud dont tu as si bien évoqué la perte quand tu chantais :
Negwrad d imeghban
Mi gh ikelx zzman
Ggudjlen ussan
Inghaten usemîd
Anwi id as innan
Lefraq isâdan
La ittru umkan
Anda ik rran
Anda ik djdjan
Oui aujourd’hui c’est notre tour d’être les orphelins de Idir. Orphelins qui avons pour dure mission : poursuivre son combat pour les libertés individuelles, pour plus de justice, pour une Algérie enfin réconciliée avec son histoire, une Algérie fière de son identité, une Algérie riche de sa diversité, une Algérie tolérante.
Drôle de coïncidence, ton ami, ton compagnon nous a laissé aussi par un samedi. Va ainsi le rejoindre. Il t’attend. Rassure-le et sois toi aussi rassuré les bourgeons du printemps berbère que nous avons célébré cette année dans le silence du confinement vont éclore et continueront d’éclore pour que votre œuvre collective soit menée à bon port.
Vas Hamid, vas ton œuvre, tes chansons s à l’image de celles de tes aînés Slimane Azem, Lhesnaoui, Cherif Kheddam et bien d’autres encore resteront éternellement présentes. Tes chansons continueront à bercer notre quotidien et demain celui de nos enfants et petits-enfants.
Vas Hamid vers là où des voix t’appellent. Celle de ta maman, celle de tes ancêtres, celle des poètes et écrivains et de tous ces artistes épris de liberté et de justice.
Que ton âme repose en paix à côté de ceux qui t’ont guidé dans ta vie artistique. Vas retrouver tes aînés. Salut Le grand Cheikh Lhasnaoui, sans oublier le barde le barde Dda Slimane et le maestro Dda Cehrif, salue-les tous un par un et dis leur que la culture kabyle est entre de bonnes mains.
Oui comme tous ces artistes Idir tu seras toujours parmi nous. Oui tu seras éternellement présent dans nos discussions, nos rêves, nos pérégrinations, dans nos livres, nos écoles. Oui tu nous accompagneras comme une ombre, notre ombre de jour comme de nuit, hiver comme été. Oui on suivra ses traces-
Aneddu dhi latr ik, An kemmel abridh ik Ad nernu deg awal ik Iwakken adh yiYzif laamer ik.
Idir yella yella Tellidh idelli Tellidh assa assa Ats ilidh azekka Garanegh tellidh lebdha Win s innan Yidir yemmut Winna hesbit yesrugmut Yurwat, yurwat at n tsut Yas akka tebwit lmut Awal id yegga yedhhar Ilaq adh sneg leqrar Awa lis ar dh at naru At nesselhu at nessefru Abrid id yegga yenggar IlaqY ar dhat nedfer Yurwat hadert awal is Ur tetsut isem is Cfut ddut dhi later is El Hamid yella yella Yella idelli Yella iw assa Adh yili azkka Adh yili i lebdha
Vas Hamid, vas Idir et que ton âme repose en paix et comme le disent les gens de chez qu’elle se retrouve dans le vaste paradis auprès de ta maman chérie.
Vas, vas rejoindre la galaxie et d’en haut rejoindre les étoiles que tu nous feras scintiller et briller afin qu’elles puissent éternellement nous guider et indiquer ta trace.
Je ne te dirai jamais adieu Idir. Tu seras là et ta voix planera au-dessus de moi, de nous. Au revoir l’artiste. Aujourd’hui je te tire mon chapeau. Merci pour cette belle aventure qui restera gravée à jamais dans nos mémoires.
(*) Je ne peux prétendre connaître Lhamid l’homme ou Idir l’artiste. Je ne fais que rendre modestement un hommage à une personne, un personnage qui a marqué notre vie. Notre très modeste connaissance de l’artiste tient tout simplement de la même connaissance de son grand auditoire dont nous faisons partie comme tant d’autres f