29 mars 2024
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Oubliez le prix Nobel, M. Bouteflika, il n’est pas pour vous ! (1re partie)

Chroniques du temps qui passe

Oubliez le prix Nobel, M. Bouteflika, il n’est pas pour vous ! (1re partie)

L’on retiendra que la candidature du Bouteflika au prix Nobel de la paix 2017 fut annoncée en même temps que la quasi-faillite financière du pays, le recours à la planche à billets et l’écroulement de la monnaie nationale sur le marché international.

Ainsi pensent les écuyers du Président : la renommée internationale peut s’acheter pour un président qui a mené son pays à la ruine et qui l’a isolé du monde à force de se cramponner à son fauteuil. Avec l’argent de Hassi-Messaoud, ces vieux truands ambitionnent de s’offrir la gloire et monnayent le prix Nobel comme on monnaierait une toile de maître, encouragés dans cette foucade par une armée de courtisans.

On se rappelle qu’en 2008 déjà, le vaillant président était parti à la conquête du prix Nobel de la Paix et sa chance, alors, était d’être parrainé par un vaillant Comité international de coordination, composé des plus intrépides courtisans que n’effraient ni la stature des concurrents ni la modicité de l’œuvre de leur poulain.

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Armé d’une caisse noire, de quelques billets d’avion et d’un audacieux panégyrique agencé dans un long et ennuyeux texte, le preux Comité travailla à convaincre la planète de l’apport historique de Bouteflika à la paix dans le monde. La démonstration reposait sur l’apologie de la politique de réconciliation nationale que le chef de l’État avait mise en œuvre depuis 1999, un exercice risqué et largement discutable en ces temps où le pays connaissait un regain d’attentats mais que le Comité mena avec ce qu’il faut de culot et de talent du parfait bonimenteur. La prétention du président était d’autant plus remarquable qu’il allait se mesurer à 196 autres candidats qui, cette année-là, postulaient comme lui à l’immortalité, et parmi lesquels de redoutables challengers comme l’ancien chancelier allemand, Helmut Kohl ou le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso.

Mais ce n’était pas la premières fois que le chef de l’État algérien postule à cette haute distinction. Rappelons-nous sa téméraire candidature pour le prix Nobel de la paix 2006 ! Un « Comité national de préparation de la candidature au prix Nobel du président de la République » et dont seuls les esprits chagrins pourraient douter de l’indépendance et de la spontanéité, en avait fait dûment la demande auprès de la commission du Parlement norvégien. Ce comité qui se chargeait « bénévolement » de parrainer la candidature du chef de l’État serait né d’une idée souveraine d’un organisme jusque-là très discret, l’Union nationale des inventeurs et de la société innovante (Unisi) et qui, à la faveur d’une si généreuse initiative, sort d’un ingrat anonymat pour rejoindre notre association oranaise dans le palmarès des courtisans incongrus.

L’Unisi n’a d’ailleurs pas hésité à s’inspirer de ladite association et de s’attaquer à la complexité des oscars en décidant d’une initiative aussi grossière que téméraire : l’octroi à Bouteflika de la qualité d’innovateur pour avoir été l’initiateur de la réconciliation nationale ! « Nous avons longuement discuté, après quoi on s’est dit “pourquoi pas ? », révèle, sans rire, le porte-parole de ce singulier organisme qui, ne craignant ni le ridicule ni les foudres des dieux de la science, va jusqu’à soutenir que « la notion de « droits d’auteur de la réconciliation nationale » a été l’idée appendice et qui dit droits d’auteur dit produit de création ou d’innovation. » Pour ce savant émérite, « Bouteflika n’a pas seulement innové, il a révolutionné le monde politique avec le concept de paix et de la réconciliation qui a mis fin à une tragédie nationale. »

Nos chercheurs cajoleurs, à la vocation strictement altruiste, et qui, lit-on dans le Jour « sillonnent sans relâche le pays pour collecter les signatures de soutien requises pour défendre les chances de nomination du président », ne désespèrent pas de graver le nom de Bouteflika, « père de la réconciliation nationale », aux côtés de personnalités aussi illustres que Martin Luther King, Mikhaïl Gorbatchev, Mère Térésa, Desmond Tutu, Yasser Arafat ou Nelson Mandela.

Nous étions alors au premier anniversaire de la Charte pour la paix. Un an après le référendum que le subtil Ahmed Ouyahia nous présentait comme le prélude à une fête nationale, les attentats n’avaient baissé ni en nombre ni en sauvagerie et à peine un terroriste sur six avait daigné se rendre aux autorités. Mais qu’à cela ne tienne ! Les gens du bunker présidentiel, obsédés par l’idée de ne pas accabler le souverain, se laissent griser par le vent du mensonge et de l’hypocrisie, ne répugnant pas à présenter un pays où les soldats sautent encore sur des bombes comme un pays pacifié dont le chef est éligible à la renommée mondiale !

L’amnésie est décidément un redoutable outil de gouvernance !

Coluche avait raison : « C’est pas compliqué, en politique, il suffit d’avoir une bonne conscience, et pour ça il faut avoir une mauvaise mémoire ! »

S’il faut, en effet, un certain courage pour recevoir de soi-même l’aveu de ses propres fautes, il en faut sans doute davantage pour faire de la reddition laborieuse de deux cents terroristes une performance politique méritant le prix Nobel de la paix !

Alfred Nobel, précisément parce qu’il a inventé la poudre, aurait certainement souhaité récompenser d’un trophée en toc des dirigeants qui savent si bien la faire parler dans le vide .

Depuis le sacre, en 1927, de Ferdinand Buisson, fondateur et président de la Ligue des droits de l’homme et, en 1931, de l’Américaine Jane Addams, récompensée pour avoir brillamment animé la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté, le Nobel a toujours conforté des militants des droits de l’homme. Y compris ceux persécutés dans leurs propres pays, comme l’Argentin Adolfo Pérez Esquivel ou l’avocate birmane Aung San Suu Kyi. Au risque de contrarier un peu plus Bouteflika, on ajoutera que le Nobel de la paix a su aussi encourager la liberté syndicale par le couronnement, en 1951, du Français Léon Jouhaux, vice-président de la Confédération internationale des syndicats libres ou, en 1983, du Polonais Lech Walesa, fondateur de Solidarnosc. C’est-à-dire des adeptes de l’autonomie syndicale qui font le même travail que Redouane Osmane et qui, chez nous, auraient été placés sous contrôle judiciaire !

Voilà pourquoi Bouteflika se trouve disqualifié dans la course au trophée. Il a agi en totale adéquation avec ses idées sur octobre 1988 mais, du coup, en totale opposition aux critères fixés pour l’obtention du Nobel.

Laissons le Nobel de la paix aller à ceux qui, parmi les 191 postulants portent la lutte pour la liberté dans le monde.

De leurs tombes, Alfred Nobel et les martyrs d’octobre 1988 nous en seraient probablement reconnaissants.

L. M.

Auteur
L.M.

 




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