28 mars 2024
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Pourquoi la société algérienne reste otage du conservatisme ?

Débat

Pourquoi la société algérienne reste otage du conservatisme ?

Un grand chambardement idéologique secoue depuis des décennies la société algérienne, qui n’arrive toujours pas à trouver sa voie. Coincée entre l’obsession d’un conservatisme irréductible et la volonté d’un progressisme irréfutable, cette société se voit vaciller au gré des uns et des autres. La condition de la Femme en Algérie comme dans les pays du Maghreb est marquée par une lutte entre conservatisme progressisme.

Ces dernières semaines, elle a occupé, une place prépondérante dans la presse et les réseaux sociaux, aussi bien pour des événements violents et dramatiques que pour des annonces politiques chargées d’espérance. Dans un autre registre, les démocrates tentent vaille que vaille de préserver les quelques acquis qui leur restent, nonobstant les exactions qu’ils subissent et du pouvoir en place et des « gardiens de la morale ».

L’agression d’une jeune joggeuse, Ryma, à Alger a pris une tournure que d’aucuns ne s’attendaient. Violentée, rouée de coups, la jeune Ryma s’est dit horrifiée des suites de son agression, de surcroît, ses assaillants l’ont sermon de rejoindre l’espace qu’il lui est réservé, en l’occurrence la cuisine. Cependant, d’autres scènes de violence sont enregistrées au quotidien, où des jeûneurs sont malmenés, des femmes violées. Comment interpréter ces différents événements intervenus en Algérie ?

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Dans ce cadre culturel séculaire, le statut de la femme relève de la charia du point de vue des conservateurs qui se sont investis dans un islam politique appuyé sur une vision salafiste qui fait de la femme une question politique centrale en préconisant un retour aux seules dispositions de la charia. Ceci a eu pour effet de cristalliser les pesanteurs sociales et culturelles que le développement avait quelque peu bousculées et d’induire des comportements individuels et collectifs rétrogrades qui tentent de réduire le rôle social de la femme dans la société et de limiter sa présence dans l’espace public tout en lui imposant un habit standard.

Le hic, des femmes soutiennent ce retour au rigorisme moral quitte à ce qu’elles deviennent « l’esclave » de l’homme (mâle). Signes de cette tendance sociale moralisatrice à vouloir limiter l’espace public aux femmes, à leur imposer un type de tenue vestimentaire ainsi que de nouveaux codes islamistes rigoristes et puritains laissent entrevoir un retour à un conservatisme béotien. Dans l’univers des conservateurs, la femme est l’épicentre du séisme humain.

Le corps féminin est un péché, la voix de la femme est un appel au viol, son regard est synonyme de sorcellerie…Autant de sobriquets qui visent à cantonner la femme dans un milieu restreint qu’est la maison.

Dans cette béate indifférence des autorités, des démocrates soucieux de leurs acquis ne veulent pas baisser les bras devant ces égorgeurs d’hier, devenu des héros d’aujourd’hui. Noyés dans un discours herméneutique, les conservateurs ne démordent pas qu’une certaine frange de la société aspire à meilleur lendemain où tout un chacun s’émeuve pleinement dans ses droits, loin des carcans de l’obscurantisme. Les thématiques usuelles des islamistes basées sur l’hostilité au « Grand Satan » qu’est l’occident, et plus largement sur le rejet de la laïcité, se nourrissent de la misère du bas peuple, rongé par la misère.

Le marché religieux, en sus revitalisé, joue davantage sur les affinités spirituelles et la misère sociale pour se repenser comme acteur de la vie. Protestation sociale et innovation religieuse communient ainsi en un même élan. L’idéologie du conservatisme s’arcboute sur un discours social qui se conçoit sur la transformation des réalités et non pas sur le compte-rendu, le reflet, la traduction des réalités.  Un discours social qui se révèle séducteur, mais en réalité réducteur.

Mais qu’est-ce qui explique un tel retour au conservatisme ? Le problème est lié à notre élite et à notre système politique dont la doctrine est devenue plus rétrograde et conservatrice. Ces dernières années, y’a une influence accrue par le conservatisme et la religion qui dépasse l’entendement. Il suffit de constater le taux de port du foulard des filles et des femmes de nos responsables. Faire une Omra (petit pèlerinage) plusieurs fois par an et le Hadj (le grand pèlerinage) chaque année fait désormais partie des rituels des nouveaux riches, notamment ceux de la classe politique. «Stérilité » de l’esprit, « monolithisme » de la pensée, « omniprésence » de la moralisation sont autant de maux qui secouent l’Algérie d’aujourd’hui.

Extrême pauvreté, inégalités sociales, chômage de masse chez les jeunes, mainmise des dirigeants et de leurs proches sur les richesses nationales, poids du clientélisme et persistance de l’autoritarisme : c’est la conjonction – et la persistance – de ces facteurs qui expliquent ces frictions perpétuelles et pas uniquement l’absence de démocratie politique.

Au milieu de ces blessures béantes, des progressistes tentent vaille que vaille de « sauvegarder » les acquis démocratiques, sérieusement menacés. Le cœur des Algériens basculent entre la volonté de jouir de la liberté et celle de se recroqueviller sur frileusement sur la couverture religieuse. Un dilemme !  N’a-t-on pas les facultés cognitives pour transcender tous ces clivages idéologiques charriés depuis des lustres ? Au-delà des apparences, aujourd’hui, comme il y a des décennies auparavant, la divergence des aspirations et des mentalités parmi les agents sociaux est intense. Dans les deux cas, cependant, par suite d’une disposition d’esprit particulière, les perceptions globales de l’Algérie de demain restent équivoques. Conservatisme, progressisme puis indépendantisme, des aspects de la situation idéologique et politique qui ne se concordent guère. Dans ce tourbillon politico-idéologique, moult interrogations restent soulevées. Comment rendre compte de ce comportement insolite ? Peut-on aller au-delà de ces divergences ?

Mais au milieu de ce stock des idéologies dont on dispose, quelle voie de secours pour l’Algérie de demain ? Comment se fait-il qu’une série entière d’idéologies reste toujours sous-utilisée, voire même ignorée au plan global, et que les idéologies qui paraissent activer le cours des choses fassent généralement partie elles aussi d’une seule et même série d’idéologies ?

Auteur
Bachir Djaïder (journaliste, écrivain)

 




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