29 mars 2024
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Pourquoi le mouvement populaire est en voie de confiscation en Algérie

DECRYPTAGE

Pourquoi le mouvement populaire est en voie de confiscation en Algérie

On pourrait s’éloigner sur la forme d’une confiscation de la révolution à l’égyptienne par l’armée sous le prétexte de sauver l’Egypte du péril islamiste mais on se rapproche dans le fond par la reproduction d’un système de gouvernance rejetée par l’ensemble de la population mais qui revient sous une autre allure.

En termes simples, ce ne sera pas un général promu au grade de maréchal qui sera l’homme providentiel mais quelqu’un du sérail que l’armée approuvera. Pourquoi ? Inconsciemment, cette fraternité entre « l’armée et son peuple» aura servi au moins à donner les coudées franches à Ahmed Gaïd Salah, vice-ministre de la Défense et chef de l’état-major de se débarrasser d’une armée parallèle que la présidence lui a collée pour le contrôler.

En effet, après l’éloignement des services de sécurité liés à la présidence et certains de ce que la presse algérienne a coutume d’appeler «oligarques» mais restent très loin d’une classe dominante comme en Russie. Il s’agit en fait d’une excroissance du système pour blanchir l’argent détourné dans les commissions et la corruption sous toutes ses formes.

Des analyses anxiogènes de certains experts en économie alertent sur une la période de transition fatale avec de mauvais indicateurs économiques du pays, la déviation des revendications du Hirak vers les constantes sur lesquelles est bâti l’Algérie comme ceux qui «ne se reconnaissent pas Arabes et donc ne sont pas Algériens», le fédéralisme de l’Algérie comme unique voie salutaire, l’insertion du drapeau amazigh avec celui officiel, les islamistes en alpaga qui veulent se positionner et bien d’autres crochets inopportuns pour le moment,… tous ces éléments vont donner assez d’arguments à l’armée algérienne d’éviter à la société de s’entredéchirer dans un débat stérile pour s’en tenir à l’esprit et la lettre de la constitution pour rétrécir la marge de manœuvre de toute négociation éventuelle.

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Quand bien même on aurait fait démissionner Abdelkader Bensalah, son remplaçant mettrait en œuvre la feuille de route du système tracée par Abdelaziz Bouteflika dès sa première lettre adressée à la nation. C’est-à-dire une «conférence souk» et un léger lifting de la constitution qu’on va vite oublier après être dispersé, c’est la confiscation d’un effort révolutionnaire et fortement populaire qui partira en fumée pour la deuxième fois consécutive. Pourquoi ? pour une  question de pouvoir. On se donnera rendez-vous donc dans un demi-siècle.

1- Quel est le synopsis de la première confiscation

La prise en main du pouvoir par ce que les historiens ont identifié comme le clan d’Oujda devait débuter en 1961, lorsque chef de l’armée des frontières le colonel Boumediene confie à Abdelaziz Bouteflika sa première mission «diplomatique». Il était chargé de se rendre clandestinement en France pour rencontrer les chefs historiques du FLN, placés en résidence surveillée au château d’Aulnoy, dans la Seine-et-Marne.

Le colonel Boumediene veut s’assurer d’un appui politique dans la perspective d’une prise de pouvoir, dans la foulée du départ des Français. Il mise sur Mohamed Boudiaf, dirigeant de la Fédération de France du FLN et ministre du gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA). Mais Boudiaf refuse sèchement. Tout comme Hocine Aït Ahmed, lui aussi sollicité.

Abdelaziz Bouteflika, lui, parie plutôt sur Ahmed Ben Bella, qui a sauté sur l’occasion qui lui sera fatale quatre ans plus tard. Rédha Malek qui racontait dans son livre les péripéties des accords d’Evian, est revenu sur cet alliance en la résumant à sa manière «Boumediene avait besoin d’un politique et Ben Bella d’un fusil». Ce soutien militaire contre légitimité politique, sera scellé entre le clan d’Oujda et Ben Bella, par l’intermédiaire de Bouteflika, il va s’avérer fondamental au cours de «l’été de la discorde» de 1962. Les accords d’Evian ont été signés le 18 mars, l’indépendance reconnue le 3 juillet.

L’Algérie est enfin un pays libre, après cent trente-deux ans d’occupation française et huit années d’une sale guerre qui laisse derrière elle 1,5 million de martyrs. Pendant que le peuple était en euphorie pour savourer sa liberté  nuits et jours en plein été, les clans au sein du FLN se déchiraient dans des luttes pour la prise du pouvoir.

Deux factions s’affrontent : le pouvoir civil derrière le  GPRA, et les militaires, avec le clan d’Oujda. Le premier est soutenu par les wilayas de l’intérieur et le FLN français. Les seconds par l’armée des frontières du colonel Boumediene. Celui-ci va s’imposer par la force : le 9 septembre 1962, ses troupes – rebaptisées Armée nationale populaire – entrent dans la capitale. Ahmed Ben Bella rejoint Houari Boumediene à Alger et organise un meeting populaire au stade municipal, avec défilé militaire.

Battu par la force, le GPRA capitule sans conditions. Depuis, le peuple sera conduit d’une manière directe et indirecte par un pouvoir militaire jusqu’à ce jour où ce déclic du cinquième mandat lui a inculqué que sa liberté effective ne l’atteindra que lorsqu’il se débarrasse de ce « système» instauré depuis 1962 pour édifier lui-même un Etat de « droit, républicain et citoyen».

Pour cela, il exige une transition conduite par des personnalités propres, honnêtes qui n’ont jamais géré le pays dans les décennies post-indépendantes.

2 – Conclusion  

En partant, les changements vers une deuxième république ne devraient pas toucher les constantes nationales mais revoir les mécanismes de l’équilibre du pouvoir et surtout le verrouillage de  la constitution pour la protéger contre la violation au gré des circonstances et des hommes. Revenir à une nouvelle constituante, c’est rejeter ce qu’il y a de positif dans l’existant et ouvrir la boîte de Pandore qui permettra aux virus de s’incruster dans cette cohésion populaire formidable. 

Auteur
Rabah Reghis

 




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