29 avril 2024
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Soufiane Djilali : Pour un mandat présidentiel de transition

ENTRETIEN

Soufiane Djilali : Pour un mandat présidentiel de transition

Soufiane Djilali. Crédit photo : Zinedine Zebar.

Soufiane Djilali, président de Jil Jadid, nous reçoit au siège de son parti à Zéralda, dans la banlieue algéroise et répond à nos questions. A coeur ouvert.

Le Matin d’Algérie : Une rencontre élargie de l’opposition se prépare pour la fin juin à l’initiative d’Abdellah Djaballah, président du parti El-Adala à laquelle vous devriez participer, que pouvez-vous nous en dire ?

Soufiane Djilali : C’est un conglomérat de partis qui essaye de travailler déjà depuis quelques mois. Après avoir décliné leur invitation à plusieurs reprises nous avons fini, pour la première fois, par accepter. Au départ leur objectif était de trouver un consensus afin de présenter un candidat unique pour l’élection du 18 avril. Ce qui a changé après le déclenchement du mouvement populaire. Nos positions étaient plus ou moins parallèles et se sont rapprochés au fil des jours.

Finalement nous avons décidé ensemble de préparer une conférence, ou un rassemblement national, qui regrouperait l’opposition : partis, syndicats, associations, personnalités afin de rééditer en quelque sorte Mazafran 1.

L’objectif de la société politique (partis, syndicats, associations) par l’organisation de ce rassemblement est d’unifier ses positions de manière à influer sur le cours des évènements et ainsi de se donner les moyens d’influencer la décision finale.

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Quel est le poids réel de cette société politique que vous nous décrivez ?

Soufiane Djilali : La société politique dans son ensemble pèse peu. Le problème c’est qu’en dehors d’elle il n’y a rien. C’est le résultat d’une politique menée intentionnellement par le pouvoir, durant plusieurs années, afin de dissocier le tissu politique et d’empêcher toute forme d’agglomération, de saper toute initiative d’organisation et de marginaliser toute formation crédible. Le résultat ne s’est pas fait attendre : une grande partie de la population s’est vue exclure de la vie politique, ne s’intéresse plus à la chose publique et ne s’implique plus. Ce qui a eu pour conséquence l’affaiblissement de cette société politique qui ne disposait pas de moyens humains, financiers et matériels afin de s’organiser et d’activer. Cela ne signifie pas qu’elle n’existe pas. Dans cette phase cruciale où l’implication de tout un chacun est requise, elle pourrait devenir le point de chute de tout citoyen désireux de participer à la vie politique afin de construire ensemble l’avenir.

Qui participera effectivement à cette rencontre élargie ?

Soufiane Djilali : Pour le moment un certain nombre de contacts ont été pris avec quelques partis et parties. C’était le cas lors de la rencontre de l’opposition qui s’est tenue au Mazafran en 2014. Tout avait commencé par le rassemblement de quatre formations politiques. Et comme chaque fois dans ce genre de cas, il y a eu comme une dynamique, un effet boule de neige. Le regroupement a fini par devenir le plus grand rassemblement de l’opposition. Pour notre part, nous préconisons la préparation d’un document consensuel qui sera rendu public et diffusé le jour de la réunion.

Aujourd’hui, quelle est la chance de cette opposition politique d’être vraiment écoutée par les manifestants et le pouvoir, d’avoir une influence sur le cours des événements, en bref de peser sur la balance ?

Soufiane Djilali : Jusqu’au 22 février il y avait d’une part le pouvoir, qui était maître de tout, et d’autre part l’opposition très affaiblie, amoindrie, et cantonnée dans un espace extrêmement restreint. Mais l’intervention du mouvement populaire, avec cette entrée fracassante du peuple algérien dans l’équation, a changé le rapport de force. Maintenant c’est le  pouvoir qui est cerné, qui a égaré son autorité morale et qui est à la recherche de ses points de repère afin de se préserver, alors qu’en face un peuple impétueux fait une pression remarquable. Ce qui, par ricochet, a ravivé l’opposition qui ne peut exister qu’à travers la volonté du peuple. Si ce dernier fait jonction avec cette élite, la révolution du sourire triomphera. Aujourd’hui, il y a un débat qui nécessite la participation de tous : deux grandes alternatives de sortie de crise, formulées par les partis politiques, s’affrontent.

Quelles sont ces deux grandes options ?

Soufiane Djilali : La première proposition préconise le passage par une période de transition au cours de laquelle une assemblée constituante verrait le jour, dont la mission, comme son nom l’indique, serait de revoir la constitution, faire approuver la nouvelle mouture de la loi fondamentale et procéder à une élection présidentielle au terme de cette phase.

La deuxième proposition par contre prône d’aller rapidement vers une élection présidentielle

Pourriez-vous nous éclairer d’avantage sur la première option ?

Soufiane Djilali : Cette idée d’élire une assemblée constituante, défendue par feu Aït Ahmed pendant de longues années et qui surgit de façon répétitive, était déjà d’actualité à l’indépendance, elle aurait été la solution idoine en ce temps-là afin de construire l’Algérie nouvelle. Pensez-vous qu’une assemblée constituante qui induirait une période de transition relativement longue, aplanirait aujourd’hui tous les problèmes ? C’est une voie intéressante qui présente un avantage certain mais qui nous conduirait vers des discussions de fond, comme l’identité, les langues, la place et le rôle de la femme dans la société, celle de l’islam, le type de régime présidentiel ou parlementaire, et sur beaucoup d’autres choses. Quand ce genre de sujets sont abordés, ils engendrent les passions et réveillent les démons. S’il n’y a pas une autorité légitime qui puisse arbitrer, à certains moments, il sera très complexe d’arriver jusqu’au bout dans la sécurité, la sérénité pour tout le monde. Autant cette voie représente un intérêt évident, autant elle peut faire du tort au pays et causer des dommages dans le climat et la situation actuels.

Et sur la seconde proposition ?

Soufiane Djilali : L’autre option est d’aller rapidement vers une élection présidentielle après avoir revu la loi électorale et les listes, mis en place une commission indépendante pour assurer le bon déroulement et la surveillance du scrutin afin de garantir sa transparence et mis en place un certain nombre de garde fous. Ce qui inquiète les parties qui sont pour une période de transition avec l’élection d’une assemblée constituante, partisans de la première option, c’est que rien ne garantit que le nouveau président élu procèdera à un changement réel, et qu’il pourrait reconduire le système actuel.

Que préconisez-vous alors ?

Soufiane Djilali : Régler le problème de la légitimité du président de la république mais en exigeant des candidats potentiels que l’on pourrait soutenir, un engagement afin de lancer dès leur élection un processus constituant. C’est-à-dire dissoudre l’assemblée actuelle, procéder à l’élection d’une nouvelle assemblée qui travaillera avec un gouvernement, cette fois-ci légitime, et qui en parallèle, entamera la question de la constitution : refaire la constitution et reconstruire les institutions sur une base consensuelle avec les forces politiques qui auront émergé. En mixant les deux propositions on récupère les points forts de chaque option et on évite les points faibles des deux. Ce qui permettrait d’assurer la continuité de l’Etat, d’avoir un arbitre légitime, et à moyen terme de revoir le fonctionnement de l’Etat algérien. Il faut un mandat présidentiel de transition

En quoi consisterait ce mandat présidentiel de transition d’une manière pratique ?

Soufiane Djilali : Il y aurait de tout dans cette phase-là. C’est-à-dire qu’un véritable changement devrait s’opérer durant tout le mandat. Les candidats proposent leurs programmes. L’ensemble de l’opposition et la société civile devront conditionner leur soutien aux candidats potentiels, à leur engagement d’appliquer un programme prédéterminé sur le plan constitutionnel et institutionnel d’une part et à leur disposition à respecter la démarche générale d’autre part. Les candidats qui accepteront ces conditions seront soutenus par cette société politique et ceux qui ne le désirent pas n’auront qu’à aller chercher leurs électeurs ailleurs. C’est le jeu démocratique.

Comment procéder afin de mettre en œuvre une telle solution tandis que les manifestants crient pas de dialogue ni de négociation avec les gangs ?

Soufiane Djilali : Le régime algérien est malade. Pour le soigner il faut faire le bon diagnostic. Il faut séparer le grain de l’ivraie. Aujourd’hui, la source du pouvoir se situe au niveau de l’état-major de l’armée. Il vaut mieux avoir affaire au bon dieu qu’à ses saints. Mais il est peu probable, à mon sens, que l’état-major accepte un dialogue direct par la voix de son chef. Il donne l’impression de vouloir conserver une certaine distance et de  garder une certaine réserve afin d’éviter de se fourvoyer dans des méandres qu’il ne maîtrise pas. Il pourrait par exemple s’impliquer à travers une commission mixte composé de militaires et de civils

Comment faire pour choisir les civils composant cette commission et comment procèderont les citoyens pour exprimer leur refus ou leur acceptation ?

Soufiane Djilali : Je pense que les citoyens se sont exprimés très clairement là-dessus. Si vous proposez des figures du FLN ou du RND comme mandataires, vous imaginez ce que pourrait être leurs réactions. Si par contre vous suggérez des hommes propres, qui n’ont pas appartenu à cette caste de mafieux, ils seront enclins à accepter. Les Algériens sont raisonnables. Ils comprennent bien qu’à un moment ou à un autre, il faudra négocier. Car l’absence de dialogue engendre à terme la violence. Je ne pense pas qu’un Algérien puisse aujourd’hui envisager une telle issue. Donc, il faut discuter avec ce pouvoir. Mais discuter dans quel cadre ? Il faut penser comment aider ce régime à s’en aller. C’est-à-dire s’entendre sur les voies à emprunter et les moyens à mettre en œuvre pour que la population s’exprime en choisissant ses futurs dirigeants.

Pouvez-vous nous décrire en quelques mots la démarche à suivre afin de concrétiser votre proposition d’un mandat présidentiel de transition ?

Soufiane Djilali : Il faut d’abord le préparer. Un délai de six mois me semble raisonnable. Il serait intéressant  que les autorités, c’est-à-dire la présidence actuelle et l’état-major de l’armée s’entendent sur des personnalités représentatives auxquels elles délivreraient un mandat afin de discuter avec la classe politique et de mener le débat  autour de quelques questions précises : ouverture du champ politique et médiatique, révision de la loi électorale et mise en place d’une commission indépendante afin de gérer l’ensemble du processus électorale, et enfin fixation de la date de l’élection présidentielle.

Une fois ces questions tranchées, chaque candidat s’engagera à mener un mandat de transition, dans le cas où il serait élu. Ce mandat consistera au renouvellement de l’Assemblée Nationale et à l’engagement d’actions afin de rétablir les équilibres économiques à très court terme, mais en parallèle au lancement d’un processus constituant afin d’aboutir à un changement de la constitution à moyen terme ; procéder enfin à la mise en place des institutions définitives de l’Etat. Au bout de cinq ans le processus aura été totalement finalisé et un régime nouveau verra le jour.

Auteur
Entretien réalisé par Djalal Larabi

 




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