29 mars 2024
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AccueilIdée« Ya Lounes, ya Matoub », l’hommage mi-rebelle mi-soumis !

« Ya Lounes, ya Matoub », l’hommage mi-rebelle mi-soumis !

Amazighité, quand même Mazouni s’y met !

« Ya Lounes, ya Matoub », l’hommage mi-rebelle mi-soumis !

La cacophonie, le tintamarre et les canulars criards que ne cesse de nous servir le pouvoir, du sommet de l’état à l’ensemble de ses relais, a de quoi dérégler toutes les boussoles du petit peuple, témoin impuissant des manigances ourdies contre lui en permanence par ces politicards endurcis que rien, ni personne, ne semble inquiéter dans leur funeste projet de subordination et de tromperie intégrale de la société.

S’il subsistait l’ombre d’un doute que l’officialisation de Tamazight et le petit cadeau de fin d’année décrétant Yenayer journée chômée et payée, au même titre qu’ « awal mouharam », font partie d’une stratégie perverse qui consiste à diluer nos racines dans un labyrinthe vorace, à l’intérieur duquel ils s’acharnent à tous nous engouffrer, le dernier tube de Mazouni dédié à Matoub vient de le diluer !

Mazouni fait indéniablement partie du patrimoine national dont il est impossible d’ignorer le  parcours et l’engagement dans le défrichage de nos problèmes de société. Il a fait partie de ces jeunes premiers qui ont chanté l’amour, au sens du frisson, et la mixité sans tabou. À cet égard, on ne peut que reconnaitre l’impact de ses nombreux tubes des années 1960 sur l’éveil d’une jeunesse avide de Vie et d’Amour, au sortir de la longue nuit coloniale. Qui ne se souvient pas des fameux « rouhi ya yemma khatbili 3aroussa mine kach maderssa », « yakha 3likoum y el’bnat, ach’hal t’habou tounoubilat » que nous reprenions gaiement dans nos petites cours de collège et de Lycée ?

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Quasiment en cavalier solitaire, Mazouni osait aller à contre-courant de la bienséance et des tabous politico-religieux hypocrites que le pouvoir, déjà à l’époque, s’attelait à installer dans la société. Il me revient en mémoire que souvent en allant au marché de Chartres, à Alger, faire quelques petites emplettes pour nos petites mamans, interdites de sortie par des mâles récalcitrants à toute idée de balade de leurs fatmas adorées dans des rues grouillant d’inconnus, Je faisais le tour de l’enclos du marché pour écouter ces airs que les 2 ou 3 disquaires installés à l’extérieur diffusaient sans relâche, au moment de leur sortie. Mazouni représentait une sorte de canal d’espoir local qui nous projetait vers un avenir rempli de gaieté et d’interactions mâles-femelles basées sur une mixité saine, au sens universel. Du moins, c’est ainsi qu’adolescents nous percevions ses chansons quand nous l’écoutions et le fredonnions entre copains sans…copines.

La vie étant jalonnée de bifurcations qui échappent souvent à notre propre contrôle, la nôtre a fait que nous ne savions même pas que Mazouni chantait encore pour nous servir un nouveau succès sur Youtube, plus de 50 ans après ses premiers tubes !

Pour être franc, quand j’ai écouté cet hommage à Matoub, jusqu’à la minute 3’00, j’avais apprécié et même laissé emporter par cette « khalota » de rimes bon-enfant, propres à Mazouni, dans lesquelles, chah fi le kamum de Naïma Salhi, el-courage, e-chomage, l’oumage, vient nous rappeler le mélange subtil de nos parlers du terroir ! Tout cela dans une rythmique Kabyle sur fond de sonorités orientales harmonieuses, à tout le moins, bien réussie. Même si, on ne peut que regretter et reprocher à Mazouni de ne pas avoir fait l’effort d’associer à ses phonèmes quelques rimes en Kabyle pour mettre en relief le caractère linguistique singulier de la composante dominante (en termes djurdjurassiques, pour ne froisser personne) des langues supérieures (n’en déplaise-bis à khalti Naïma Salhi) du terroir pour laquelle Matoub s’est sacrifié !

D’ailleurs, à propos de son assassinat, on peut s’amuser à subodorer toutes sortes de raisons obscures qui ont poussé le pouvoir et/ou ses relais islamistes à l’éliminer, mais il y en une et une seule de valable : Le détournement par Matoub de Kassaman. Cet hymne que presque tout le monde fredonne sans en comprendre un traitre mot, du moins de mon temps. Un hymne rédigé en arabe nucléaire et sur lequel s’assoit le pouvoir depuis 1962 pour le transformer en supercherie de masse !

Une supercherie que Matoub avait superbement mis à nu avec « aghourou » ! et ça, le pouvoir ne l’a pas accepté, car railler « Kassaman », c’est s’attaquer à une légitimité douteuse et un fonds de commerce fructueux sur lesquels le pouvoir a bâti ses « succès » et sa mainmise sur le pays. Avec « aghourou », Matoub a tout démasqué et offert à ceux qui parlent et comprennent le Kabyle, à travers un texte percutant de vérité impossible à contrecarrer, une version de l’hymne national en laquelle tout Algérien qui se respecte ne peut que se reconnaitre.

En assassinant Matoub, ils n’ont fait qu’imiter les méthodes et l’époque la djahilia ! Cette époque « épique » d’une minuscule tribu Qorayshite pendant laquelle Muhamed faisait trucider les poètes qui se risquaient à produire et propager une poésie supérieure à celles que Djabril susurrait à l’oreille gauche du prophète lors de ses nombreux plongeons dans le fleuve mystico-épileptique qui aveugle et emporte sans relâche des quotités d’hommes et de femmes aux quatre coins de la planète !

Retour à Mazouni et ces lendemains d’indépendance, pendant lesquels nous avions, avec du recul, perçu en lui, à travers ses chansonnettes franches et directes, un Matoub avant l’heure. Mais voilà, ça c’était avant ! avant ce fatidique et insupportable clin d’œil à Abdelaziz 1 er !

« Ya Matoub r’saltek belaghnaha oua k’raha Abdelaziz ! » Wouah ! c’est du lourd ! Comment ne pas interpréter cette association Matoub-Mazouni- Abdelaziz à la trinité Allah-Djabril- Muhamad qui scelle une vérité absolue que personne, à part les « hypocrites » (au sens du message) que nous sommes, ne doit contester ?

Voilà qui est on ne peut plus clair ! Après avoir séduit Notre Idir, le clan s’attèle à récupérer jusqu’à la mémoire de ceux qu’ils ont, sous nos yeux, froidement assassinés !
Après Ouyahia qui déclare « la hia la hachma », comme toujours, que Bouteflika avait désapprouvé l’interdiction de la conférence de Mouloud Mammeri à Tizi-Ouzou, ce qui avait mis le feu aux poudres en avril 1980, voilà que Mazouni veut recouvrir l’aura de Matoub du burnous sinistre des 60 années de perfidie de Abdelaziz 1 er !

On a comme l’impression que sous nos yeux, pourtant grand-ouverts, ils falsifient l’Histoire comme si nous ne faisions plus partie de ce monde pour témoigner de leurs méfaits ! Si ça se trouve, ils se préparent à rédiger une page de hauts faits dans laquelle ils raconteront aux générations futures que des centaines de milliers de berbères ont dévalés les artères d’Alger en 2001 pour honorer une invitation chaleureuse et prévenante adressée au peuple Kabyle par fakhamatouhou el-aouel ! Mais c’est quoi ce boxon insipide et irritant bon sang ?

Ah ya si Mazouni ! je ne sais à travers quel prisme tu observes l’Algérie, 50 ans après l’avoir chantée en amour et cérémonials associés, mais il faut que tu comprennes que c’est insulter le « combattite » pour la liberté que tu mets en relief, à propos de Matoub, en osant ainsi assembler son nom à celui d’un dictateur multi-putschiste lequel, en termes d’expérience et de coups d’état, dépasse ta carrière en chansons, et qui ne veut pas lâcher le koursi, quitte à tous nous sacrifier, y compris les tribus des « thivhirines » de Blida, celle des Mazouni inclue !

Associer ainsi le nom de Matoub à celui de Abdelaziz passe mal, très mal ! d’autant que les images d’un Bouteflika conquérant à Tizi-Ouzou, moins de 2 ans après la mort de Matoub pour nous menacer d’un savoir-faire de grabuge supérieur qu’il n’hésite pas à mettre en application quelques mois à peine après ses menaces pour faire assassiner, par des gendarmes acquis à une cause anti- Kabyle primaire, des dizaines de jeunes en toute légèreté, sont encore tachées d’un sang qui se refuse à sécher 17 ans après !

Ah ya si Mazouni ! si tu pouvais nous concocter un tube pour secourir les millions de jeunes facebookers algériens piégés dans, et trompés par, des discours wahabistes d’un autre âge, pour aider à construire cette liberté dont Matoub, Yacine, Azem, Mammeri, et tant d’autres, ont rêvé pour nous, tu bouclerai le cycle d’une vie dédiée à l’amour, en toute beauté, au lieu d’exalter ce Abdelaziz et son clan dont le dictionnaire contient toutes sortes de ruses terminologiques mais pas le moindre synonyme de ce mot magique de cinq lettres auquel nous t’avons toujours associé depuis ces « bnat » radieuses de nos années d’insouciance, et que tu nous a appris à célébrer et glorifier, même sans « tounoubilat » !

En ces années-là, ya si Mazouni, saches que tu as contribué, à ta façon, à nous délivrer de moult servitudes pour rêver d’une Vie résumée par ce poème de Garcia Lorca qu’un lecteur du matin nous a gentiment retranscrit :

Il meurt lentement
celui qui ne voyage pas,
celui qui ne lit pas,
celui qui n’écoute pas de musique,
celui qui ne sait pas trouver
grâce à ses yeux.
Il meurt lentement
celui qui détruit son amour-propre,
celui qui ne se laisse jamais aider.
Il meurt lentement
celui qui devient esclave de l’habitude
refaisant tous les jours les mêmes chemins,
celui qui ne change jamais de repère,
Ne se risque jamais à changer la couleur
de ses vêtements
Ou qui ne parle jamais à un inconnu
Il meurt lentement
celui qui évite la passion
et son tourbillon d’émotions
celles qui redonnent la lumière dans les yeux
et réparent les cœurs blessés
Il meurt lentement
celui qui ne change pas de cap
lorsqu’il est malheureux
au travail ou en amour,
celui qui ne prend pas de risques
pour réaliser ses rêves,
celui qui, pas une seule fois dans sa vie,
n’a fui les conseils sensés.Vis maintenant !
Risques-toi aujourd’hui !
Agis tout de suite !
Ne te laisse pas mourir lentement !
Ne te prive pas d’être heureux !
Pablo Neruda,

Que rajouter à ce poème sinon qu’il ne meurt pas lentement mais en vitesse accélérée  celui à qui on n’a pas appris que le seul synonyme qui sied à la Vie est le verbe aimer ? Ce verbe si bien conjugué et glorifié par Mazouni avant de se laisser séduire et piéger par une « 3abdelazizite » stérile et ses folies, antonymes à toute idée de bonheur et de liberté !

Quoiqu’il en soit, quand bien même ce « Matoub dima mahboub » est une pépite de musique et de paroles légères mais subtiles, il y aurait eu consensus et unanimité d’ovations à cet hommage au rebelle sans ce sacrilège d’avoir osé associer le nom d’un combattant mort pour la liberté à celui d’un dictateur cautionné par les propres assassins de Matoub !

Auteur
Kacem Madani

 




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